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Mais Iuppiter hayant faulse Discorde,
Depuis qu'il feit par vouloir odieux
Troubler iadis le conuiue des Dieux,
Y enuoya derechef par grand cure
Son grand heraut et truchement Mercure,
Et luy bailla deux arcs lors en sa main,
Dont l'vn estoit mortel, triste, inhumain,
L'autre ioyeux et pour Chagrin deffaire,
-Luy declairant ce qu'en auoit affaire

Pour tout conduire à bonne consequence.
Alors s'en part le grand Dieu d'eloquence,
En delaissant la region celeste.

Si vint descendre en rondeur non moleste, - Dedens la tente ou estoit l'assemblee,

Pour la plus part discordante et troublee.
Mais aussi tost qu'il print son caducee,
Toute discorde et rumeur fut cessee.
Car il ha bien le pouuoir icy bas,
Pour amortir tous contens et debats.

Ce fait aussi bon silence obtenu
Leur declairast ce formel contenu.

MERCVRE.

Oyez vous tous assemblez ou nous sommes,
Iuppiter Roy tant des Dieux que des hommes,
Tresiuste et droit, lequel par sa prudence,
Met tout discord en bonne concordance,
Recongnoissant le bien de Paix duisible,
Et le malheur de Discorde inuisible,
Voulant aussi de support convenable (1)
Pouruoir au fait de Venus l'amiable,

(1) par appui suffisant.

M'ha cy transmis, pour son intention
En ce cas mettre à exécution.
Premièrement, à fin que ne foruoye,
Tien Volupté, voilà l'arc qu'il t'enuoye,
Que porteras à Venus ta grand mere,
Qui iusque icy ha eu douleur amere,
Et de par moy luy feras asauoir,
Qu'il ha puissance et semblable pouuoir
Comme celui dont Atropos la noire
Priua son filz Cupido apres boire.

Et qu'elle dit à son filz et commande
Sur le danger d'encourir grosse amande,
Qu'il ne soit plus de cerueau si leger,
De le laisser, ou perdre, ou estranger.
Semblablement entens à moy Megere,
Voicy vn are cruel et mortifere,
Dont Atropos pleine de venefice,
Exercera son coustumier office,

Et s'elle veult de l'arc d'Amour tirer,
Pour vieilles gens en amour attirer,

Tous cy presens, et absens soient certains,
Qu'à tous ceux là qui en seront atteins,

Telle rigueur leur sera impartie,

Qu'ilz aymeront, mais sera sans partie :
Mesmes vieillars toussans, crachans, chanus,
Ne seront point aux dames bien venus.
Et s'ilz le sont, ce sera par l'adresse

Non point d'amours, mois plustot de richesse.
Quant est de l'arc mortel, que feit bouter

Dame Venus en vn fleuve à douter,

Pour le present ie n'y vois nul secours.

C'est dit commun, qu'il faut que l'eaue ayt cours

Et toutesfois le malheur assez ample,

Des languissans est proufitable exemple,

Tant aux viuans, comme à leurs successeurs, De n'estre point de danger aggresseurs,

Ne de nager en suspecte riuiere,

A chaude chole, et defaut de lumiere.
Sur ce finis de ma charge le dit,
Qu'obseruerez sans aucun contredit.
Son dit fini Mercure au ciel volla,!
Puis vnchacun sans delay s'en alla,
Et peu à peu diminua la
presse.

Le soir venu Hebé ma belle hostesse,
Pour entremets de la collation

De ce me feit brieue narration,

En la maniere et forme que le conte,
Parquoy suppli, que s'il y ha mesconte,
Aucune offense, ou soit basse ou soit haute,
Qu'à elle seule on en donne la faute :
Car autrement qui blasmer m'en voudroit,
le monstrerois auoir cœur à bon droit.

FIN DES TROIS CONTES D'ATROPOS ET DE CVPIDO.

De peu

assez.

EPISTRE

DU ROY A HECTOR DE TROYE. ET AUCUNES

AVTRES EVVRES ASSEZ DIGNES de voir.

Epistre responsiue à celle que Monseigneur Reuerend Prelat Labbé d'Angle en Poictou, Dam Iean Danton, (1) Chroniqueur du Roy treschrestien Loys douzieme, nagueres enuoyee audit seigneur, de la part d'Hector de Troye. Laquelle response au nom du Roy nostre sire, ha esté composee par Iean le Maire de Belges, tres-humble Indiciaire, et Historiographe de la Royne.

O preux Hector, ô haut cœur de Lyon,
Prince de Troye, heritier d'Ilion,

O le non per, de prouesse et d'honneur,
Quand de ta lettre ay bien veu la teneur,
Ie te promets en foy de Royal tiltre,
Qu'en mon viuant, ie ne receuz (2) epistre
Qui tant me pleust, ne tant me donnast ioye.
Non que par celle esprins de gloire soye
Pour le haut loz dont tu me prises tant:
Car des vertus, que tu vas recitant,
S'aucunes ha qui reluisent en moy,

(1) Les éditions 1516, 1528 et 1533 ont cette orthographe, bien que l'on trouve D'autun, D'auton, D'authon, historiographe de Louis XII.

(2) receu (1528).

Tout vient de Dieu, qui m'ha fait homme et Roy,
Mais i'ay plaisir, d'ouyr ton nom fleurir,

Dont le cler bruit iamais ne peult perir.

Plus nommer l'oy, (1) plus l'honnore et salue, M'esbahissant de ta haute value :

Et mesmement, que par tant et tant d'ans

Tu reposant, en tous biens abondans

As bien daigné te donner ce soucy,

De t'enquerir, que c'est que font icy
Tes successeurs, tes neueux, tes parens,
Dont de bon cœur, graces à Dieu ie rens.
Mesmes de ce, que durant la bataille
A Aignadel, qui fut de rude taille (2)
A mon party, voulentiers aydé m'eusses,
Si reuenir en ce monde tu peusses,
Et combatu tes ennemis antiques
Venitiens, et faux Grecz heretiques,
Qui tous deux sont descendus d'Achilles,

Et d'Antenor traytres, vilains, et laids.

Mais quel' (3) merueille? et qui eust eu pensee
Que nostre langue ainsi propre, agensee
Fust ia commune en ta tresnoble court,
Ou lait, miel, vin, et fin baulme decourt?
Certes tu as vn truchemant bien dextre,
Illec dedens ton Paradis terrestre,

Ou vont volant espris de maintes guises,
Auec lesquelz de noz fais tu deuises. (4)

Bienheureux sont ceux qui tel bien attaingnent,
Et des travaux passez plus ne se plaingnent.

(1) loz (éd. 1512 et 1516).

(2) bataille d'Agnadel 14 mai 1509. Défaite des Vénitiens.

(3) quelle, éd. 1516.

(4) divises, éd. 1516.

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