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des derniers rois de Rome. Ni leurs anciens livres sacrés, ni les vers des Saliens, ne contenaient les crimes attribués à Chronos par les mythologues grecs; nous l'apprenons de Denys d'Halycarnasse. Cette observation sert à expliquer comment Saturne, l'assassin de son père, le bourreau de sa famille, le dieu du mal, pour tous les pays qu'il avait dévastés, était regardé comme un dieu bienfaisant par les Romains, qui donnèrent le nom de siècle d'orau temps durant lequel il régna. Elle résout les difficultés qu'élève à ce sujet Desales dans son Histoire du Monde primitif. L'antiquité connut plusieurs Saturne, comme elle connut plusieurs Hercules.

Tous les anciens écrivains rapportent que Saturne se réfugia en Etrurie, après avoir erré long-temps sur les mers voisines (1): mais dans quel temps vivait Saturne, et de quelle colonie fut-il le fondateur ? L'historien Thallus, dont il nous reste quelques fragmens dans Eusèbe, le fait contemporain de Belus. Agamemnon, Achilles, Ajax et

(1)

Thus cum rate venit ad amnem,
Antè pererrato falcifer orbe deus, Ovid.

Ulysse, prenaient la qualité d'arrière-petits fils de ce dieu, qui, du temps de Janus, apprit aux Italiens à cultiver la terre. Varron, dans son Traité de la Langue latine, assure que de son temps on voyait encore sur le mont Tarpéien, quelques vestiges de la ville de Saturnia, bâtie par les compagnons de Sa→

turne.

L'Etrurie était alors habitée par les Tyrréniens. Leur origine est inconnue. Denys d'Halycarnasse (1) assure qu'ils étaient originaires d'Italie, et que leur nom vint des lieux fortifiés qu'ils habitaient. Non-seulement il n'existe aucun vestige de la ville de Tyrrenia, dont parle Platon dans un de ses dialogues, et sur laquelle il assure qu'avaient régné les ancêtres de Saturne, roi des Attantes; mais on ignore même en quel endroit elle fut bâtie, ce qui annonce l'antiquité la plus reculée. Les plaines de la Toscane sont les plus élevées de l'Italie, après les hauteurs des Apennins. On doit en conclure qu'elles furent les premières habitées.

(1) Dyonis. Haly carn. Antiquit. roman, lib. 1.

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Il est certain que le nom des Tyrréniens fut presque aussi célèbre dans l'antiquité qué celui des Grecs. Il est encore certain que ce peuple, auquel les Latins donnèrent le nom d'Etrusques ou de Toscans, penchait vers sa décadence, lorsque des rois gouvernaient Rome; mais il avait précédemment soumis à son empire la moitié de l'Italie, des bords de l'Adige aux extrémités de la Campanie, regardée par les anciens comme la plus heureuse contrée de la terre..

Hérodote fait venir les Tyrréniens de la Lydie. Cette opinion, combattue par les modernes, fut adoptée généralement par les anciens. << Sous le règne d'Atys, fils de Manés, au rapport du père de l'Histoire, toute la Lydie fut affligée d'une famine que les Lydiens supportèrent long-temps avec patience; mais voyant que la calamité ne diminuait pas, le roi divisa tous les Lydiens en deux classes, et les fit tirer au sort, l'une pour rester dans le pays, l'autre pour en sortir. La classe des émigrans fut conduite par le fils du roi, nommé Tyrrénus.

Les Lydiens, que le sort bannissait de leur patrie, se rendirent d'abord à Smyrne. Ils y

construisirent des vaisseaux, les chargèrent des objets qui leur étaient nécessaires pour former un établissement, et s'embarquèrent. Ils côtoyèrent différens pays, mais ils ne prirent terre qu'en Ombrie. Ils y bâtirent les villes qu'ils habitent encore aujourd'hui ; mais ils quittèrent le nom de Lydiens, pour prendre celui de Tyrréniens, du nom de Tyrrénus, chef de la colonie. »

J'ai déja observé que les Tyrréniens ne furent connus des Romains que sous le nom d'Etrusci ou de Tusci: Etruria vient, dit-on, de deux mots grecs, Heteros et Horos: le premier annonce que le principal établissement des Tyrréniens était borné de tous côtés par des limites naturelles, comme le Maera, les monts Apennins, et le Tibre. Horos signifiait pays élevé, dans le dialecte crétóis, suivant Hésychiús; Denys d'Halycarnasse fait dériver le mot Tuscus du vérbé grec Thuo, qui répond au verbe latin Sacrifico, parce que les anciens Toscans étaient plus versés que les autres Italiens dans les cérémonies mystérieuses qui concernaient les sacrifices et le culte des dieux.

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aussi long-temps qu'ils ne formèrent qu'un seul corps de nation. Ils déclinèrent lorsque les pays qu'ils habitaient furent partagés en plusieurs républiques indépendantes. Alors la dénomination d'Etrusques ou de Toscans, que leur donnaient les Romains, prévalut sur celle de Tyrréniens. Cependant le nom de Tyrrénienne, porté encore aujourd'hui par la mer qui baigne les côtes de la Toscane, est un monument ineffaçable de l'existence des anciens Tyrréniens.

Ceux qui assurent que l'établissement des. Etrusques en Italie, ne date pas d'une si haute antiquité, observent que si l'époque précise de la fondation des villes tyrréniennes n'est pas connue, un passage de Varron, cité par Censorin, supplée à cette incertitude. Varron assure que les Toscans appelaient siècles, des espaces de temps dont la durée inégale, au lieu de se déterminer par elle-même, se mesurait sur la vie de certains hommes. Le premier de ces siècles se comptait du jour de la fondation des villes, ou de l'établissement des états. Il durait autant que la vie du citoyen qui vivait le plus long-temps entre tous ceux qui étaient nés ce jour-lå ;

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