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fondés sur une protection précaire, sur d'iniques habitudes, mais exigés avec trop d'autorité pour les refuser; et puis la sauterelle, qui s'inquiète peu du droit, mais qui vient avec sa troupe, passe sur le champ et s'ervole, étendant sur toute la route le linceul de ses ravages.»

La Sauterelle du désert.

«Le Prophète la connaissait bien,ainsi que ses ravages, quand il disait: La sauterelle a dévoré les restes du gazam...: réveil» lez-vous, hommes enivrés; pleurez et poussez des hurlemens, > vous, qui mettez vos délices dans le vin; le vin est ravi de vo> tre bouche. Une nation est venue fondre sur ma terre, forte, ⚫ innombrable; sa dent sévit comme les dents d'an lion, comme > les dents d'un lionceau. Elle a dévasté ma vigne, elle a arra

ché l'écorce de mes figuiers, elle les a dépouillés, ils sont > tombés, et leurs rameaux ont blanchi.... Les laboureurs sont › confondus, les vignerons poussent des cris lamentables; plus ⚫ d'orge, plus de bled; la moisson des champs a péri; la vigne est dans la honte; l'huile dans la langueur; les grenadiers, ⚫ les palmiers, les pommiers et tous les arbres des champs sont » dépouillés, et la joie a fui le visage des hommes....

» Comme la lumière de l'aurore s'étend en un moment sur > les montagnes, ainsi un peuple nombreux et puissant a paru > sur cette terre... Avant sa venue, cette terre était un jardin ⚫ de délices; après son passage, elle n'est plus qu'un désert, et › rien n'échappe à sa violence. A les voir marcher, on les pren

drait pour des chevaux de combat ; et ils s'élancent comme ⚫ une troupe de cavaliers; ils franchissent le sommet des mon» tagnes avec un bruit semblable à celui des chariots................ La ‣ terre tremble devant eux, les cieux sont ébranlés, le soleil » et la lune en sont obscurcis, et l'on ne voit plus la lumière ⚫ des étoiles 1. »

Inscriptions sinaïtes de Ouadi-Mokatteb.

Après avoir parcouru une grande partie du désert, M. de Laborde revient visiter en détail le mont Sinaï. Voici ce qu'il

'Joël, ch. 1 et 1,

nous dit des fameuses inscriptions sinaïtes, que les savans n'ont pas encore pu déchiffrer en entier.

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Les premiers renseignemens que nous pouvons trouver sur les inscriptions sinaïtes, sont dans Cosmas ', dans Belon ', dans la Contemplation du monde de Neitzschitz 3, dans Monconys, et dans Kircher 5, qui explique avec plus de hardiesse que de succès, celles du père Tomaso da Novarra, etc. Mais ces renseignemens avaient à peine réveillé l'intérêt, parce qu'il s'agissait des inscriptions peu nombreuses qu'on trouve dans chaque vallée de la presqu'île, surtout aux environs de Sinaï. En 1722, le Supérieur des Franciscains, en revenant du couvent qu'il avait visité avec plusieurs ecclésiastiques, passa par Ouadi-Mokatteb; son étonnement fut grand à la vue de deux rangs de rochers couverts d'inscriptions, sur une lieue de longueur, et il chercha à le faire passer dans son récit que voici :

Ces montagnes s'appellent Gebel el Mokattab, c'est-à-dire, les montagnes écrites. Car, aussitôt que nous avons quitté les montagnes de Faran, nous en côtoyâmes d'autres pendant une heure de tems, qui étaient couvertes d'écritures en caractères inconnus et creusés dans ces durs rochers de marbre, à une hauteur, qui, dans quelques endroits, était de dix à douze pieds au-dessus du sol; et quoique nous ayons dans notre compagnie des hommes qui comprissent l'arabe, le grec, l'hébreu, le syrien, le copte, le latin, l'arménien, le turc, l'anglais, l'illyrien, l'allemand et le bohème, il n'y en avait cependant aucun qui eût quelque connaissance de ces caractères, qui n'en sont pas moins gravés dans ces durs rochers, avec une grande peine, dans une contrée où l'on ne trouve ni eau ni rien à manger. C'est pourquoi il est probable que ces caractères contiennent quelques secrets cachés, qui ont été, long-tems avant la naissance de Jésus-Christ, gravés dans ces rochers par des Chaldéens ou d'autres personnes. »

« Cette description, qui pèche seulement par l'appréciation de la nature du rocher, qui est de grès friable, au lieu de mar

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Topographia christiana, éd. de Montfaucon.

› Liv. n, ch. 69, p. 294.-3 Pages 145-167-4 Page 449.

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bre très-dur, excita vivement l'attention à une époque où tout ce qui se rattachait à l'Écriture-Sainte, avait un si haut intérêt. L'évêque de Glogher, Rober-Clayton, proposa une somme d'argent considérable à celui qui ferait le voyage, et rapporterait copie de ces inscriptions, qui, dans son opinion, ne devaient être rien moins qu'israélites, et servir, comme s'exprime un auteur allemand de l'époque, à fermer la bouche à tous les commentateurs imprudens.

Pococke, puis après lui Montaigu, rapportèrent quelques copies d'inscriptions sinaïtes; mais leurs renseignemens étaient insuffisans. En 1762, Niebuhr, envoyé par le roi de Dannemarck pour explorer l'Arabie, mais spécialement dans le but de copier les écritures de Oudi el Mokatteb, rapporta la copie de quelques inscriptions en même caractère, qu'il trouva dans les environs de Sinai. Quarante ans plus tard, MM. Coutelle et Rosière en copièrent soixante-quinze '. De 1808 à 1820, Seetzen, Burckhardt et Henicker rapportèrent successivement la description de la vallée, et copie de ses inscriptions. Enfin, M. Grey vient de publier cent quatre-vingt-sept inscriptions qu'il copia en 1820 dans Quadi-Mokatteb et ses environs; dans ce nombre on remarque neuf grecques et une latine.

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» Parmi celles que j'ai rapportées, il s'en rencontre également quelques-unes en langue grecque; elles semblent, par leur brièveté et les noms propres fréquemment répétés, pouvoir donner une idée du contenu de celles dont on n'a pu encore déterminer le caractère....

» Plutôt grattées que gravées, ces inscriptions ressortent en clair sur la couleur rouge foncée du rocher, et leurs lignes tremblées annoncent l'inhabilité de ceux qui confiaient à la pierre de ces rochers leurs souvenirs.

Plusieurs savans philologues se sont occupés vainement de la traduction des inscriptions sinaïtes; pour les déchiffrer toutes, et pour fixer la date précise de chacune d'elles, il faudra attendre que la paléographie et la connaissance des anciennes langues de l'orient aient fait de nouveaux progrès. L'opinion la

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* Transactions of the royal society, vol. 1, part 1. 1832.

plus générale, cependant, est qu'elles ont été gravées par des pélerins qui visitaient le Sinaï vers le sixième siècle.

Des dessins d'hommes et d'animaux qui les accompagnent, sont en partie contemporains; d'autres datent de notre époque; tous indiquent l'enfance de l'art, si toutefois on y trouve quelque chose qui ressemble à l'idée que nous attachons au mot art. Dans ce pays les premiers essais et la décadence de la science du dessin semblent s'unir sans intermédiaire, et le Bédouin, en gardant ses chameaux, dessinera des hommes et des animaux, comme les Arabes, à une époque bien reculée, les représentaient. Le capitaine Tuckey, dans un voyage sur la rivière Zaïre, appelée communément le Congo, a trouvé audessus de Lombe, des sculptures modernes sur les rochers, qui rappellent le caractère d'enfance de celles de la presqu'ile de Sinaï. »

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Il y a encore d'autres monumens dont on ne connaît pas l'origine au milieu de ces déserts, situés sur une montagne loin de toute ville habitée; nous en donnons ici une vue générale.

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Nous ne croyons pouvoir mieux terminer cet intéressant voyage, qu'en faisant connaître à nos lecteurs la vue du sommet de Sinaï, de ce lieu sur lequel Jéhovah descendit lui-même, et vint au milieu des foudres et des éclairs donner les tables de sa loi à Moïse et au peuple Juif. Cette vignette aurait été mieux

placée, nous le savons, dans l'article que nous avons consacré au mont Sinai, dans le n° 43 des Annales; mais il ne dépendait pas de nous de l'avoir en ce moment. Aujourd'hui que M. Giard a bien voulu nous permettre de la faire polytyper, nous nous empressons de la mettre sous les yeux de nos lecteurs. Pour en avoir la description, nous les renvoyons à l'article sur le mont Sinaï, et au paragraphe qui porte pour titre: Vue du mont Sinaï, ci-dessus, p. 56 de ce volume.

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Nous pourrons une autre fois' consacrer un article à ce que nous dit M. de Laborde du tombeau d'Araon 2, et donner la vue de la montagne et du monument dans lequel il est conscrvé.

A. B.

Voir aussi, dans le N° 17, tome 1, page 317, des Annales, un Extrait du récit d'un voyageur anglais au mont Sinai. On y trouvera plusieurs curieux détails sur le couvent de Sainte-Catherine, et la citation du passage que Maltebrun a consacré au mont Sinai, dans son Précis de 'Histoire de la géographie.

Nous avons donné la gravure représentant ce tombeau dans notre tome ix, p. 312.

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