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peuple; je les irriterai dans la nation infenfée; il s'eft allumé un feu dans ma fureur, & il brûlera jufqu'aux fondemens de la terre, & il dévorera la terre jufqu'à fon germe, & il brûlera la racine des montagnes; j'assemblerai fur eux les maux, & je remplirai mes flèches fur eux, & ils feront confumés par la faim; les oifeaux les dévoreront par des morfures amères; je lâcherai fur eux les dents des bêtes qui fe traînent avec fureur fur la terre, & des ferpens.

Voilà où l'on a cru trouver l'enfer, le féjour des diables; on a faifi ces feules paroles, il s'eft allumé un feu dans fa fureur, & les détachant du refte on a inféré que Moïfe pouvait bien avoir par-là fous-entendu le Phlégéton brûlant & les flammes du Tartare.

Quand on veut fe prévaloir de la décifion d'un légiflateur, il faut que cette décifion foit précise & claire. Si l'auteur du Pentateuque avait voulu annoncer que l'ame eft une fubftance immatérielle, unie au corps, laquelle reffufciterait avec ce corps, & ferait éternellement punie de fes péchés avec ce corps dans les enfers, il eût fallu le dire en propres mots. Or aucun auteur juif ne l'a dit avant les pharifiens; & encore aucun pharifien ne l'a dit expreffément. Donc il était très-permis aux faducéens de n'en rien croire.

Ces faducéens avaient fans doute des mœurs irréprochables, puifque nos évangiles ne rapportent aucune parole de JESUS-CHRIST contre eux, non plus que contre les efféniens, dont la vertu était encore plus épurée & plus respectable.

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LES

ESSE NIE N S.

ES efféniens étaient précisément ce que font aujourd'hui les dunkars en Penfilvanie, des espèces de religieux, dont quelques-uns étaient mariés, volontairement affervis à des règles rigoureuses, vivant tous en commun entre eux foit dans des villes, foit dans des déferts, partageant leur temps entre la prière & le travail, ayant banni l'efprit de propriété, ne communiquant qu'avec leurs frères, & fuyant le refte des hommes. C'eft d'eux que Pline le naturaliste a dit nation éternelle dans laquelle il ne naît perfonne. Il croyait qu'ils ne fe mariaient jamais; & en cela feul il fe trompait.

Il eft beau qu'il fe foit formé une fociété fi pure & fi fainte dans une nation telle que la juive, presque toujours en guerre avec fes voifins ou avec ellemême, opprimante ou opprimée, toujours ambitieuse & fouvent esclave, paffant rapidement du culte d'un Dieu à un autre, & fouillée de tous les crimes, dont leur propre hiftoire fait un aveu fi formel.

La religion des efféniens, quoique juive, tenait quelque chofe des Perfes. Ils révéraient le foleil foit comme DIEU, foit comme le plus bel ouvrage de DIEU, & ils craignaient de fouiller fes rayons en fatisfefant aux befoins de la nature.

Leur croyance fur les ames leur était particulière. Les ames, felon eux, étaient des êtres aériens, qu'un attrait invincible attirait dans les corps organisės. Elles allaient au fortir de leur prison dans un climat

tempéré

tempéré & agréable au-delà de l'Océan, fi elles avaient bien vécu les ames des méchans allaient dans un pays froid & orageux. On a cru cette fociété une branche de celle des thérapeutes égyptiens, dont nous parlerons.

PHARISIEN S.

LES pharifiens formaient une école plus nombreuse

& plus puiffante dans l'Etat. Ils étaient le contraire des efféniens, entrant dans toutes les affaires autant que les efféniens s'en abftenaient. On pourrait en cela feul les comparer aux jéfuites, & les efféniens aux chartreux.

Cette fecte, très-étendue, ne fit pas un corps à part, quoique leur nom fignifiât féparés; point de collége, de lieu d'affemblée, de dignité attachée à leur ordre, de règle commune, rien en un mot qui défignât une fociété particulière. Ils avaient un trèsgrand crédit; mais c'était comme en Angleterre, où tantôt les wighs & tantôt les toris dominèrent, fans qu'il y eût un corps de toris & de wighs.

Ces pharifiens ajoutaient à la loi du Pentateuque la tradition orale, & par-là ils acquirent la réputation de favans. C'est fur cette tradition orale qu'ils admettaient la métempfycofe ; & c'eft fur cette doctrine de la métempfycofe qu'ils établirent que les efprits malins, les ames des diables, pouvaient entrer dans le corps des hommes. Toutes les maladies inconnues ( & quelle maladie au fond ne l'eft pas!) leur parurent des poffeffions de démons. Ils fe vantèrent de chaffer ces

diables avec des exorcifmes & une racine nommée Barath. L'un d'eux forgea un livre intitulé la Clavicule de Salomon, qui renfermait ces fecrets. On peut juger fi leur pouvoir de chaffer les diables, pouvoir dont JESUS-CHRIST lui-même convient dans l'évangile de St Matthieu, augmenta leur crédit. On les révérait comme les interprètes de la loi; on s'empreffait de s'initier à leurs mystères. Ils enfeignaient la résurrection & le royaume des cieux.

Nos évangiles nous apprennent avec quelle véhémence JESUS-CHRIST fe déclara contre eux. (*) II les appelait hypocrites, fepulcres blanchis, race de vipères. Ces paroles ne s'adreffaient pas à tous. Tous n'étaient pas fépulcres & vipères. Il n'y a guère eu de fociété dont tous les membres fuffent méchans; mais plusieurs pharifiens l'étaient évidemment, puisqu'ils trompaient le peuple qu'ils voulaient gouverner.

THERAPEUTE S.

Les thérapeutes étaient une vraie société, semblable

à celle des efféniens, établie en Egypte au midi du lac Moris. On connaît le beau portrait que fait d'eux le juif Philon leur compatriote. Il n'eft pas étonnant qu'après toutes les querelles, fouvent fanglantes, que les juifs tranfplantés en Egypte eurent avec les alexandrins leurs rivaux dans le commerce, il y en eût plufieurs qui fe retiraffent loin des troubles du monde, & qui embraffaffent une vie solitaire & contemplative. Chacun avait fa cellule & fon oratoire. Ils s'affemblaient le jour du fabbat dans un oratoire commun, (*) Saint Matth. chap. 23,

dans lequel ils célébraient leurs quatre grandes fêtes, les hommes d'un côté & les femmes de l'autre, féparés par un petit mur. Leur vie était à la vérité inutile au monde, mais fi pure, fi édifiante, qu'Eufèbe dans fon histoire les a pris pour des moines chrétiens, attendu qu'en effet plufieurs moines les imitèrent ensuite en Egypte. Ce qui contribua encore à tromper Eufebe, c'eft que les retraites des thérapeutes s'appelaient monaftères. Les équivoques & les reffemblances de nom ont été la fource de mille erreurs.

Une méprise encore plus fingulière a été de croire les thérapeutes defcendans des anciens difciples de Pythagore, parce qu'ils gardaient la même abftinence, le même filence, la même averfion pour les plaifirs.

Enfin on prétendit que Pythagore ayant voyagé dans la Judée, & s'étant fait effénien, alla fonder les thérapeutes en Egypte. Ce n'eft pas tout; étant retourné à Samos, il s'y fit carme; du moins les carmes en ont été long-temps convaincus. Ils ont foutenu, en 1682, des thèses publiques à Béziers, dans lesquelles ils prouvèrent, contre tout argumentant, que Pythagore était un moine de leur ordre. (*)

HERO DIEN S.

IL y eut une fecte d'hérodiens. On dispute fi elle

commença du temps de ce barbare Hérode furnommé le grand, ou du temps d'Hérode II; mais quelle que foit l'époque de cette inftitution, elle prouve qu'Hérode avait un parti considérable, malgré fes

(*) Voyez Bafnage, hift. des Juifs, liv. 3, chap. 7.

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