Page images
PDF
EPUB

Premier siècle.

CHAPITRE XX V.

Election des empereurs, dévolue aux armées -Intronisation de ces princes. — Etendue de leur puissance.

-

Les nouveaux empereurs envoyaient leur image à Rome et aux légions, afin qu'elle fût placée au milieu des enseignes militaires. C'était la manière ordinaire dont ces nouveaux princes étaient reconnus. Ils faisaient aux soldats et au peuple des largesses nommées congiaires. Le sénat donnait solemnellement le titre d'Augusta à la femme et aux filles du nouveau César.

Jusqu'à Dioclétien, les empereurs romains ne portaient d'autre couronne que celle de laurier. Ce prince ceignit le premier son front du diadème il fut imité par ses successeurs jusqu'à Justinien, qui introduisit l'usage de la couronne fermée.

Les empereurs réunissaient dans leur personne la puissance des consuls, des préteurs, des censeurs et des tribuns du peuple, dont ils avaient ou supprimé les titres, ou réduit l'au

siècle.

torité à de vaines prérogatives. Le souverain sacerdoce était encore attaché à la dignité im- Premier périale, comme il paraît par les médailles; en conséquence ils étaient investis du pouvoir le plus étendu.

[ocr errors]

Auguste avait établi dans toutes les provinces des procurateurs, mais ils n'avaient aucune jurisdiction; ils étaient obligés, pour rendre leurs décisions exécutoires, d'avoir recours à l'autorité du proconsul ou du président. Claude changea cet ordre de choses. Ses officiers furent chargés de rendre la justice. Alors les procurateurs de César dans les provinces eurent un tribunal, et furent considérés comme lieutenans de la province. Toutes les affaires fiscales furent de leur ressort, ce qui les rendait maîtres de la fortune de tous les particuliers. Les guerres de Marius et de Sylla n'avaient eu d'autre but que de savoir qui aurait le droit de juger, des sénateurs ou des chevaliers; la fantaisie d'un imbécille ôta ce droit aux uns et aux autres étrange issue d'une dispute qui avait mis en combustion le plus vaste empire de l'univers !

Le droit que les armées avaient usurpé d'élire les empereurs, devenait fatal à ces princes.

Premier

siècle.

Comme chaque armée un peu nombreuse prétendait partager cette prérogative, dès qu'un César était élu par quelques légions, il était souvent désagréable aux autres, qui lui donnaient un compétiteur. Ainsi, comme dit Montesquieu, si la grandeur de la république fut fatale au gouvernement républicain, la grandeur de l'empire ne le fut pas moins à la vie des empereurs. Chefs d'un empire moins étendu, leur principale armée, qui les avait élus, aurait respecté et fait respecter l'ouvrage de ses mains.

CHAPITRE X X V I.

Néron succède à Claude.

Réflexions sur

le caractère de ce prince et sur quelques événemens de son règne.

A l'imbécille Claude, empoisonné par Agrippine sa quatrième femme, succéda Domitianus Néron, dont tous les auteurs contemporains ne parlent que comme d'un monstre altéré de sang.

Dans ce prince, qui régna quatorze ans, finit la famille de César, à laquelle les soldats étaient

étaient attachés, parce qu'elle était garante de. tous les avantages que leur avait procuré la Premier révolution. Mais aussi les nombreux descen- siècle. dans des malheureuses familles que César et Octave avaient chassées des foyers paternels, pour donner aux soldats leurs terres et leurs maisons, unissaient-ils leurs ressentimens pour couvrir d'opprobres la mémoire de leurs oppresseurs, dans un temps où les livres étaient si peu communs que la réputation d'un prince dépendait d'un seul écrivain. Suétone, sans pouvoir sur les vivans, s'amusait à juger les morts, et personne ne se souciait d'appeler de ses jugemens.

Tout ce qu'on nous rapporte de Caligula est bien extraordinaire. Comment imaginer que ne trouvant point, un jour, d'argent dans sa poche pour mettre au jeu, il sortit un moment, alla faire assassiner trois sénateurs, et revint en disant : J'ai à présent de quoi jouer. Il est probable que dans le palais de ce prince, comme dans tous les palais du monde, il se passait un grand nombre d'aventures galantes; mais est-il croyable qu'il ait institué une de ses soeurs, Julia Drusilla, héritière de l'empire? la coutume de Rome ne permettait pas encore de donner le trône à

siècle.

une femme. Est-il croyable qu'après avoir cou Premier ché avec ses trois socurs, il les ait prostituées à d'autres? De telles affaires de famille sont ordinairement secrètes, comme observe Voltaire. Est-il croyable qu'il avait écrit sur ses tablettes les noms de ceux qu'il devait livrer aux bourreaux incessamment, et que ceux qui, ayant lu les tablettes, s'y trouvaient eux-mêmes au nombre des proscrits, le prévinrent et le tuèrent? On en a dit autant de Domitien; on en a dit autant de Commode. Ces répétitions rendent le fait entièrement douteux.

Néron fut un monstre de cruautés; mais estil (1) bien vrai qu'il ait fait assassiner sa mère ? Tacite commence par citer un Cluvius. Ce Cluvius raconte que vers le milieu du jour, medio diei, Agrippine se présentait souvent à son fils, déja échauffé par le vin', pour l'engager à un inceste avec elle; qu'elle lui donnait des baisers lascifs, lasciva asculo; qu'elle l'excitait par des caresses auxquelles il ne manquait que la consommation du crime, prænuntias flagitii blandicias, et cela en présence des convives, annotantibus proximis ; qu'aus

(1) Voltaire, Questions sur l'Encyclopédie.

« PreviousContinue »