IMITÉE DE TH. HOOD (1), Par M. Julien TRAVERS, Secrétaire de l'Académie. Une femme au sexe douteux, Les doigts usés, la voix rauque, l'accent viril, Jour et nuit fatiguant son aiguille et son fil. Travaille, travaille, travaille, A ton lit sur la dure ajoute un peu de paille, Car le maître commande et la tâche est promise. » -Et, dans la fièvre de la faim, Sa bouche murmurait le chant de la chemise. (1) Cette pièce est très-populaire en Amérique. 11 en existe un essai de traduction dans notre langue, par Albert Montemont. Un des couplets de l'original anglais a servi de sujet pour une statue en pied, envoyée des États-Unis à l'Exposition universelle de 1867. On pense bien que ce marbre nous a fort intéressé. Nous cherchions sous le ciseau du sculpteur le génie du poète alors que la foule, sollicitée par sa curiosité et fatiguée par la profusion des passait indifférente à nos côtés. Que n'avons-nous pu serrer la main de l'artiste, et nous entretenir avec lui du talent vigoureux de Th. Hood! Th. Hood nous aurait unis dès l'abord par le tout-puissant lien d'une admiration commune. œuvres, Écoutez ce chant inégal, Hymne de la douleur, sublime et trivial. Travaille, travaille, travaille Pendant que le coq chante au poulaillér voisin ; Du malin jusqu'au soir, du soir jusqu'au matin. Qui nous broie et nous tue, ici, chez des Chrétiens ? « Travaille, travaille, travaille Jusqu'à l'épuisement, sans relâche, toujours; Travaille, travaille, travaille Jusqu'à ce que tes yeux nagent troubles et lourds. Et, tombant de sommeil sur le bouton final, Comme si tu cousais en un rêve infernal. « Vous dont le bonheur ne se voile Jamais d'aucun nuage, ô vous, hommes blasés, C'est de la vie humaine encor que vous usez ! Pour apaiser ta faim dans ton hideux chenil; « Mais que parlé-je de suaire ? Puis-je donc redouter le spectre de la Mort? Je lui ressemble en ma misère : Qu'elle achève mes maux et je bénis mon sort. La faim !... grand Dieu ! quelle torture! Quand le pain est si cher, nul cœur n'en est touché, Et d'une pauvre créature L'ame, le sang, la chair sont à si bon marché ! « L'homme des champs a pour sa tâche Et met en ses greniers le fruit de ses moissons ; J'ai pour mon labeur sans relâche Un morceau de pain noir, de l'eau, quelques haillons, Un sol troué sous un toit sombre, Une table boiteuse, une chaise en débris, Un mur si nu que, quand mon ombre Sur lui passe, je crois être à deux... je souris ! Travaille, travaille, travaille, Courbe ton faible corps à la tâche enchaîné; Comme le criminel au bagne condamné. Fais l'ourlet, le col, la ceinture; Travaille, fais le col, la ceinture et l'ourlet, Va tomber, sous l'effort, mourante à ton chevet. Travaille, travaille, travaille Quand décembre en sa brume enveloppe le jour, Quand mai de ses clartés amène le retour, Coupe l'air en son vol, s'enivre de ses chants, Nos taudis délabrés, annonce le printemps. Le beau printemps, saison de fête ! A l'éclat de ses fleurs ses parfums mariés ! Des tapis de gazon étendus sous mes pieds! |