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CHAPITRE VII.

Naissance de la religion chrétienne. QUELLE main levera le voile qui couvre le ber

ceau d'une religion dont l'influence a été si prodigieuse en Europe pendant dix-huit siècles, sur les opinions humaines, sur les mœurs publiques, sur les usages des sociétés particulières, et sur le gouvernement politique des états? Toutes les religions vantent les miracles opérés dans leur sein. Les pères ont toujours vu des choses merveilleuses; les enfans ne voient rien de semblable; mais, se servant des yeux de leurs ancêtres, à la place des leurs, ils croient, ils sont persuadés sur parole. Les premiers habitans de la Grèce avaient vu les dieux habiter parmi eux; Tantale les avait reçus à sa table; Laomédon s'était servi une année entière de Neptune et d'Apollon, pour bâtir les murs de Troie; Deucalion, après un déluge, s'étant avisé de jeter des pierres derrière lui pour obéir à un oracle, ces pierres, changées en hommes et en femmes, avaient repeuplé la Grèce; Hercule, séparant d'un coup de lance

Premier siècle..

les montagnes de Calpé et d'Abyla, avait réuni Premier l'Océan à la Méditerranée.

siècle.

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Les fastes de la religion romaine nous présentent des colonnes de feu qui s'arrêtent sur des légions, des fleuves qui remontent à leur source, des simulacres qui suent, d'autres qui parlent, des spectres qui se promènent, des pluies de lait, de pierres, de sang. C'est ainsi que les dieux annonçaient aux Romains leur protection ou leur colère. Ces prodiges furent attestés par les historiens, confirmés par les traditions, consacrés par des monumens enseignés, de génération en génération, par les prêtres. La croyance de tout ce merveilleux, établie dans ces temps d'ignorance, s'était enracinée, et la raison se présentait trop tard pour la combattre. Ainsi l'homme, dans la force de l'âge, n'écarte que difficilement les préjugés de l'enfance, quoiqu'il en sente vivement toute la futilité.

Le christianisme naquit vers une de ces époques si rares dans les annales du monde, où les hommes étaient éclairés du flambeau des arts et de la philosophie; mais cette lumière, qui brillait en Italie, en Grèce, et dans l'opulente cité d'Alexandrie, ne s'étendait pas aux rochers de la Judée. Cependant, sous

siècle.

le règne d'Hérode, le long commerce des juifs avec les Romains et avec les Grecs, devait dis- Premier siper insensiblement les ténèbres de l'ignorance qui couvraient la Palestine. La Syrie n'était pas éloignée de la Caldée, les mages admettaient la résurrection des morts, la chute des anges, le paradis et l'enfer. Cette doctrine était connue à Jérusalem, puisque les docteurs de la loi se partageaient en pharisiens qui professaient le dogme de la résurrection, dont les livres de Moïse ne parlaient pas, et en saducéens qui rejetaient cette créance. Les juifs commerçaient dans Alexandrie depuis les Ptolomées. Ils avaient même bâti, sous le règne de Philometor, un temple auprès de Bubaste, qui fut nommé l'Onion.

Alexandrie, la ville la plus commerçante du monde, était peuplée d'Egyptiens, de Romains, deGrecset de juifs. La philosophie platonicienne dominait depuis long-temps dans cette ville. Platon passait pour avoir puisé sa doctrine chez les Egyptiens. Ceux-ci croyaient revendiquer leur propre bien en faisant valoir ses idées archétypes, son Verbe et l'espèce de Trinité divine qu'on débrouille dans les livres de ce philosophe.

Dans les principes platoniques, l'Etre-Su

siècle.

prême était une lumière immense d'une féPremier condité et d'une puissance sans bornes. Un nombre infini d'émanations, sorties de son sein, avait créé le monde, le gouvernait et produisait tous les phénomènes de la nature.

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Toutes ces émanations tous ces esprits avaient leur destination et leurs qualités; l'univers en était rempli. L'ame humaine était partagée en deux substances, l'une intelligente, l'autre sensible. La portion intelligente de l'ame était, aussi bien que les génies modérateurs du monde, une émanation de la divinité. La philosophie, en élevant l'ame au dessus des impressions qui l'attachent au corps, donnait un essor à la partie sensible qui la rendait capable d'entrer en commerce avec les génies, ou émanations qu'on supposait doués d'un corps très-subtil, très-délié, et qui pouvait être aperçu par la partie sensible de l'ame exaltée et perfectionnée. Les hommes pouvaient donc avoir des relations avec les génies, s'élever par ce moyen jusqu'à la connaissance intime de la divinité, et percer les ténèbres de l'avenir. Ils pouvaient faire des choses merveilleuses, par le moyen des génies auxquels tout était soumis dans la nature.

Les juifs, du temps d'Hérode, étaient divisés

alors ap

en trois sectes: celle des Samaritains se disait
la plus ancienne, parce que Samarie,
pelée Sébaste, avait subsisté pendant que Jé-
rusalem fut détruite avec son temple sous les
rois de Babylone. Ces Samaritains étaient un
mélange de Persans et de Palestins. La se-
conde secte était celle des Hiérósólimites, ou
des habitans de la Judée, proprement dite. Ils
voulaient qu'il ne fût permis de sacrifier que
dans le temple de Jérusalem. Ils détestaient
les Samaritains et en étaient détestés Les juifs
hellénistes, qui commerçaient en Egypte et en
Grèce, formaient la troisième secte. Ils exer-
çaient leur culte dans le temple de Bubaste,
nommé l'Onion. Les rabins de l'Onion, mêlés
avec les Grecs, devinrent plus sayans que ceux
de Jérusalem et de Samarie. Ces trois sectes
disputaient entre elles sur des questions de
controverse qui rendent l'esprit subtil, faux
insociable.

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Premier siècle.

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