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révérends pères carmes ont gravement & fortement foutenu que les thérapeutes étaient carmes : pourquoi non? Elie qui a fondé les carmes, ne pouvait-il pas auffi aifément fonder les thérapeutes?

Les judaïtes avaient plus d'enthousiasme que toutes ces autres fectes. L'hiftorien Jofephe nous apprend que ces judaïtes étaient les plus déterminés républicains qui fuffent fur la terre. C'était à leurs yeux un crime horrible de donner à un homme le titre de mon maître, de milord. Pompée & Sozius qui avaient pris Jérufalem l'un après l'autre, Antoine, Octave, Tibère étaient regardés par eux comme des brigands dont il fallait purger la terre. Ils combattaient contre la tyrannie avec autant de courage qu'ils en parlaient. Les plus horribles fupplices ne pouvaient leur arracher un mot de déférence pour les Romains leurs vainqueurs & leurs maîtres; leur religion était d'être libres.

Il y avait déjà quelques hérodiens, gens entièrement oppofés aux judaïtes. Ceux-là regardaient le roi Hérode, tout foumis qu'il était à Rome, comme un envoyé d'Adonaï, comme un libérateur, comme un meffie; mais ce fut après fa mort que la fecte hérodienne devint nombreuse. Prefque tous les Juifs qui trafiquaient dans Rome fous Néron célébraient la fête d'Hérode leur meffie. Perfe parle ainfi de cette fête dans fa cinquième fatire où il fe moque des fuperftitieux.

Herodis venêre dies : unitaque feneftra

Difpofitæ pinguem nebulam vomuêre lucerne,
Portantes violas, rubrumque amplexa catinum,
Cauda natat thynni, tumet alba fidelia vino.

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Labra moves tacitus, recutitaque fabbata palles ;
Tunc nigri lemures, ovoque pericula rupto.
Hinc grandes galli, & cum fiftro lufca facerdos,
Incuffere Deos, inflantes corpora, fi non
Prædictum ter manè caput guftaveris alli.

"Voici les jours de la fête d'Hérode. De fales lam"pions font difpofés fur des fenêtres noircies d'huile; ,, il en fort une fumée puante; ces fenêtres font ,, ornées de violettes. On apporte des plats de terre ,, peints en rouge, chargés d'une queue de thon qui "nage dans la fauce. On remplit de vin des cruches

blanchies. Alors, fuperftitieux que tu es, tu remues , les lèvres tout bas, tu trembles au fabbat des

déprépucés, tu crains les lutins noirs & les farfa, dets, tu frémis fi on caffe un œuf. Là, font des , galles, ces fanatiques prêtres de Cybèle; ici est une " prêtreffe d'Ifis qui louche en jouant du fiftre. Avalez ,, vîte trois gouffes d'ail confacrées, fi vous ne voulez " pas qu'on vous envoie des dieux qui vous feront ,, enfler tout le corps. "

Ce paffage eft très-curieux & très-important pour ceux qui veulent connaître quelque chofe de l'antiquité. Il prouve que du temps de Néron les Juifs étaient autorifés à célébrer dans Rome la fête folemnelle de leur meffie Hérode, & que les gens de bon fens les regardaient en pitié, & fe moquaient d'eux comme aujourd'hui. Il prouve que les prêtres de Cybele & ceux d'Ifis, quoique chaffés fous Tibère avec la moitié des Juifs, pouvaient jouer leurs facéties en toute liberté.

Dignus

Dignus Roma locus, quò Deus omnis eat.

Tout Dieu doit aller à Rome, difait un jour une ftatue qu'on y transportait.

Si les Romains, malgré leurs lois des douze tables, fouffraient toutes les fectes dans la capitale du monde, il eft clair, à plus forte raifon, qu'ils permettaient aux Juifs & aux autres peuples d'exercer chacun chez foi les rites & les fuperftitions de fon pays. Ces vainqueurs légiflateurs ne permettaient pas que les barbares foumis immolaffent leurs enfans comme autrefois : mais qu'un juif ne voulût pas manger d'un plat d'un cappadocien, qu'il eût en horreur la chair de porc, qu'il priât Moloc ou Adonaï, qu'il eût dans fon temple des bœufs de bronze, qu'il fe fît couper un petit bout de l'inftrument de la génération, qu'il fût baptisé par Hillel ou par Jean, que fon ame fût mortelle ou immortelle, qu'il reffufcitât ou non, & qu'ils répondiffent bien ou mal à la queftion que leur fit Cléopatre s'ils reffufciteraient tout vêtus ou tout nus; rien n'était plus indifférent aux empereurs de la terre.

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LES hommes inftruits favent affez que le petit peuple juif avait pris peu à peu ses rites, fes lois, fes ufages, fes fuperftitions, des nations puissantes dont il était entouré : car il eft dans la nature humaine que le chétif & le faible tâche de fe conformer au puiffant & au fort. C'est ainfi que les Juifs prirent des

prêtres égyptiens la circoncifion, la diftinction des viandes, les purifications d'eau appelées depuis baptême, le jeûne avant les grandes fêtes qui étaient les jours des grands repas, la cérémonie du bouc Hazazel chargé des péchés du peuple, les divinations, les prophéties, la magie, le secret de chaffer les mauvais démons avec des herbes & des paroles.

Tout peuple, en imitant les autres, a auffi fes propres ufages & fes erreurs particulières. Par exemple, les Juifs avaient imité les Egyptiens & les Arabes dans leur horreur pour le cochon ; mais il n'appartenait qu'à eux de dire, dans leur Lévitique, qu'il est défendu de manger du lièvre & qu'il eft impur, parce qu'il rumine & qu'il n'a pas le pied fendu. Il est visible que l'auteur du Lévitique, quel qu'il foit, était un prêtre ignorant les chofes les plus communes, puifqu'il eft conftant que le pied du lièvre eft fendu, & que cet animal ne rumine pas.

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La défense de manger des oiseaux qui ont quatre pattes, montre encore l'extrême ignorance du légiflateur qui avait entendu parler de ces animaux chimériques.

C'est ainsi que les Juifs admirent la lèpre des murailles, ne fachant pas feulement ce que c'eft que la moififfure. C'est cette même ignorance qui ordonnait, dans le Lévitique, qu'on lapidât le mari & la femme qui auraient vaqué à l'œuvre de la génération pendant le temps des règles. Les Juifs s'étaient imaginé qu'on ne pouvait faire que des enfans mal-fains & lépreux dans ces circonftances. Plufieurs de leurs lois tenaient de cette groffièreté barbare.

Ils étaient extrêmement adonnés à la magie,

parce que ce n'eft point un art, & que c'eft le comble de l'extravagance humaine. Cette prétendue science était en vogue chez eux depuis leur captivité dans Babylone. Ce fut là qu'ils connurent les noms des bons & des mauvais anges, & qu'ils crurent avoir le fecret de les évoquer & de les chaffer.

L'hiftoire des roitelets juifs, qui probablement fut compofée après la tranfmigration de Babylone, nous conte que le roitelet Saül, long-temps auparavant, avait été possédé du diable, & que David l'avait guéri quelquefois en jouant de la harpe. La pythoniffe d'Endor avait évoqué l'ombre de Samuel. Un prodigieux nombre de Juifs se mêlait de prédire l'avenir. Prefque toutes les maladies étaient réputées des obfeffions de diables, & du temps d'Augufte & de Tibère, les Juifs ayant peu de médecins exorcifaient les malades, au lieu de les purger & de les faigner. Ils ne connaiffaient point Hippocrate, mais ils avaient un livre intitulé la Clavicule de Salomon, qui contenait tous les fecrets de chaffer les diables par des paroles, en mettant fous le nez des poffédés une petite racine nommée barath; & cette façon de guérir était tellement indubitable que Jefu convient de l'efficacité de ce fpécifique. Il avoue lui-même dans l'évangile de Matthieu (e) que les enfans mêmes chaffaient communément les diables.

On pourrait faire un très-gros volume de toutes les fuperftitions des Juifs; & Fleuri, écrivain plus catholique que papiste, aurait bien du en parler dans fon livre intitulé les Mœurs des Ifraëlites, où l'on voit, dit-il,

(e) Matth. chap. XII.

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