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Sixième siècle.

CHAPITRE

X V I.

Bélisaire est reçu dans Rome. Les
Français pénètrent en Italie.

CETTE révolution n'arrêtait pas les succès de l'armée romaine; Bélisaire est reçu dans Rome le dixième jour de décembre 536, soixante ans depuis que cette capitale avait été détachée de l'empire par la conquête d'Odoard. Toute l'Italie méridionale était alors soumise aux Romains; mais leur armée affaiblie par ses vic-' toires et par les garnisons qu'il avait fallu laisser' dans la Sicile et dans quelques villes maritimes d'Italie était réduite à dix mille hommes. On s'étonnait qu'entouré d'un si petit nombre de combattans, Bélisaire, qui faisait relever les fortifications de Rome, parût décidé à soutenir un siége dans une place d'une si grande étendue. Le général romain entendait les murmures populaires sans interrompre ses dispositions. Sa flotte, maîtresse de Porto, dominait sur les embouchures du Tibre. Il fit serrer dans les greniers publics le blé qu'il avait apporté de Sicile, força les habitans à transporter dans la

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ville les grains de leur récolte, et se prépara à défendre Rome en attendant les secours qu'il Sixième demandait à Constantinople, et qui lui étaient nécessaires pour continuer la conquête d'Italie. Vitiges redoutant également les Francs et les Romains, s'était rendu à Ravenne pour rassembler ses forces, il prit sa route par la Toscane, et enleva les trésors que Théodat avait déposés dans l'île du lac de Bolsene, et dans la ville alors appelée Urbs vetus, et aujourd'hui Orvieto. Dès qu'il fut à Ravenne, il répudia sa femme; et pour s'affermir sur le trône en s'al-' liant à la famille de Théodoric, il épousa une fille d'Amalazonte, nommée Matazonte, qui ne consentit à ce mariage que par contrainte.

Théodat, pour se ménager des ressources' contre l'inconstance de la fortune, avait proposé aux rois Francs de leur abandonner légalement toutes les provinces sur lesquelles l'empire romain avait encore des droits ou des prétentions dans les Gaules, aux conditions qu'ils lui prêteraient le secours de leurs armes quand' il serait attaqué par ses ennemis. Le ressentiment du meurtre d'Amalazonte arrêta cette négociation; elle fat reprise par Vitigès. II offrait non-seulement de conclure le traité proposé par Théodat, mais de donner encore aux

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princes francs une somme de deux mille livrés pesant d'or. Il paraît que cet arrangement fut conclu pendant l'hiver. Vitigès n'en obtint pas les avantages dont il se flattait, mais il eut la facilité de retirer les garnisons qu'il entretenait dans les Alpes, du côté de la France.

Cependant les Goths, à la veille d'être chassés. d'Italie, s'assemblaient en foule sous les drapeaux de Vitigès. Il se trouvait, au mois de février 557, à la tête d'une armée que Procope fait monter à cent cinquante mille combattans; calcul évidemment exagéré. Il eût été impossible à Vitigès de nourrir pendant un an, aux portes de Rome une si grande multitude, lorsque les Romains étaient maîtres de la Sicile, de la Sardaigne, et que leurs flottes, couvraient la Méditerranée. Au surplus, le siége de Rome, soutenu par Bélisaire, est un des plus mémorables dont l'histoire nous ait transmis les détails. Il dura treize mois, depuis les premiers jours de mars 537, jusqu'à la fin du même mois de l'année suivante. Une flotte de Constantinople, qui parut à l'embouchure du Tibre, apportant à Bélisaire des troupes et des munitions, força Vitigès à la retraite, après avoir perdu sous les murs de Rome les deux tiers de son armée., Bélisaire poursuit les Goths à son

tour

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tour, il se rend maître de la Ligurie et de l'Emilie; Vitigès est contraint de s'enfermer S xième dans Ravenne.

Il attendait dans cette place les secours promis par les rois francs. On apprit bientôt que Théodebert, qui régnait en Austrasie, passait les Alpes à la tête d'une armée de cent millle hommes. Ce prince avait envoyé, quelque temps auparavant, dix mille Bourguignons pour fortifier l'armée des Goths. Justinien, pour engager les Français à quitter l'Italie, avait cédé à la France, par un diplome impérial, les mêmes provinces dont Vitigès leur avait fait don. Théodebert était alors allié des deux partis ; mais les progrès des Romains-Grecs l'alarmaient: il craignait que Justinien, après avoir subjugué les Goths et conquis l'Italie, ne récla→ mât la souveraineté des Gaules; il avait résolu de prendre, à la guerre d'Italie, la part la plus active, et d'agir suivant les circonstances.

Les Goths, en apprenant la marche de Théodebert, ne doutaient pas qu'il ne vînt à leur se→ cours. Bien loin de lui disputer les passages des Alpes, ils l'accueillirent avec joie. Les Goths ne s'aperçurent des projets hostiles des Francs, que lorsque leur armée était au centre de la Ligurie, sous les murs de Milan et de Pavie. Le strata

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gème fut poussé si loin, que Théodebert avait Sixième battu deux fois les Goths et les Romains-Grecs, siècle. avant qu'on connût positivement le motif qui l'amenait en Italie.

Cette incursion des Français ne fut qu'un orage violent, mais passager. Le vainqueur, au lieu d'assiéger Ravenne ou Rome, s'arrêta dans la Ligurie et l'Emilie, il dévasta la ville de Gênes. Bientôt le défaut de subsistances se fit sentir dans le camp français. Le soldat n'avait pour boisson que l'eau du Pô, et pour nourriture que du boeuf et des fruits du pays qu'il mangeait en abondance, sans attendre leur maturité. Une dissenterie du genre le plus fâcheux emportait les soldats par milliers; bientôt le boeuf manqua entièrement dans des pays déja dévastés par les Goths et par les Romains. Le tiers des soldats français était mort de faim ou de maladie, lorsque Théodebert reçut une lettre de Bélisaire, qui, pour ne pas irriter la fierté de ce prince, lui reprochait avec ménagement d'avoir oublié les sermens qui le liaient aux Romains. Il lui faisait entendre que l'empereur n'était pas tellement dénué de forces, qu'il ne pût encore repousser une insulte; il l'exhortait à ne pas exposer ses possessions légitimes pour mériter le titre d'usurpateur. Cette lettre fit

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