Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

plus grande eft dans l'édit de Cyrus qu'Efdras rapporte. Il fait parler ainfi le conquérant Cyrus : Adonaï le Dieu du ciel m'a donné tous les royaumes de la terre & m'a commandé de lui bâtir un temple dans Jérusalem qui eft en Judée. On a très-bien remarqué que c'eft précifément comme fi un prêtre grec fesait dire au grandturc: St Pierre & St Paul m'ont donné tous les royaumes du monde, & m'ont commandé de leur bâtir une maison dans Athènes qui eft en Grèce.

Si l'on en croit Efdras, Cyrus par le même édit, ordonna que les pauvres qui étaient venus à Jérusalem, fuffent fecourus par les riches qui n'avaient pas voulu quitter la Chaldée où ils se trouvaient très-bien, pour un territoire de cailloux, où l'on manquait de tout, & où même on n'avait pas d'eau à boire pendant fix mois de l'année. Mais, foit riches, foit pauvres il eft conftant qu'aucun Juif de ces temps-là ne nous a laiffé la plus légère notion de l'immortalité de l'ame.

CHAPITRE III.

Comment le platonisme pénétra chez les Juifs.

Philofophie CEPENDANT Socrate & Platon enfeignèrent dans

de Platon.

Athènes ce dogme qu'ils tenaient de la philofophie égyptienne, & de celle de Pythagore. Socrate, martyr de la divinité & de la raison, fut condamné à mort, environ trois cents ans avant notre ère, par le peuple léger, inconftant, impétueux d'Athènes, qui se repentit bientôt de ce crime. Platon était jeune encore.

Ce fut lui qui le premier chez les Grecs effaya de prouver, par des raifonnemens métaphyfiques, l'exiftence de l'ame & fa fpiritualité, c'est-à-dire fa nature légère & aérienne, exempte de tout mélange de matière groffière, fa permanence après la mort du corps, fes récompenfes & fes châtimens après cette mort, & même fa réfurrection avec un corps tombé en pourriture. Il réduifit cette philofophie en fyftème dans fon Phædon, dans fon Timée, & dans fa république imaginaire: il orna fes argumens d'une éloquence harmonieufe & d'images féduifantes.

Il eft vrai que fes argumens ne font pas la chofe du monde la plus claire & la plus convaincante. Il prouve d'une étrange manière, dans fon Phædon, l'immortalité de l'ame dont il suppose l'existence, fans avoir jamais examiné fi ce que nous nommons ame eft une faculté donnée de DIEU à l'espèce animale, ou fi c'est un être distinct de l'animal même. Voici fes paroles: Ne dites-vous pas que la mort est le contraire de , la vie? Oui. Et qu'elles naiffent l'une de ,, l'autre?-Oui. -Qu'eft-ce donc qui naît du vivant?

99

Le mort

[ocr errors]

Et qu'eft-ce qui naît du mort?..... ,, Il faut avouer que c'est le vivant. C'eft donc des ,, morts que naiffent toutes les chofes vivantes? — Il ,, me le femble. - Et par conféquent les ames vont ,, dans les enfers après notre mort?- La conféquence ,, eft fure.,,

C'est cet abfurde galimatias de Platon (car il faut appeler les chofes par leur nom) qui féduifit la Grèce. Il eft vrai que ces ridicules raisonnemens, qui n'ont pas même le frêle avantage d'être des fophifmes, font quelquefois embellis par de magnifiques images toutes

poëtiques; mais l'imagination n'eft pas la raison. Ce n'eft pas affez de repréfenter DIEU arrangeant la matière éternelle par fon logos, par fon verbe; ce n'est pas affez de faire fortir de fes mains des demi-dieux compofés d'une matière très-déliée, & de leur donner le pouvoir de former des hommes d'une matière plus épaiffe ce n'eft pas affez d'admettre dans le grand DIEU une espèce de trinité composée de DIEU, de fon verbe & du monde. Il pouffa fon roman jufqu'à dire qu'autrefois les ames humaines avaient des ailes, que les corps des hommes avaient été doubles. Enfin, dans les dernières pages de fa république, il fit resfufciter Hérés, pour conter des nouvelles de l'autre monde mais il fallait donner quelques preuves de tout cela, & c'eft ce qu'il ne fit pas.

Ariftote fut incomparablement plus fage; il douta de ce qui n'était pas prouvé. S'il donna des règles du raifonnement, qu'on trouve aujourd'hui trop fcolaftiques, c'eft qu'il n'avait pas pour auditeurs & pour lecteurs un Montagne, un Charron, un Bâcon, un Hobbes, un Locke, un Shaftesbury, un Bolingbroke, & les bons philofophes de nos jours. Il fallait démontrer, par une méthode fure, le faux des fophifmes de Platon, qui fuppofaient toujours ce qui eft en queftion. Il était néceffaire d'enfeigner à confondre des gens qui vous difaient froidement : Le vivant vient du mort, donc les ames font dans les enfers. Cependant le ftyle de Platon prévalut, quoique ce ftyle de profe poëtique ne convienne point du tout à la philofophie. En vain Démocrite & enfuite Epicure combattirent les fyftèmes de Platon; ce qu'il y avait de plus fublime dans fon roman de l'ame fut applaudi prefque géné

ralement ; & lorsqu'Alexandrie fut bâtie, les Grecs qui vinrent l'habiter furent tous platoniciens.

Les Juifs fujets d'Alexandre, comme ils l'avaient été des rois de Perfe, obtinrent de ce conquérant la permiffion de s'établir dans la ville nouvelle dont il jeta les fondemens, & d'y exercer leur métier de courtiers, auquel ils s'étaient accoutumés depuis leur efclavage dans le royaume de Babylone. Il y eut une tranfmigration de Juifs en Egypte, fous la dynastie des Ptolomées, auffi nombreuse que celle qui s'était faite vers Babylone. Ils bâtirent quelques temples dans le Delta, un entr'autres nommé l'Onion dans la ville d'Héliopolis, malgré la fuperftition de leurs pères qui s'étaient perfuadés que le Dieu des Juifs ne pouvait être adoré que dans Jérufalem.

Alors le fyftème de Platon, que les Alexandrins. adoptèrent, fut reçu avidement de plufieurs juifs égyptiens qui le communiquèrent aux Juifs de la Palestine.

CHAPITRE IV.

DANS

Sectes des Juifs.

ANS la longue paix dont les Juifs jouirent fous l'arabe iduméen Hérode, créé roi par Antoine & ensuite par Augufte, quelques juifs de Jérufalem commencèrent à raisonner à leur manière, à disputer, à se partager en fectes. Le fameux rabin Hillel, précurfeur de

Gamaliel de qui Saul-Paul fut quelque temps le domeftique, fut l'auteur de la fecte des pharifiens, c'est-àdire des diftingués. Cette fecte embraffait tous les dogmes de Platon, ame, figure légère, enfermée dans un corps; ame immortelle, ayant fon bon & fon mauvais démon, ame punie dans un enfer, ou récompensée dans une espèce d'Elyfée; ame transmigrante, ame reffufcitante.

Les faducéens ne croyaient rien de tout cela; ils s'en tenaient à la loi mofaïque qui n'en parla jamais. Ce qui peut paraître très-fingulier aux chrétiens intolérans de nos jours, s'il en eft encore, c'est qu'on ne voit pas que les pharifiens & les faducéens, en différant fi effentiellement, aient eu entr'eux la moindre querelle. Ces deux fectes rivales vivaient en paix, & avaient également part aux honneurs de la fynagogue. 1 Les efféniens étaient des religieux dont la plupart ne fe mariaient point, & qui vivaient en commun; ils ne facrifiaient jamais de victimes fanglantes; ils fuyaient non-feulement tous les honneurs de la république, mais le commerce dangereux des autres hommes. Ce font eux que Pline l'ancien appelle une nation éternelle dans laquelle il ne naît perfonne.

Les thérapeutes juifs, retirés en Egypte auprès du lac Moris, étaient femblables aux thérapeutes des gentils; & ces thérapeutes étaient une branche des anciens pythagoriciens. Thérapeute signifie serviteur & médecin. Ils prenaient ce nom de médecin, parce qu'ils croyaient purger l'ame. On nommait en Egypte les bibliothèques la médecine de l'ame, quoique la plupart des livres ne fuffent qu'un poison afsoupiffant. Remarquons en paffant que, chez les papistes, les

« PreviousContinue »