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ment, à ses successeurs, de ne point chercher

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à étendre l'empire par de nouvelles conquêtes. Premier Tibère craignant toujours que ceux auxquels il confierait les forces publiques ne s'en servissent contre lui, abusa des conseils de son prédécesseur, jusqu'à n'opposer aucune armée aux ravages que les ennemis faisaient sur les frontières. Il laissa les Daces et les Sarmates s'emparer de la Moesie, les Germains désoler les Gaules. Artaban, roi des Parthes, après avoir fait des incursions dans l'Arménie, lui reprochait, par des lettres injurieuses, ses parricides et sa lâche oisiveté, en l'exhortant d'expier, par une mort volontaire, la haine de ses sujets.

Jamais Tibère ne pardonna une faute qui l'intéressait. Il suffisait d'être soupçonné pour lui paraître coupable, et d'être accusé pour être condamné. Sa barbarie s'appesantissait sur-tout sur ses parens. L'histoire lui reproche la mort de Julie sa femme, de Drusus son fils, de Germanicus son petit-fils. Ses amis, comme ses ennemis, furent les victimes de sa jalouse méfiance. La haine qu'il inspirait aux Romains Péloigna enfin de Rome, où tout lui retraçait ses crimes, où presque toutes les grandes familles lui reprochaient la mort de leurs chefs, où

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chaque ordre de l'état pleurait la perte de ses plus illustres membres. Il quitta cette ville la treizième année de son empire, et n'y revint plus pendant dix ans qu'il régna encore.

Tacite fait la peinture des débauches honteuses auxquelles, à l'âge de soixante-quinze ans, Tibère se livrait, dit-on, dans l'île de Caprées. Cet homme, dont les moeurs avaient toujours été décentes jusqu'à l'austérité, ne s'y occupait que d'obscénités qui auraient fait rougir un jeune Giton. Mais peut-on croire ces extravagances, sur le témoignage de deux écrivains qui vivaient long-temps après les événemens qu'ils rapportent? Est-il bien sûr que Tibère changea le trône du monde connu, en un lieu de prostitution, tel qu'on n'en a jamais vu chez les jeunes gens les plus dissolus? Est-il bien certain qu'il nageait dans ses viviers, suivi de petits enfans à la mamelle, qui savaient déja nager aussi, qui le mordaient aux fesses, quoiqu'ils n'eussent pas encore de dents, qui lui léchaient ses vieilles et dégoûtantes parties honteuses? Croira-t-on qu'il se fit entourer des pinc triæ, c'est-à-dire de bandes des plus abominables débauchés, hommes et femmes, partagés trois à trois, une fille sous un garçon, et ce garçon sous un autre? Ces turpitudes abomi

nables ne sont pas dans la nature. Je fais ces observations après Voltaire. Un vieillard, un empereur, épié de tout ce qui l'approche, et sur qui la terre porte des yeux d'autant plus attentifs qu'il se cache davantage, ne peut être accusé d'une infamie aussi inconcevable, sans les preuves les plus convaincantes.

Quelles preuves apportent Tacite et Suétone? Aucune. On avait en exécration le dur et fourbe Tibère. Il s'était retiré à Caprées dans sa vieillesse; on s'avisa de dire que c'était pour se livrer à loisir aux plus indignes débauches. Il est à présumer que le malin Tacite, que le faiseur d'anecdotes, Suétone, goûtaient un grand plaisir en décriant cet empereur dans un temps où peu de personnes s'amusaient à discuter la vérité. Nos copistes de tous les pays répètent encore tous les jours ces contes si peu avérés; ils ressemblent un peu aux historiens de nos peuples barbares du moyen âge, qui ont copié les rêveries des moines. Ces moines flétrissaient tous les princes qui ne leur avaient rien donné, comme Tacite et Suétone s'étudiaient à rendre odieuse la famille de l'oppresseur Octave.

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CHAPITRE X X I V.

Caligula empereur. -Son portrait par

Condillac. - Election de Claude.

CALIGULA, successeur de Tibère, ne régna que quatre ans. Condillac en fait ce portrait: «Témoin, sous Tibère, des meurtres qui sur la fin du règne de ce prince devenaient tous les jours plus fréquens, Caïus César Caligula, naturellement cruel, s'était enhardi à verser le sang des citoyens mais tremblant pour lui-même tant qu'il n'eut pas le souverain pouvoir, il s'était formé dans l'art de dissimuler; que les malheurs de ses parens semblaient lui rendre nécessaire. Jamais alors un seul mot ne lui échappa sur le sort de sa mère et de ses frères; il semblait ignorer qu'ils eussent vécu. Il ne parut pas moins insensible aux injures qu'il recevait luimême: mais dès qu'il se vit affermi sur le trône, son règne ne fut plus que le délire d'un esprit égaré et furieux. Aussi a-t-on dit de lui qu'il n'y avait jamais eu un meilleur esclave, ni un plus méchant maître. Il tint le glaive suspendu sur le peuple romain. Implacable dans ses ven

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geances et bizarre dans ses cruautés, son nom présente l'idée du plus abominable des hommes.» Premier Après la mort de ce prince qui fut assassiné, à l'âge de vingt-neuf ans, par un tribun des gardes prétoriennes, en sortant du théâtre, la dignité impériale, jusqu'alors héréditaire, devint élective. Ce furent les soldats de la garde prétorienne qui proclamèrent l'empereur Claudius Nero, fils de Drusus, oncle de Caligula.

Dans la suite, les enfans des empereurs leur succédèrent assez souvent; mais ce ne fut que parce que, du vivant de leur prédécesseur, ils avaient été associés à l'empire, du consentement des armées, qui s'étaient arrogé le droit d'élire le chef de l'empire. Le choix des soldats s'attachait plus volontiers à la bravoure qu'aux talens politiques et à la naissance : de lá, tant d'empereurs sans autre mérite qu'une valeur féroce.

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