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Sans trembler pour mes jours je ne puis faire un pas. << Va, travaille, et ne te plains pas. » Et le lièvre, au galop, regagna son herbage. Le mulot, resté seul, se mit à son ouvrage, Tout occupé du lièvre et le plaignant bien fort. «Que de mal, disait-il, il faudra qu'il se donne « Pour vivre encore à la fin de l'automne ! « Longues-oreilles n'a pas tort;

« Les lièvres, ici-bas, ont un bien triste sort! >>
Puis écoutant à la fenêtre,

S'il entendait les chiens : « on le poursuit peut-être,
Disait-il. Tirait-on ? il disait : « il est mort! >>

De son côté, le lièvre solitaire,

L'oreille basse, à tout moment pensait

A son mulot, et se disait :

« Chaque bête a son caractère,

Jusqu'à ce qu'il ait fait tous ses trous dans la terre,

Ce petit casanier ne sera pas content.

« Pourvu qu'il soit assez prudent

Et n'aille pas se faire prendre!

Le chat est à l'affût et pourrait le surprendre.
« Allons le voir. » Il arriva

Quand le mulot sortait, suivant son habitude.
Ils causèrent longtemps de leur inquiétude.
Au bout du compte, il se trouva

Que chaque animal, dans son gîte,
N'avait songé qu'à l'autre et s'était oublié.
Tel est l'effet de la pitié.

J'en tire ma morale et me sauve au plus vite.
Dans le malheur, on est encore heureux

Quand on peut souffrir deux à deux.

Vous prenez mon chagrin ; je me charge du vôtre ;
Notre fardeau n'est pas plus pesant de moitié ;.
Mais seulement, chacun porte celui de l'autre
Et, dans l'échange, on gagne l'amitié.

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FABLE,

Par le Méme.

Vous connaissez petit Poucet?
Près d'un char embourbé ce cher enfant passait.
Un pauvre bœuf, qui traînait la voiture,
Tirait, suait, sans avancer d'un pas,
Et, comme c'est l'usage en pareille aventure,
Le conducteur jurait, frappait et n'aidait pas.
Petit Poucet vite s'arrête.

«Attends un peu, dit-il, ma pauvre bête! » Il se mit à pousser à la roue, et voilà

Que tout à coup le char roula.

Déjà longtemps après, bien loin de sa chaumière,
Petit Poucet, perdu dans l'herbe, sous les fleurs,
Voyait venir la nuit et versait de gros pleurs.

Le bœuf passa, cahotant dans l'ornière
Son rude char rempli de vert sainfoin.

Il vit petit Poucet ramassé dans son coin:

« Paresseux, dit le bœuf, as-tu fait un bon somme ? »> Non, dit l'enfant, mais je ne puis marcher. »

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<< Monte donc sur mon dos, sans façon, mon bonhomme, «Et je te porterai tout près de ton verger.

"

« Je suis content de pouvoir t'obliger.

« Lorsque j'étais au bord du précipice,

« Dans les fondrières du bois,

Jadis, tu t'en souviens, tu m'as rendu service. »

—« Oh si peu ! » dit l'enfant,—« Bien plus que tu ne crois.

• Lorsque de si grand cœur tu poussais à la roue « Pour me tirer de la maudite boue, En voyant un ami, je me sentis plus fort, « Et je fis un si grand effort

«Que le char roula sur la route.

<< Tu fis peu de chose, sans doute;

• Qu'importe ? un ami veut nous tirer d'embarras; << Eh! que me fait son impuissance ! «Il s'agit de reconnaissance?

« Je vois son cœur et non son bras. >

Par M. Paul BLIER,

Membre correspondant.

Entre les blés tapie,

L'alouette assoupie

Fait trève à sa chanson,

Tandis qu'au pied des hêtres,

Las de gaîtés champêtres,

Dort l'alerte pinson.
Jusqu'à l'aube vermeille

Tout se tait, tout sommeille;

La pervenche et l'abeille,
Le nid et le buisson.

« Tout le jour taciturne,

C'est à l'heure nocturne

Que mon cœur prend l'essor. Au milieu du silence

Vibre, éclate et s'élance

Mon bymne aux ailes d'or,

Hymne où l'on sent une âme Que l'infini réclame,

Et qui d'amour se pâme

Et veut aimer encor!

« O douceurs infinies

Des eaux, des vents, des bois !

Nuit aux ombres bénies,

Toutes tes harmonies

Frémissent dans ma voix !

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