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HISTOIRE

D'ITALIE,

Depuis la chute de la République romaine jusqu'aux premières années du dix-neuvième siècle.

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

Réflexions sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains.

LA

A république romaine n'a subsisté que pendant quatre cent soixante et sept ans, depuis l'expulsion des Tarquins jusqu'à la bataille de Philippes. Quelles furent les causes qui précipitèrent la chute du gouvernement le plus fortement constitué qui jamais ait existé sur le globe? Cette question, souvent agitée, jamais résolue, intéresse singulièrement un peuple qui depuis

treize siècles, sous un gouvernement monarchique, ayant rempli la terre du bruit de son nom, ayant surpassé presque tous ses voisins dans la gloire des armes et dans celle des arts, enfans de la paix, parvenu, par son opulence, au degré de corruption qui précipita dans les gouffres du despotisme les anciennes républiques, renonce tout-à-coup aux convenances qui résultaient de son ancien système social, pour s'élever fièrement à la hauteur de la liberté.

Nous avons de Montesquieu, sur la grandeur et la décadence des Romains, un ouvrage écrit avec le feu du génie; Vertot développa, dans un petit nombre de volumes, les révolutions romaines. Puffendorf, avant lui, avait traité la même matière, discutée en Italie par plusieurs savans, et en particulier par Machiavel, dans ses Discours sur la première décade de Tite-Live; mais parmi ces philosophes, les uns se sont contentés de reproduire les idées de Salluste 2 de Polybe, de Tacite, de Plutarque, en y ajoutant quelques réflexions peu saillantes; les autres, généralisant les degrés qui servirent aux Romains pour monter sur le trône du monde, et pour en descendre, firent abstraction de leur gouvernement, successivement monarchique,

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aristocratique, démocratique, oligarchique et despotique.

En parlant des causes de la grandeur et de la décadencé d'un peuple aussi célèbre par la sagesse de ses lois, ou par la majesté de ses monumens publics, que par la hardiesse de sa politique et l'imposante masse de sa puissance, ils semblèrent assimiler son existence morale aux changemens naturels qui constituent la vie humaine. Les années durant lesquelles il fut soumis à des rois, furent le temps de la jeunesse; il se gouverna lui-même en république pendant son âge viril, et dans sa vieillesse il tomba sous la puissance des empereurs. Ce développement en masse, fondé sur une comparaison ingénieuse, nous laissant ignorer les causes particulières de la chute du gouvernement républicain dans Rome, prive notre république naissante des rapprochemens propres à nous garantir de l'écueil contre lequel se brisa la liberté romaine.

SELON

CHAPITRE II.

Sentiment de Montesquieu.

ELON Montesquieu, les Romains vainquirent tous les peuples par l'excellence de leurs maximes; mais lorsqu'ils furent parvenus à ce but, la république ne put subsister, il fallut changer de gouvernement. Des maximes contraires aux premières employées dans le gouvernement nouveau, détruisirent leur grandeur. « Ce n'est pas la fortune qui gouverne le monde, puisque les Romains eurent une suite continuelle de prospérités quand ils se gouvernérent sur un certain plan, et une suite non interrompue de revers lorsqu'ils se conduisirent sur un autre. Il y a des causes générales, soit morales, soit physiques, qui agissent dans chaque monarchie, l'élèvent, la maintiennent, ou la précipitent. Tous ces accidens sont soumis à ces causes: si le hasard d'une bataille, c'est-à-dire une cause particulière a ruiné un état, il y avait une cause générale qui faisait que cet état devait périr dans cette bataille; en un mot, l'allure principale entraîne avec elle les accidens particuliers.

« Les Romains perdirent leur discipline militaire, ils abandonnèrent jusqu'à leurs propres armes. Végèce rapporte que les soldats les trouvant trop pesantes, obtinrent de Gratien de quitter les cuirasses et ensuite les casques, de façon qu'exposés aux coups sans défense, ils nesongeaient plus qu'à fuir. Il ajoute qu'ils perdirent la coutume de fortifier leur camp, et que par cette négligence, leurs armées furent enlevées par la cavalerie des Barbares. La cavalerie fut peu nombreuse chez les anciens Romains, elle ne faisait que la onzième partie de la légion, et souvent moins. Quand les Romains furent dans la décadence, ils n'eurent presque plus que de la cavalerie.

« Il semble que plus une nation devient savante dans l'art militaire, plus elle agit par son infanterie, et que moins elle le connaît, plus elle multiplie sa cavalerię: c'est que sans la discipline, l'infanterie pesante ou légère n'est rien, au lieu que la cavalerie va toujours, dans le désordre même. L'action de celle-ci consiste plus dans son impétuosité et un certain choc, et celle de l'autre dans la résistance et dans une certaine immobilité. C'est plutôt une réaction qu'une action. Enfin la force de la cavalerie est momentanée, l'infanterie agit plus

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