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trouvent des vivres que Bélisaire fait venir en abondance de la Sicile,

A cette nouvelle, Totila repasse les Apen→ nins, et se présente devant Rome, avant que Bélisaire, faute d'ouvriers, eût pu faire remettre des portes à la place des anciennes que Totila avait livrées aux flammes. Il campa au bord du Tibre, et le lendemain, dès le point du jour, la ville fut attaquée. Bélisaire avait retranché à la hâte ses plus vaillans guerriers à la place des portes; les autres bordaient les remparts. Les Goths, repoussés, revenaient sans cesse à la charge. La nuit sépara les combattans; les assaillans ne furent pas plus heureux les jours suivans.

Honteux de leur défaite, les principaux capitaines goths reprochaient à Totila son imprudence. Après avoir pris Rome, lui disaient-ils publiquement, il fallait ou la garder et la défendre, ou la ruiner de fond en comble. Jugeant sa conduite d'après l'événement, ils condamnaient, par une injustice, très-ordinaire, ce qu'ils avaient approuvé eux-mêmes. Au lieu de répondre, Totila, pour rendre aux Romains les passages difficiles, rompit tous les ponts sur le Tibre, excepté le pont Milvius, qu'il n'aurait pu détruire si près de Rome, sans engager

Sixième siècle.

un nouveau combat qu'il voulait éviter. Il conSixième duisit son armée à Tibur, dont il fit sa place

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d'arnies. Cependant Bélisaire acheva de mettre Rome en état de défense, et pour marque de sa victoire, il en envoya les clefs à l'empereur.

Totila avait envoyé des ambassadeurs à Théodebalde, roi d'Austrasie, qui venait de succéder à son père Théodebert. Ce prince lui répond que les Francs ne reconnaissaient plus pour roi un guerrier qui, après avoir pris Rome, n'avait pas su conserver cette capitale.

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Le mauvais état des affaires d'Orient avait rappelé de nouveau Bélisaire sur les frontières de Perse. Il semblait que cette fois on n'avait envoyé ce général en Italie que pour flétrir les lauriers cueillis dans sa première expédition. Sans troupes, sans munitions, sans autre argent que celui qu'il pouvait arracher aux Italiens; mal secondé par des lieutenans les uns sans bravoure, les autres sans talens, et dont il n'avait pas eu le choix, il errait depuis cinq ans comme un fugitif, n'osant presque sortir de ses vaisseaux, hors d'état de hasarder une bataille contre un jeune roi, son égal en courage et en habileté, et dont les forces augmentaient tous les jours. Il s'éloigna des côtes d'Italie en soupirant, les yeux fixés sur cette

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contrée qui avait été le théâtre de sa gloire. Son retour à Constantinople n'eut rien de cet éclat Sixième pompeux avec lequel il y était entré deux fois, suivi de Gélimer et de Vitigès. Ses envieux triomphaient de lui; et après l'avoir traversé par les mauvais conseils qu'ils donnaient à l'empereur, ils lui imputaient les mauvais succès dont ils étaient eux-mêmes la cause.

Cependant le grand nom de Bélisaire en imposait aux Goths: mais à peine ce général avait quitté l'Italie, que Totila faisait ses dispositions pour rentrer dans Rome. Bélisaire y avait laissé trois mille de ses plus braves soldats; ils soutinrent un siége aussi opiniâtre qu'inutile. Totila se rendit maître de la ville en 549. Voulant faire en cette capitale le siége de son empire, non-seulement il employa tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour la repeupler, mais il fit réparer avec soin les fortifications, et ayant rétabli le sénat dans ses fonctions, et nommé un consul d'Occident à la manière des empereurs, il voulut présider aux jeux du Cirque.

Les Goths continuaient leurs conquêtes; une armée composée de Francs et de Germains, était venue à leur secours, commandée par le duc Buselin. La Sicile entière était sur le point

de tomber dans les mains de Totila; perte d'au Sixième tant plus fâcheuse pour Justinien, que cette île était regardée comme le grenier de Constantinople.

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CHAPITRE

X X I.

L'eunuque Narsès est envoyé en Italie.

LES

Es préparatifs les plus formidables se faisaient dans la Thrace. Les troupes s'assemblaient à Salone au mois d'avril 551. La voix publique appelait Bélisaire à diriger cette opération. On fut étonné d'apprendre que le choix de Justinien était tombé sur l'eunuque Narsès, vieux courtisan,, plus exercé au service du palais qu'aux opérations de la guerre, et qui, treize ans auparavant, chargé de conduire un corps de troupes en Italie, n'avait signalé que sa jalousie contre Bélisaire.

Narsès était un eunuque persan, qui, du sein de l'esclavage, était parvenu aux premiers emplois de l'empire, et qui jouissait de la confiance intime de Justinien. Le grand rôle qu'il joua dans la suite, inspire quelque curio¬

sité à son sujet. Voici le portrait qu'en fait Lebeau, dans son Histoire du Bas-Empire: Un génie aussi profond qu'étendu, un sens droit et infaillible dans ses vues, une activité sans inquiétude et toujours guidée par la prudence, la connaissance de lui-même et des autres hommes tous ces avantages naturels assuraient le succès de ses démarches. Sans. aucune teinture des lettres, il avait plus d'habileté, de vrai savoir et d'éloquence que l'étude n'en procure aux hommes ordinaires; il possédait à un degré éminent toutes les vertus qui ne sont pas incompatibles avec l'ambition. Comblé de richesses par son maître, il n'employait à son usage que ce qui était nécessaire à l'avancement et au soutien de sa fortune; le reste se répandait en libéralités. Sobre et frugal, ennemi déclaré de ceux que l'empereur regardait comme hérétiques, religieux et même. dévot, il dépensa beaucoup en fondations, en réparations d'églises et de monastères. Les historiens ecclésiastiques disent que l'empire fut redevable de ses succès éclatans à l'efficacité de ses prières, encore plus, qu'à la force de ses armes. Ses talens pour la guerre n'attendaient que l'occasion de se développer, et sans

Sixième

siècle.

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