Page images
PDF
EPUB

reproduisent encore quelquefois au milieu de ces vastes solitudes, pour embellir un instant leur aridité. L'homme qu'on pourrait y supposer étranger aux douceurs de la vie, ne l'est pas également aux sentimens de la nature; sa famille, sa tribu, ses troupeaux, sont pour lui une patrie mobile qui suffit à ses désirs, puisqu'il lui reste fidèle, et que de tems immémorial il n'en a point cherché d'autres. «Que faites-vous », dit Pharaon aux frères de Joseph; et ils répondent: Vos serviteurs sont pasteurs de >> brebis, comme l'ont été leurs pères» ; et encore aujourd'hui, si le voyageur les interroge, ils répondront : Nous sommes

>> pasteurs de brebis, comme l'ont été nos pères. »

[graphic][subsumed]

Cette vignette représente d'un côté Joseph accompagné des Egyptiens. dans le costume que nous ont transmis les peintures hiéroglyphiques, et de l'autre Jacob, Benjamin et ses frères, suivis de leurs chameaux, leurs brebis, et leurs ânes, tels que l'Arabe voyage encore aujourd'hui, lorsqu'il change de station.

« J'ai encore, continue M. de Laborde, à rappeler une autre scène qui peint le caractère et ces premiers mouvemens de la jeunesse du grand législateur, de Moïse, l'auteur du Pentateuque.

> Moïse étant devenu grand, dit la Bible, sortit pour aller > voir ses frères; il vit l'affliction où ils étaient, et il trouva que > l'un d'eux, Hébreu comme lui, était outragé par un Egyp> tien; il regarda en même tems de tous côtés, et voyant qu'il n'y avait là personne, il assomma l'Égyptien et le cacha dans » le sable..

[graphic][merged small]

M. de Laborde fait sur ce fait les remarques suivantes : « Il assomme l'Égyptien et le cache dans le sable. » La Bible est si concise, mais en même tems d'une précision si vraie, que c'est avec une attention fixée sur chaque mot, qu'on peut en re

trouver tout le mérite : ici, par exemple, nous retrouvons l'arme du désert, cette petite massue appelée Cobbous, formée d'un bâton noueux; puis, la position du pays de Gessen sur la limite du désert et du pays cultivé, car il cache sa victime dans le sable. »

C'est là que les voyageurs commencent à s'enfoncer dans les déserts de sable, si difficiles à traverser. Voici comment M. de Laborde décrit ce premier départ : « Une plaine de sable minée par les eaux, défoncée par les pas des chameaux, s'étend au sud des traces du canal; c'est avec peine, même avec danger, que nous traversons cette plage aride au milieu d'un désert, ce réservoir humide et salin au milieu de la sécheresse.... Le soleil s'élevait déjà près de l'horizon, lorsque les chameaux firent retentir le désert des cris plaintifs que leur arrache le moment où on les charge, de longs rayons d'une lumière froide projettent au loin l'ombre des animaux et des hommes, pendant que chacun porte son bagage sur sa monture, puis se laisse enlever par elle en plaçant un genou sur la selle. Voilà le départ, souvenir si vif de ces voyages du désert. »

Nous ne suivrons pas exactement ici M. de Laborde dans sa longue route pour faire le tour de la presqu'île du Sinaï, et parvenir au fond du golfe Elanitique, jusqu'à la ville de Pétra, ancienne capitale du pays des Nabathéens. Nous ne dirons rien non plus de cette ville de pierre, merveille du désert, qui est là depuis tant de siècles, assise, silencieuse, avec ses temples, ses palais, ses théâtres, ses arcs de triomphe, ses pyramides, d'une exécution si parfaite, et entourée de ses tombeaux vides taillés dans le roc, et plus beaux encore que ses théâtres, ses palais et ses temples. Nous dirons seulement que M. de Laborde est parvenu le premier à pouvoir prendre les dessins de tous ces monumens, et à rapporter, pour ainsi dire, cette ville en Europe, dans des planches qui peuvent lutter avec celles du grand ouvrage sur l'Égypte.

Maintenant nous allons nous transporter au nord-est du Sinaï, tout près de la ville de Pétra, et à six lieues seulement de la montagne de Hor, célèbre par la mort d'Aaron, et par son tombeau que les Arabes y révèrent encore; et nous allons voir comment M. de Laborde constate l'accomplissement des

prophéties qui avaient prédit la ruine et la désolation de ce pays.

Désolation de l'Idumée, prédite par le Prophète.

Après avoir traversé une petite plaine, formée par la réunion de quelques ouadis, on monte avec peine un chemin qui s'élève en zig-zag sur une pente rapide; arrivé au haut de cette montagne appelée El Nackb, on découvre, en se tournant vers le chemin que l'on a suivi, un panorama singulier. Tout le pays, à six lieues à la ronde, se présente en relief dans une sorte de vue cavalière; les montagues, divisées par les ouadis, montrent leurs positions et leur direction; on peut juger ainsi de leur élévation et de l'aspect général du pays, dont le triste et lugubre caractère est difficile à faire comprendre, à l'aide seul de la plume. Plusieurs prophètes avaient annoncé le malheur de l'Idumée; mais la forte parole d'Ezéchiel peut seule s'élever à la hauteur de cette grande désolation.

« Le Seigneur me dit encore ces paroles: Fils de l'homme, tourne le visage contre la montagne de Séir; prophétise contre » elle, et dis-lui: Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Je viens à toi, montagne de Séir, j'étendrai ma main sur toi, et je te ren»drai déserte et abandonnée; je détruirai tes villes, et je te ré› duirai en un désert.... Je rendrai la montagne de Séir toute

déserte et abandonnée, et j'en écarterai tous ceux qui y pas»saient et y repassaient. Je remplirai ces montagnes des corps » de ses enfans qui auront été tués, et ils tomberont percés de ⚫ coups d'épées, le long de tes collines, de tes vallées et de tes torrens; je te réduirai en des solitudes éternelles; tes villes ne seront plus habitées, et tu sauras que c'est moi qui suis le » Seigneur Dieu 1. ▾

[ocr errors]

On trouve sur ce sommet les traces bien distinctes d'une ancienne voie qui s'étend du nord-est au sud-ouest, ou plutôt de Pétra à l'Aaccabah. Cette route était l'ancienne direction du commerce de la Mer-Rouge et d'Ayla, au grand entrepôt de Pétra....

[ocr errors][merged small]

Sur la pente de la montagne, nous rencontråmes d'autres ruines de villages, qui portent des traces d'une habitation peu ancienne. Nos conducteurs nous assurèrent qu'on en trouve à l'infini sur tout ce versant. Une source abondante, et un réservoir construit pour la maintenir, déversent ses eaux dans la plaine, et servent à arroser les terrains cultivés par les Fellahs. La fertilité surprenante de quelques rares enclaves au milieu de cette contrée désolée, semble être faite pour rappeler que ce pays fut un jour heureux, alors qu'une main puissante ne s'était pas appesantie sur lui.

>> On trouve à Kerac une espèce de blé barbu qui défend le texte de la Bible contre les reproches d'exagération qu'on lui a adressés; et les vignes de ce pays expliquent, par quelques échantillons, la grappe énorme que rapportèrent de leur message les espions envoyés par Moïse. »

[graphic]

Modèle des grains de raisin que l'on récolte encore aujourd'hui dans l'Idumée.

« Aujourd'hui, continue le voyageur, dans ce pays frappé de malédiction, il faut connaitre la misère des habitans, pour s'expliquer leur persévérance à faire produire la terre, en dépit des fléaux, compagnons habituels de leurs efforts; d'abord les hommes, ces Bédouins rapaces, qui viennent à l'infini réclamer du pauvre cultivateur des droits sur ses produits, droits

« PreviousContinue »