Page images
PDF
EPUB

quelqu'ami de Sylla, ou de posséder de grandes richesses. Plutarque rapporte que Quintus Aurelius, qui jamais n'avait pris aucune part aux affaires publiques, ayant aperçu son nom sur la liste fatale, s'écria: Malheureux! c'est ma maison d'Albe qui me proscrit! et quelques momens après il fut assassiné.

[blocks in formation]

-

Sylla est déclaré Dictateur perpétuel. — Il abdique cette dignité.

LE barbare Sylla s'étant fait déclarer dictateur perpétuel, parut dans le Forum, avec l'appareil le plus redoutable, établit de nouvelles lois, en abrogea d'anciennes, et changea, d'après son caprice, quelques formes du gouvernement. Alors s'étendirent sur des villes et sur des nations entières les proscriptions qui ne tombaient auparavant que sur des particuliers. Il confisqua le territoire entier de toutes les cités d'Italie qui s'étaient déclarées pour Marius. Il en fit la distribution à ses soldats attachés à sa fortune et à ses intérêts.

[ocr errors]

Cet homme qui avait usurpé sur sa patrie l'empire le plus absolu, s'avisa tout-à-coup d'y renoncer. Sylla, après avoir fait périr dans les guerres civiles, plus de cent mille citoyens; Sylla, dont la vengeance avait été la passion dominante, rassasié de tant de sang qu'il avait fait répandre, fut assez hardi pour se dépouiller de la souveraine puissance, et pour se réduire de lui-même au rang de simple citoyen, sans craindre le ressentiment de tant d'illustres familles dont il avait livré les chefs à la mort.

On assure, au contraire, qu'après avoir abdiqué la dictature, il déclara hautement au milieu du Forum, qu'il était prêt à rendre compte de sa conduite au peuple romain. En même temps, ayant congédié ses licteurs et ses gardes, il se promena quelques minutes avec ses amis, au milieu d'un peuple immense qui, frappé d'étonnement, regardait un changement si peu attendu comme un prodige. Sylla se retira ensuite dans une maison de campagne, à Pouzole: il y finit tranquillement sa vie au sein des voluptés.

Plutarque rapporte que cette abdication volontaire fut regardée, à Rome, comme le dernier effort de la magnanimité, sans faire attention que Sylla venait d'établir quarante-sept

légions dans divers cantons d'Italie, dont il avait chassé les habitans. Ces gens-là, selon la remarque d'Appien, regardant leur fortune comme attachée à la vie du dictateur, veillaient à sa sûreté, toujours prêts à le secourir ou à le venger.

[blocks in formation]

Portraits de Pompée, de César et de Crassus.

LA

A république devant nécessairement périr, selon les expressions de Montesquieu, il n'était plus question que de savoir comment et par qui elle devait être abattue. Trois hommes également ambitieux, effaçaient alors les autres grands de Rome par leur crédit, par leurs exploits et par leurs richesses. Cneius Pompeius Magnus, Caius Julius César et Marcus Licinius Crassus. Ce dernier, célèbre par sa mort chez les Parthes, était fils de Crassus le censeur, proscrit par Marius. Il s'était réfugié en Espagne, où pendant huit mois il vécut caché dans une caverne. Sylla le recueillit en Afrique, et le chargea d'une levée de soldats

chez les Marses. Il fallait traverser quelques quartiers de l'armée ennemie, Crassus demandait une escorte; Sylla, qui voulait accoutumer ses officiers aux entreprises les plus difficiles, lui répondit fièrement : Reçois pour escorte ton père, ton frère, tes parens, tes amis massacrés par nos tyrans, et dont je veux venger la mort. Crassus part sans répliquer, traverse heureusement différens corps de l'armée ennemie, lève un corps nombreux de troupes, et partage dans la suite les périls et la gloire de Sylla. Dans le même tems, Pompée, alors âgé de vingt-trois ans, joignait Sylla avec trois légions; il se lia d'amitié et d'intérêt - avec Crassus.

Le dictateur, aussi libéral à l'égard de ses · amis qu'implacable envers ses ennemis, se faisait un plaisir de répandre à pleines mains les trésors de la république sur ceux qui s'étaient attachés à sa fortune telle fut la principale source des richesses de Crassus; elles n'amollirent point son courage. Depuis trois ans la guerre des esclaves durait en Italie, avec autant de honte que de désavantage pour le gouvernement romain, lorsque le sénat lui en donna la conduite. La fortune changea sous cet habile général. Spartacus, défait dans plusieurs com

et

bats, périt sous les armes. Crassus, de retour à Rome, fut nommé consul en 683, avec Pompée, simple chevalier sans magistrature, atteignant à peine sa trente-quatrième année; mais sa haute réputation, due à l'éclat de ses victoires, couvrait ces irrégularités. On ne crut pas qu'un citoyen, honoré de triomphe à l'âge de vingt-quatre ans, avant que d'avoir entrée au sénat, fût assujetti aux règles ordinaires.

Crassus, pour capter l'affection de la multitude, donna un festin au peuple romain,.à l'issue duquel tous les citoyens pauvres reçurent autant de blé qu'ils en pouvaient consommer pendant trois mois. Pompée, pour renchérir sur cette générosité, fit casser les lois de Sylla, bornant l'autorité du peuple.

Pompée, au rapport de Cicéron, était né pour toutes les grandes choses; il eût surpassé les plus grands orateurs, si son ambition ne l'eût entraîné vers la gloire des armes. Général avant d'être soldat, sa vie ne fut qu'une suite continuelle de victoires: il fit la guerre dans les trois parties du monde et revint triomphant. Il vainquit en Italie Carinat et Carbo, du parti de Marius; Domitius, dans l'Afrique; Sertorius, en Espagne; les pirates de Cilicie sur la

« PreviousContinue »