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et immobiles, comme tesmoignent les Astrologues, seront luisantes au firmament tant que le monde durera.

Dont pour commencer à monstrer tout premierement en ce prologue, la grand difference qui est entre lintegrité dun conseruateur de paix, ligue et confederation, et vn autre infracteur dicelles: Il est certain que lannee passee, les Venitiens enuoyerent à lempereur Maximilian Cesarauguste, vn ambassadeur, nommé Antoine Iustinian. Lequel en grand humiliation et toute honteuse flaterie, requerant pardon et mercy, au nom desdits Venitiens, sefforça de flechir et amollir le courage de Lempereur à fin de le destourner et distraire de la bonne fraternité perpetuelle, conceüe, et perseuerant entre luy et le Roy treschrestien Loys douzieme. Offrant ledit ambassadeur à Lempereur, que les Venitiens le recongnoitroient pour leur vray et souuerain seigneur. Et luy rendroient tout ce que eux et leurs predecesseurs auoient vsurpé sur Lempire Romain, et la maison d'Austriche et de Hongrie. Et oultreplus luy donnoient tout ce que dautre part ilz auoient acquis en terré ferme, auec cinquante mille ducats de tribut tous les ans, perpetuellement. (1)

Ausquelles offres pleines de fraude, cautelle, malice et adulation, Lempereur tresprudent, tresentier et tresuertueux, respondit de sa viue voix, tout presentement, sans delay ou organe dautruy, en langue Latine, ce qui sensuit, au grand honneur et faueur du Roy, et à la confusion totale desdits Venitiens.

(1) L'authenticité de cette harangue compromettante, insérée tout au long par Guicciardini, a été contestée par tous les historiens véni tiens. Cf. Daru, Hist. de Venise, V, 32-35 et XI, 87 (édit. de Bruxelles).

Responsio extemporanea Caesaris Maximiliani, ad oratorem Venetum.

Ea mens humana est, cæcitate obfuscata, ea vmbra et caligine inuoluta, et his tenebris obducta, ot plerique mortalium, præsentia pensitent, aut præterita : Futurorum verò nunquàm à quoquam consueuit ratio haberi. Sic Veneta respublica, quæ aliis vult esse et haberi subtilior, secundis elata rebus, nullius onquàm hominis aut temporis rationem habendam censuit, quominus per phas et nephas, (1) ad se traheret, raperet, deprædaretur: alterum alteri immiscendo singula confundendo: passim omnia diuina et humana, licentiosè, temere violando, comminueret. Quò euenit, vt cùm anno elapso (sine vllius offensa) Romam pro imperiali sumendo diademate concessuri essemus, se nobis petulanter armis suffulti Gallicis, à nobis non lacessiti, obiecere. Nec contenti ab instituto itinere nos auertisse, quædam oppida et castella violenter ademerunt. Nos tam insigni prouocali iniuria, et offensa, sperabamus aliquando affuturum diem, quo commissi sceleris pœnas luerent, qui iam sinistro vestro fato illuxit. Nos itaque fragilitatis humanæ non immemores, casuum et periculorum non ignari, moueremur fortassis et precibus et oblationibus factis, si eas suo tempore, et non postea quàm à socio et amico rege, virtute bellica superati sitis, obtulissetis. Ad violationem itaque initi fœderis, hoc fucato verborum lenocinio, impelli minime poterimus : Sed iustè et religiosè, et sanctè colemus, obseruabimusque. Poteritis itaque aliunde de vestris rebus consulere, et auxilia implorare. A nobis pacati nihil : sed hostilia omnia sperantes et aduersa. (2)

(1) fas et nefas (éd. 1528). L'accent sur à nobis n'est qu'en 1549. (2) 1528 porte peccati...... sperate.

Translation de la response dessusdite, faite par Lempereur Maximilian, à lambassadeur de Venise.

La pensee humaine est empeschee de tel aueuglement, et enuelopee de tel ombrage et obscurté, et circonuenue de si grands tenebres, que la plus part des hommes mortelz, pensent bien aux choses presentes et passees, mais de laduenir, iamais nul nha accoustumé tenir conte.

Ainsi la chose publique de Venise, laquelle veult estre et sembler estre la plus fine de toutes les autres, esleuee à cause des choses prosperes, nha iamais estimé deuoir faire reputation daucune personne, ne daucun temps, pourquoy elle laissast de tirer à soy par moyen licite ou illicite, rauir, et mettre en proye vne chacune chose, meslant lun parmy lautre, et confondant le tout ensemble, et quelle ne cassast et debrisast à tous propos, et violast par grand audace et licence, toutes choses diuines et humaines.

Parquoy est ad uenu, que comme lannee passee nous fussions en train de tirer à Romme (à fin de prendre la couronne Imperiale, sans porter dommage à autruy) ilz se presenterent arrogamment alencontre de nous, souz la confiance des armes Françoises, iasoit ce que parauant ne leur eussions donné occasion de ce faire. Et non contens de nous auoir destourbé nostre chemin, encores nous tollurent ilz par force, aucunes villes, places et chasteaux. Dont nous indignez dun si grand oultrage et mespris, esperions que quelque fois le iour viendroit quilz seroient punis, des meffaits par eux perpetrez. Laquelle iournee est aduenue à vostre male destinee.

Nous donques qui nauons point mis en oubli que cest de fragilité humaine, qui nignorons point les cas, perilz, et fortunes du monde, et qui ne sommes estrangez de miseri

corde et debonnaireté, serions parauenture meuz et enclins dobtemperer à voz offres et prieres, pourueu que les eussiez faites en temps deu, et non apres que par la vertu bellique du Roy nostre amy et confederé, auez esté vaincus et surmontez.

Or donc, par voz paroles fardees et adulatoires, nous ne nous pourrions iamais condescendre à rompre la foy de nostre alliance et confederation, ainçois la contre-garderons et entretiendrons iustement, catholiquement et saintement.

Par ainsi pourrez vous bien autre part donner ordre à voz affaires, et querir secours ailleurs : Car vous ne pouuez esperer de nous aucun moyen qui tende à paix, fors toutes choses aduersaires et ennemies. (1)

Icelle response verbale et effectiue, (2) de Lempereur Maximilian, demonstre assez sa perseuerance, en alliance et bonne voulenté deuers le Roy treschrestien: Mais encores la continuation dicelle, ha esté mieux congnue de fresche memoire Cestasauoir quand monseigneur illustre, et tresreuerend, Leuesque de Gurce, en Allemaigne, Prince de Lempire, nommé Matthæus Lang, Ambassadeur de Lempereur, enuers le Pape moderne (pour induire ledit Pape à faire appointement et paix auec le Roy treschrestien) sest monstré au nom de Lempereur son maistre, si ferme et si constant, que chacun le scait. Et le Roy premierement en est bien aduerti: tellement que ledit seigneur de Gurce, apres auoir refusé le Patriarchat d'Aquilee du costé des Venitiens, et le chapeau rouge à la semonse du Pape, il

(1) Toutes les éditions portent : fin de la translation de la response de l'empereur aux Venitiens.

(2) affective, dans toutes les éditions antérieures, sauf l'éd. 1511.

ha parlé et sest porté si vertueusement, quil en doit estre memoire à tousiours. (1)

Et tout ce nonobstant, la malice des Venitiens (qui est tousiours seminateresse de Zizanie) nha pas laissé de publier aucuns libelles diffamatoires, contre ledit Prince et Euesque de Gurce, dont la teneur sensuit:

Veneti ad Gurcensem.

Venerat ot Venetos Curcensis perderet: Auro
Sed victus, dominum perdidit ille suum.

Mais il (comme vertueux et magnanime) ha respondu de mesmes, et sest reuengé vertueusement, disant ainsi :

Responsio Gurcensis ad Venetos.

Venerat ot Venetos Gurcensis perderet : Auro
Non victus, Venetos perdidit, et Iulium.

AVTRE PROLOGVE DE LA MATIÈRE PRINCIPALE,

qui est de la difference des Schismes et des Conciles de Leglise vniuerselle. Et de la preeminence et otilité des conciles de la sainte Eglise Gallicane.

Triomphe, honneur, et louenge immortelle soit (2) aux tresillustres et tresuertueux Princes, qui sentretiennent par grand fidelité en concorde et dilection fraternelle,

(1) Cf. Daru, V, 71-78. Cet évêque de Gurck avait proposé la convocation d'un concile général pour réformer l'Église dans son chef et dans ses membres. Maximilien voulait devenir pape. V. sa Correspond. (2) soit a été ajouté dans l'édit. 1549.

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