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> Quoique Rome, vue intérieurement, offre l'aspect de la plupart des villes européennes, toutefois elle conserve encore un caractère particulier aucune autre cité ne présente un pareil mélange d'architecture et de ruines, depuis le Panthéon d'Agrippa jusqu'aux murailles de Bélisaire, depuis les monumens apportés d'Alexandrie jusqu'au dòme élevé par Michel-Ange.....

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› Une autre singularité de la ville de Rome, ce sont les troupeaux de chèvres, et surtout ces atelages de grands bœufs aux cornes énormes, couchés aux pieds des obélisques égyptiens, parmi les débris du Forum, et sous les arcs où ils passaient autrefois pour conduire le triomphateur romain à ce Capitole que Cicéron appelle le conseil public de l'univers:

Romanos ad templa deùm duxêre triumphos 1.

» Ces diverses circonstances contribuent à donner à Rome je ne sais quoi de rustique qui va bien à son histoire : ses premiers dictateurs conduisaient la charrue; elle dut l'empire du monde à des laboureurs, et le plus grand de ses poëtes ne dédaigna pas d'enseigner l'art d'Hésiode aux enfans de Romulus:

Ascræumque cano romana per oppida carmen 7.

Quant au Tibre, qui baigne cette grande cité, et qui en partage la gloire, sa destinée est tout à fait bizarre. Il passe dans un coin de Rome, comme s'il n'y était pas; on n'y daigne pas jeter les yeux, on n'en parle jamais, on ne boit point ses eaux, les femmes ne s'en servent pas pour laver; il se dérobe entre de méchantes maisons qui le cachent, et court se précipiter dans la mer, honteux de s'appeler le Tevere. »

L'illustre voyageur décrit ensuite quelques villas des environs de Rome, puis il termine ainsi :

Il serait difficile de trouver dans le reste du monde une vue plus étonnante et plus propre à faire naître de puissantes réflexions. Je ne parle pas seulement de Rome, dont on aperçoit les dômes, et qui seule dit tout; je parle seulement des lieux et des monumens renfermés dans cette vaste étendue. Voilà la maison où Mécène, rassasié des biens de la terre, mourut d'une maladie de

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langueur; Varus quitta ce coteau pour aller verser son sang dans les marais de la Germanie; Cassius et Brutus abandonnèrent ces retraites pour bouleverser leur patrie; sous ces hauts pins de Frascati Cicéron dictait ses Tusculanes; Adrien fit couler un nouveau Pénée au pied de cette colline, et transporta dans ces lieux les noms, les charmes et les souvenirs du vallon de Tempé. Vers cette source de la Solfatare la reine captive de Palmyre acheva ses jours dans l'obscurité, et sa ville d'un moment disparut dans le désert....

› Dans une belle soirée du mois de juillet j'étais allé m'asseoir au Collisée, sur la marche d'un des autels consacrés aux douleurs de la Passion. Le soleil, qui se couchait, versait des fleuves d'or par toutes ces galeries où coulait jadis le torrent des peuples; de fortes ombres sortaient en même tems de l'enfoncement des loges et des corridors, ou tombaient sur la terre en larges bandes noires. Du haut des massifs de l'architecture, j'apercevais, entre les ruines du côté droit de l'édifice, le jardin du palais des Césars, avec un palmier qui semble être placé tout exprès sur ces débris pour les peintres et les poëtes. Au lieu des cris de joie que des spectateurs feroces poussaient jadis dans cet amphithéâtre en voyant déchirer des chrétiens par des lions, on n'entendait que les aboiemens des chiens de l'ermite qui garde ces ruines. Mais, aussitôt que le soleil disparut à l'horizon, la cloche du dôme de Saint-Pierre retentit sous les portiques du Collisée. Cette correspondance établie par des sons religieux entre les deux plus grands monumens de Rome paienne et de Rome chrétienne me causa une vive émotion: je songeai que l'édifice moderne tomberait comme l'édifice antique; je songeai que les monumens se succèdent comme les hommes qui les ont élevés; je rappelai dans ma mémoire que ces mêmes Juifs qui, dans leur captivité, travaillèrent aux pyramides de l'Égypte et aux murailles de Babylone, avaient dans leur dernière dispersion bàti cet énorme amphithéâtre. Les voùtes qui répétaient les sons de la cloche chrétienne étaient l'ouvrage d'un empereur païen marqué dans les prophéties pour la destruction finale de Jérusalem. Sont-ce là d'assez hauts sujets de méditation? et croyez-vous qu'une ville où de parcils effets se reproduisent à chaque pas soit digne d'être vue? ' › H. de C.

Châteaubriand, Lettre à M. de Fontane.

Lithographie.

BUSTE D'UNE PRÊTRESSE

OU D'UNE DIVINITÉ MEXICAINE.

Similitude de costume entre les prêtres Mexicains et Égyptiens. — Point de ressemblance avec celui du grand-prêtre Juif. — Fini du travail. — Autres ressemblances entre les peuples du Nouveau-Monde et ceux de l'Ancien.

Nous avons déjà eu occasion de parler plusieurs fois des différens monumens qui nous ont révélé tout récemment qu'une civilisation perfectionnée avait passé sur cette terre de l'Amérique, que l'on avait crue vierge jusqu'à ce jour. Nous avons fait observer qu'on avait trouvé deux peuples sur ce continent, l'un sauvage, abruti, vagabond, ayant perdu presque toute tradition et tout souvenir de ses ancêtres, de son origine et de son Dieu 1; l'autre, encore civilisé, possédant des traditions précieuses dont il était même facile d'indiquer la source, cultivant les arts, et jusqu'à un certain point poli et lettré. Ces peuples étaint ceux du Pérou et du Mexique. C'est un monument ayant appartenu à un de ces peuples, les Azièques, que nous offrons ici à l'instruction et à la curiosité de nos lecteurs. Nous le prenons dans le bel ouvrage de M. de Humboldt, qui a pour titre : Vues des Cordillères et monumens des peuples indigènes de l'Amérique3.

Le buste, représenté dans sa grandeur naturelle, et de deux côtés, frappe surtout par une espèce de coiffe qui a quelque ressemblance avec le voile ou calantica des têtes d'Isis, des

Voir les articles sous le titre d'Antiquités américaines, insérés dans les Nos 3, 4, 5, t. I, p. 153, 233 et 305 des Annales.

2 Nous avons cité quelques-unes de ces traditions. Nos 18 et 19, t. III, p. 407, et t. IV, p. 19.

5 T. 1, p. 51. Chez Maze, libraire. Paris. 1816.

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