Ie ne puis plus, à peine escrire igne. Mere piteuse, ô sage, et noble dame, Ha chere espouse, à quoy pensez vous ore, La grand' vertu, et prouesse gentile Ans, moys, et iours, certes ne sont pas rentes Pensez icy, vous autres gentilz hommes, Et iamais n'aille ailleurs, non sinon là. AMEN. (1) (1) Après Amen, les anciennes éditions mettent la devise rhétoricienne de Crétin « Mieulx que pis» ainsi qu'une lettre à François Le Rouge. On la trouvera plus loin à la place assignée dans l'édition 1549. LA PLAINTE DU DESIRÉ: CESTADIRE, LA DEPLORATION DU TRESPAS DE Feu Monseigneur Loys de Luxembourg, (1) Prince d'Altemore, Duc d'Andre et de Venouze, Conte de Ligny, etc. Composé par Iean le Maire de Belges, secretaire dudit feu seigneur. Lan mille cinq cens et trois. Vn triste iour passé que le cler filz de Latone, et frere de la belle Diane tenoit son siege lointain de nostre orizon, au signe de Capricorne ie fus excité (2) par le miserable tumulte dune tourbe plourante, et par la vehemence de leurs trenchants regretz. Cestoit en vne cité de Gaule Celtique, qui porte le nom du Roy des bestes: là ou vne douce et paisible riuiere Septentrionale se plonge et perd en vn grand et impetueux fleuue Oriental. (3) Illec veis visiblement vne piteuse aduenue : car aupres dun noble corps gisant mort tout de frais estendu sur vn lit de camp, estoit dame Nature naturee, (4) sans mesure esbahie, ayant lœil immobile, et la contenance esmouuant à pitié, qui par force destonne (1) fils de Louis de Luxembourg, connétable de St-Pol et favori de Louis XI. Le Désiré (par latinisme regretté) c'est Louis de Luxembourg-Ligny qui fut gouverneur de Picardie et dont J. Le Maire a été le secrétaire en 1503. Altamura, Andria et Venosa avaient été accordées à Ligny par Charles VIII en 1495. (2) escité, éveillé. (3) à Lyon. (4) terme repris par la philosophie de Spinosa. ment ne pouuoit proferer de sa bouche la profonde tristeur quon perceuoit en sa dolente face. Aupres delle estoient deux cleres Nymphes ses plus priuees damoiselles et pedisseques, dont comme ie fus aduerti, lune auoit nom Peinture paree, et lautre Riche rhetorique, desquelles les beaux yeux nageans en larmes, et les cœurs desolez perissans en souspirs, semoient parmi le pauement et parmi lair patent vne sourse de rosee lacrymale, et vn sourgeon de regretz anormaux, sans mot sonner. Toutesuoyes à chef de piece, Peinture la noble pucelle de la pitoyable voix yssant de son gosier crystalin, feit resonner la region circoniacente et rengregea le pleur et la commiseration de tous les assistans. Tellement, que la salle ou le corps reposoit atourné de riches habits selon la dignité dun Prince, sembloit estre vn droit souspirail de regretz, et vn abyme de souspirs. Les verbes que Nature prononça, sont cy apres recitez. PEINTVRE. Triste spectacle, ombrageuse apparence, Voyons nous or': et auons conference Au plus grief dueil, sans quelque difference, Est il viuant qui par preuision Eust iamais sceu noncer vn tel meschef? Et ores.quand oracles et Sibylles Ou gens sauans toutes choses scibiles, (1) quelqu'intelligence qu'il ait dans la tête. Si n'eussent nulz ia esté si habiles, O grief instant mal prins, mal deuisé, Les cieux, le temps, la dure destinee, Dueil double, dueil douloureux et dolent, En ha maint cœur hors de toute allegeance : Dame Nature en ha plus grand' souffrance. Regardez la, nobles cœurs feminins, (1) pour mal aferant, auferrant, affirant, peu convenable. (2) chagrin, douleur. |