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Méditerranée; et depuis la défaite de Catilina,

il triompha de Mithridate et de Tigrane.

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Dans ce haut degré de gloire où la fortune l'avait conduit, sa politique l'engageait à se familiariser avec ses concitoyens. Il ne paraissait ordinairement en public, qu'accompagné d'une foule de créatures dont le cortége nombreux représentait mieux la cour d'un grand prince que la suite d'un républicain. Ce n'est pas qu'il abusât de son pouvoir; mais accoutumé, dès sa jeunesse, au commandement des armes, il ne pouvait s'accoutumer à la simplicité de la vie privée. Ses moeurs étaient pures, sa conduite aussi éloignée de l'avarice que de la prodigalité; il recherchait moins, dans les dignités qu'il briguait, la puissance qui en est inséparable, que l'éclat qui les environnait.

Deux fois Pompée retournant à Rome, maître d'opprimer la république, eut la modération de licencier ses armées avant d'y entrer, et d'y paraître en simple citoyen, pour s'assurer les éloges du sénat et du peuple. Son ambition était plus douce que celle de César. Il aspirait à la dictature, mais par les suffrages du peuple. Il n'eût pas consenti a usurper la souveraine puissance; il souhaitait qu'on la lui remît en dépôt. Dans cette vue, comme dit Montesquieu, il se

servit de la plus vile populace pour troubler les magistrats dans leurs fonctions, espérant que les gens sages, lassés de vivre dans l'anarchie, le créeraient dictateur par désespoir.

Enfin il s'unit d'intérêts avec César et Crassus. Caton disait que cette union avait perdu la république. En effet, dans la situation de Rome où, comme dit Salluste, se trouvait une génération entière de gens qui ne pouvaient avoir de patrimoine, ni souffrir que d'autres en eussent, la guerre civile était moins à craindre qu'une paix qui, réunissant les vues et les intérêts des principaux, organisait la tyrannie.

César était l'homme, de son temps, le mieux fait et le plus robuste; adroit dans toutes sortes d'exercices, infatigable au travail, courageux jusqu'à la témérité, vaste dans ses desseins, magnifique dans ses dépenses, libéral jusqu'à la profusion, éloquent dans ses discours, écrivain profond, politique adroit, la nature semblait l'avoir fait naître pour commander aux hommes. Ce fut constamment le but de son ambition. La grandeur et les périls d'une telle entreprise ne l'épouvantèrent jamais. Les exemples récens de Marius et de Sylla prouvaient assez la possibilité de s'élever à la souveraine puissance; mais sage jusque dans ses desirs

immodérés, il distribua en divers temps l'exécution de ses desseins.

A peine Sylla descendait dans la tombe, que César se jeta dans les affaires : il embrassa le parti populaire, parce que Pompée était à la tête de celui des nobles. Sylla avait fait abattre les trophées de Marius; César n'était encore qu'édile, qu'il fit sculpter secrètement, par d'excellens artistes, la statue de Marius couronné par les mains de la victoire. Il y ajouta des inscriptions en son honneur, analogues à la défaite des Cimbres, et fit placer de nuit ces nouveaux trophées dans le Capitole. Les partisans de Sylla se récrièrent contre une entreprise si hardie. On publiait que César aspirait à la tyrannie, et qu'il fallait punir un homme qui osait, de son autorité privée, relever des statues qu'un souverain magistrat avait abattues. Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on obtint sa grace du dictateur, et sur ce qu'on lui représentait qu'un homme aussi jeune était peu à craindre, on assure que Sylla répondit que dans cet homme si jeune il découvrait les vues de Marius.

Les parens et les amis de César, instruits de ce discours, et sachant combien tous ceux qui avaient appartenu à Marius étaient odieux au

dictateur, l'engagèrent à sortir de Rome, où il ne revint qu'après la mort de Sylla. Il fut nommé. préteur, et en sortant de cette charge, le peuple lui déféra le gouvernement d'Espagne. La Galice et la Lusitanie, encore indépendantes, furent alors soumises à l'empire romain. César ne négligea pas ses intérêts particuliers en faisant cette conquête. Des contributions violentes firent passer dans ses mains presque tout l'or et l'argent de ces provinces. Il révint dans Rome, chargé de richesses qu'il fit servir à se procurer de nouvelles créatures par des libéralités continuelles. Sa maison leur était ouverte en tout temps; rien ne leur était caché que son cœur, toujours impénétrable à ses plus intimes amis.

On ne doutait point à Rome que César n'eût été secrètement le chef de la conjuration de Catilina. Il est probable que si elle eût réussi, ce fameux rebelle qui ne croyait travailler que pour sa propre grandeur, aurait vu les fruits de son crime enrichir un homme plus accrédité que lui dans cette faction même, et qui avait eu l'adresse de ne laisser à Catilina que les périls de l'exécution. Cependant la mauvaise issue de cette entreprise qui couvrit Cicéron de tant de gloire, le souvenir de la mort des Gracques, assassinés sous les yeux de la multitude qui les

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adorait, et la dispersion du parti de Marius, voué à la popularité, lui firent bientôt comprendre que la faveur seule du peuple ne suffisait pas pour couronner ses projets, et qu'il ne s'éleverait jamais à la dictature sans avoir un parti dans le sénat.

CHAPITRE X.

César, Pompée et Crassus s'unissent

DEUX

ensemble.

EUX factions dominaient alors alternativement dans le sénat romain; celle de Pompée

et celle de Crassus : l'un le plus puissant, l'autre le plus riche de Rome. César voulut réunir ces deux hommes, et tira seul toute l'utilité d'une réconciliation si pernicieuse à la liberté publique. Elu consul par le concours des deux factions, il forma bientôt un troisième parti qui opprima dans la suite ceux qui avaient le plus contribué à son élévation.

Rome était alors en proie à l'ambition de trois hommes dont le vaste crédit disposait souverainement des principaux emplois de la répu

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