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mourrez tous; et après cette sentence barbare Premier et laconique, ils furent hachés en pièces.

siècle.

On assure qu'après la mort d'Antoine, Octave fit assassiner son fils Antillus, réfugié dans le mausolée élevé à son père par les ordres de Cléopâtre, alléguant des conspirations, vraies ou supposées, contre le gouvernement.

Des échafauds restèrent dressés par son ordre sur les places publiques de Rome; il y fit exécuter son affranchi Procilius, qui avait été trèsavant dans son intimité, M. Lépidus, fils de son collègue, Ignatius Ruffus, Murena et une foule d'autres. Il fit grace à Cinna, mais ce fut par le conseil de Livie, ou peut-être craignaitil dans Cinna le nom de son aïeul maternel, le grand Pompée, dont les partisans étaient puissans dans Rome, sur-tout parmi le peuple.

t

Octave fut déifié par les littérateurs qui remplaçaient dans Rome les Caton, lès Brutus, les Scipion, les Pompée, les Cicéron, les Hortensius, et tous ces hommes libres qui avaient honoré la métropole du monde. Son siècle, trompé par des phrases harmonieuses et insignifiantes, enivré des charmes que la musique, la poésie, la peinture et l'éloquence lui présentaient, parut oublier sa tyrannie. L'austère philosophie fit bientôt disparaître le clinquant

du bel esprit. La postérité ne vit dans le destructeur de la liberté romaine qu'un tyran lâche et cruel, qui s'était flatté vainement d'échapper à la honte due à ses forfaits, en se faisant louer par des plumes vénales, des vertus qu'il n'avait pas.

Premier

siècle.

CHAPITRE XXIII.

COMME

Règne de Tibère.

.

OMME on voit un fleuve miner lentement

et sans bruit les digues qu'on lui oppose, et enfin les renverser dans un moment, et couvrir les campagnes qu'elles conservaient; ainsi la puissance souveraine, sous Auguste, agit insensiblement, et renversa tout sous Tibère avec violence.

Claudius Tiberius Nero était fils du sénateur Tiberius Nero qui servit sous César dans la guerre d'Alexandrie. Auguste épousa, en troisièmes noces, sa mère Livie. Auguste avait appelé à l'empire, d'abord son neveu Marcellus, ensuite Agrippa son gendre, puis ses petits-fils > enfin Tibère, fils de sa femme, qu'il avait adopté.

L'art de dissimuler fut le caractère de Tibère.

Après la mort d'Auguste, il refusa long-temps Premier dans le sénat, l'autorité souveraine qu'il exersiècle. çait depuis long-temps dans l'empire. Cette conduite équivoque indignait quelques sénateurs non encore façonnés au joug de l'esclavage. Un d'eux lui dit un jour, si nous en croyons Suétone: la plupart des hommes ne se pressent pas d'exécuter leurs promesses; mais pour vous César, vous tardez à promettre ce que vous exécutez d'avance.

Bientôt, convaincu de l'esprit de servitude qui régnait parmi les grands de Rome, il enleva aux assemblées du peuple le peu d'autorité qu'Auguste leur avait conservée, et transféra l'élection des magistrats au sénat qu'il dirigeait à son gré. Tacite observe que le peuple se contenta de murmurer inutilement d'un changement qui le privait à jamais de son influence politique. Mais dès-lors disparut, avec la magnificence des anciens Romains, la noble émulation mise par les candidats dans la recherche des charges publiques. On les demanda, on les obtint par des voies ténébreuses; la flatterie, les délations et l'intrigue furent les arts nécessaires pour les obtenir.

Une longue suite de siècles nous sépare de

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la révolution qui bouleversa la république romaine; elle cache à nos regards une partie des causes qui, dans un court intervalle de temps, éteignant l'ardent amour des Romains pour la liberté, livraient leurs mains aux chaînes de la servitude, avec toute la lâcheté d'un peuple anciennement subjugué.

Dans le temps de la république, les richesses immenses de quelques particuliers étaient entretenues par les emplois mêmes qui les leurs avaient procurées malgré les dépenses énormes où le luxe et l'ambition précipitaient leurs possesseurs; mais sous le nouveau gouvernement cette source tarit, parce que, dans presque toutes les provinces, les procurateurs de César s'emparaient des émolumens qui grossissaient auparavant les trésors des grands de Rome. Cependant les dépenses de luxe subsistant. presque les mêmes à Rome, on ne put se soutenir que par la faveur de l'empereur et de ses ministres, auxquels il fallait faire une cour assidue.

Pendant que les magistratures se nommaient dans les comices, quelques vertus, au moins extérieures, étaient nécessaires pour les obtenir; mais dès que le prince, sous le nom du sénat disposa de tous les emplois, il fallut, pour mé

Premier

siècle.

riter son choix, plus de complaisance que de Premier mérite, et tout ce manége des cours qui exsiècle. clut l'esprit public. Les passions qui agissent

avec le plus de force sur l'esprit des hommes, les éloignaient des grandes vues qui devenaient même dangereuses sous des maîtres ombrageux.

Il existait une loi de majesté contre ceux qui commettaient quelque attentat contre le peuple romain; les empereurs regardant la puissance entière de l'état, comme résidant dans leur personne, appliquèrent cette loi, faite en faveur de la liberté, à ceux qui s'élevaient contre celui qui tenait sa patrie dans l'esclavage. Bientôt cette loi, interprétée arbitrairement, fit trembler tous les citoyens. Des simples paroles, des signes, des pensées même, furent punis de la peine de mort portée par la loi. Le crime de lèse-majesté devint celui de tous ceux auxquels les ministres n'en pouvaient imputer aucun, et que cependant ils voulaient perdre. D'un autre côté, les délateurs furent chéris, honorés, récompensés, et cet infame métier étant une des voies ouvertes à la fortune et aux dignités, on vit des sénateurs, des consulaires, disputer entr'eux de fausses confidences, de perfidies, de trahisons.

Auguste avait recommandé, par son testa

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