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leur fin, ces connnaissances données aux hommes, et que les hommes, comme des serviteurs infidèles et distraits, s'en vont semant sans discernement sur la voie publique, à côté qu'ils sont du champ et des terres préparées du père de famille.

D'ailleurs, bien que cette méthode dans son ensemble et dans son tout soit neuve, cependant dans ses détails elle n'est pas tellement étrangère à quelques procédés déjà employés qu'on puisse la dire entièrement inconnue et inappliquée. Ces règles, comprenant toutes les langues, l'auteur ne prétend pas les avoir inventées.

Ainsi Robert Étienne a divisé tous les mots de son Trésor de la langue latine en racines et en dérivés; Vossius et Lennep ont recherché leurs étymologies; les MM. de Port-Royal ont partagé, dans leurs grammaires, les noms et les verbes en racines et en désinences; de Fourmont et, après lui, Villiers ont mis les racines de la langue latine en vers français; l'abbé Gaultier, dans sa méthode latine, a déjà donné d'excellentes règles sur la séparation des mots en racines et en dérivés, et sur le parti que l'on peut tirer de la connaissance des désinences; Gail a traité fort au long de la valeur des desinences latines et de leur rapport avec celles de la langue grecque; Ferri de Saint-Constant, dans un excellent ouvrage, les Rudimens de la traduction, a fait ressortir les avantages de la méthode de l'abbé Gaultier, qu'il a fort bien exposés; pour le grec, on sait que Lancelot a mis les racines grecques en vers français; Burnouf, dans son excellente grammaire grecque, a divisé aussi les mots en racines et dérivés, et tiré le meilleur parti de l'affinité et du changement des consonnes; Houbigand a également mis en vers les racines de la langue hébraïque. Toutes ces méthodes ont été essayées, et ont porté des fruits abondans; ce sont ces travaux qui ont préparé les résultats actuels de la philologie et de la linguistique.

On voit donc que ce n'est pas ici un système tout neuf, qui sort, inconnu, de la tête de quelque imagination longuement tourmentée; l'auteur, au contraire, a profité de tous les travaux antérieurs: il a recueilli, arrangé, coordonné, complété, perfectionné les connaissances éparses de tous côtés, et c'est le fruit de son travail qu'il vient ici, forcé presque par nos sollicitations, doutant de lui-même et cachant son nom (car il nous est défendu de le prononcer), offrir son ouvrage aux chefs de maisons d'éducation.

Si, malgré l'imperfection de l'exposition que nous en avons faite, ses pensées sont appréciées et son travail jugé utile; si quelques directeurs sont dans l'intention de faire quelques essais de sa méthode, alors l'ouvrage que nous annonçons sera livré à l'impression.

Nous faisons donc un appel à ceux de nos lecteurs qui s'occupent de l'étude et de l'enseignement des langues; nous les prions de vouloir bien réfléchir sur les méthodes qu'ils emploient, et de nous dire s'ils en sont satisfaits; si plutôt ils n'y trouvent pas des incohérences, des défauts et des lacunes qui arrêtent à chaque instant leurs élèves, et si la méthode que nous venons d'exposer à leurs yeux ne les ferait pas disparaître.

Nous nous adressons en particulier aux supérieurs de maisons ecclésiastiques, et chefs de colléges qui tiennent d'une manière, non générale et commune, mais spéciale et particulière, à la religion. C'est d'eux que doit venir la régénération de l'éducation de la jeunesse; et c'est dans leurs maisons aussi que cette régénération a commencé. C'est ici une occasion de sortir de la vieille ornière et d'introduire une réforme également utile à la foi des élèves et au perfectionnement de leur science.

Pour nous, si ces idées sont reconnues raisonnables et avantageuses, comme nous les jugeons nous-mêmes, nous nous estimerons heureux d'avoir en quelque sorte provoqué ces travaux, et de les avoir fait connaître; et nous serons prêts encore à les faire mettre en pratique en en préparant la publication entière.

La partie de ce travail qui concerne la langue latine ne formerait qu'un seul volume in-8° 1.

Cette partie paraîtrait la première, les autres viendraient ensuite. Elles consisteraient, pour le grec, en un dictionnaire, dans lequel à côté des mots grecs se trouveraient les mots français et latins qui en sont dérivés; puis en un traité qui donnerait les règles nouvelles en bien petit nombre, autres que celles qui ont été données pour le passage des mots latins dans le français ; ce traité serait suivi également d'un autre sur les désinences grecques.

Ce travail a paru sous le titre d'Introduction à la langue latine au moyen du français, et nous en avons rendu compte dans notre t. XVIH, p. 381.

Le même travail serait fait pour la langue hébraïque.

C'est ainsi que l'intelligence de ces trois langues se trouverait singulièrement facilitée; le grec en particulier, que si peu d'élèves possèdent en finissant leurs études, serait pour ainsi dire appris sans peine et retenu forcément en même tems que le latin et le francais. Avec non moins de facilité, on passerait du grec à l'hébreu, malheureusement si négligé, quoique d'une importance si grande non-seulement pour ceux qui croient aux véritées révélées et aux communications de Dieu avec l'homme, mais encore pour l'archéologue, l'étymologiste, et même le simple littérateur. Les jeunes gens qui apporteraient quelque application à ces études auraient en peu de tems la satisfaction de lire Homère, Hérodote, Xenophon et saint Jean Chrysostome, en même tems que Job, Moïse, David, Isaïe, presque aussi rapidement que les Oraisons de Cicéron, et les poésies de Virgile et d'Horace. Que si la soif de la science en poussait quelques-uns à étendre plus loin leurs connaissances, ils ne rencontreraient plus aucun obstacle qui ne fût bientôt franchi, et ils arriveraient de suite à l'intelligence du Chaldeen, du Syriaque et du Samaritain, qui ne sont que des dialectes de l'hébreu. Le chemin des autres langues orientales serait même déjà tout tracé.

Ainsi, les langues anciennes, dont la connaissance semble réservée à un petit nombre d'érudits doués d'une mémoire prodigieuse, ne seraient plus couvertes d'un voile qui paraissait impénétrable; elles seraient désormais plus accessibles, et pour les apprendre il ne faudrait qu'un peu d'application et une mémoire ordinaire.

A. BONNETTY,

Membre de la Société Asiatique de Paris.

Philosophie de l'histoire.

DE L'ESPRIT DE VIE ET DE L'ESPRIT DE MORT,

PAR

LE COMTE HENRI DE MÉRODE ET LE MARQUIS DE BEAUFORT'.

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Six mois se sont écoulés depuis qu'a paru l'ouvrage qui porte ce titre; et certes on pourrait nous accuser de négligence, si c'était là une de ces fleurs qui naissent chaque jour dans le champ de notre littérature, et qu'on risque de trouver fanées si l'on attend au lendemain pour les cueillir. Mais lorsque, au-dessus des événemens et des intérêts éphémères, un livre va chercher quelque grande vérité méconnue pour lui rendre témoignage, lorsqu'il vient jeter au milieu de l'anarchie des opinions une pensée féconde, capable de prendre racine et de porter des fruits, alors il a droit à devenir l'objet de longs entretiens; alors la critique, à quelque heure qu'elle vienne, n'est jamais tardive, et son hésitation est une preuve de son respect pour l'oeuvre d'autrui; ainsi le livre de l'Esprit de vie et de l'Esprit de mort, réveillant en nous de sérieuses réflexions, sollicitant nos recherches, aura pour première louange la lenteur même de notre jugement.

1833.

Paris, Eugène Renduel, libraire-éditeur, rue des Grands-Augustins, n. 22.

Nous voudrions chercher à saisir la pensée génératrice de cet écrit ; il nous serait après cela plus facile d'en apprécier les détails et d'en suivre l'application.

Rien n'est plus digne de l'étonnement et de l'admiration de l'homme que cette multitude de phénomènes qui passent et se succèdent devant lui. Frappé d'un si grand spectacle, il se demande quel est le ressort caché qui fait mouvoir tant de choses, quelle est, au milieu de tant d'apparitions passagères, la loi immuable qui gouverne les êtres? quelle est la destinée du monde et surtout celle de l'humanité?

Le christianisme, répondant à ces questions, divise d'abord en deux classes tous les êtres et toutes les modifications qui leur sont propres. D'une part, le crime, la douleur et la mort; de l'autre, la vertu, le bonheur et l'immortalité : ici le bien, là le mal; ici le regne bienfaisant de la grâce, là le règne maudit du péché. Entre ces deux ordres de faits s'élève une éternelle ligne de démarcation. Au sommet du premier, Dieu se révèle éternel et parfait, plein de science et d'amour; sur le second, plane un esprit déchu, que Dieu avait fait libre et qui se fit rebelle. Lorsqu'au sixième jour la création sortit des mains du Tout-Puissant, radieuse de beauté, Dieu jeta sur elle un regard paternel, et il vit qu'elle était bonne. Mais, suspendu à l'arbre de la tentation, l'esprit mauvais déshérita l'homme de sa primitive innocence, et la terre fut frappée d'anathème en la personne de son roi. Suspendu à son tour à l'arbre des douleurs, le Christ régénère toute chose et replace le genre humain dans son antique liberté. Toutefois le tyran vaincu résiste et menace encore, et sa puissance qui s'écroule ne disparaîtra complétement qu'à l'heure où finiront les siècles.

Tel est le combat glorieux décrit par les Livres saints, chanté par les prophètes de l'ancienne et de la nouvelle loi, depuis Moïse et Job jusqu'à Paul l'apôtre et Jean l'évangéliste.

Pourtant cette conception, tout imposante qu'elle est, la philosophie rationaliste ne la trouve point sage. Tout ceci lui paraît merveilleux sans doute à entendre, mais difficile à croire et lourd à porter. Soit qu'un secret orgueil la presse de se faire, elle aussi, l'oracle des destinées, soit que l'esprit de système et le besoin de généraliser la subjuguent, elle veut qu'un seul principe explique l'universalité TOME VII. N° 39.- 2e édition. 1842.

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