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Traditions.

CROYANCES DES PEUPLES DE L'ANTIQUITÉ
SUR UNE VIERGE-MÈRE,

RECUEILLIES PAR M. DRACH.

La croyance d'une vierge-mère a été connue des Juifs, des Indiens, des Thibétains, des Chinois, des Japonais, des Égyptiens, des Grecs, des Macéniques, peuples de l'Amérique, des Mexicains, des Péruviens, des Siamois, elc.

Nous avons déjà parlé des deux premières lettres de M. Drach, abbin converti, à ses coreligionnaires', publiées en 1825 et 1827. Nous venons de recevoir la troisième, qui a paru à Rome, et nous s hâtons de la faire connaître à nos lecteurs.

Cette lettre est consacrée en entier à l'examen de la célèbre prophétie d'Isaïe annonçant la naissance du Christ d'une mère tierge, et elle n'est pas moins digne de l'intérêt des catholiques par les preuves nouvelles dont elle entoure cette question. Nous en itons l'extrait suivant avec d'autant plus de plaisir que le savant braisant suit, dans cette question, la méthode à laquelle les Annales se sont attachées depuis leur existence, à savoir de monrer que les faits et les paroles consignées dans nos Livres sacrés mt laissé des traces assez visibles chez tous les anciens peuples de Orient, de telle manière qu'à mesure que ces peuples sont mieux connus, la véracité de la Bible est attestée par de nouvelles preuves. larrivera de là qu'il sera bientôt impossible de nier un seul fait de nos Livres saints, sans voir tous les anciens peuples se lever, pour ainsi dire, pour protester contre le téméraire ou l'ignorant qui veut ainsi nier l'histoire des tems écoulés, et rompre la

› Voir notre No 24, juin 1832, t: 1▼, p. 449 (451, 2o édit.)

chaîne de la tradition qui lie le présent au passé sans interruption. C'est ce que nous prouvons sans réplique dans le présent Numéro, où un monument nouveau et d'une authenticité irréfragable, tiré de l'histoire d'Égypte, vient confirmer un fait biblique, antérieur de 10 siècles à notre ère'. Revenons au sujet de la lettre de M. Drach.

Sous le règne d'Achaz, roi de Juda, le roi d'Israël, Phacée, se ligua avec le roi de Syrie, Rasin, pour venir mettre le siége devant Jérusalem, et détruire cette ville. A cette nouvelle, le roi et le peuple de Juda furent saisis de frayeur, mais le prophète Isaïe vint de la part de Dieu dire au roi de ne pas se troubler, et que les projets de ses ennemis ne réussiraient pas. Comme le prince paraissait douter de cette promesse, Le Seigneur parla encore › à Achaz, et lui dit : Demandez un prodige au Seigneur votre › Dieu le voulez-vous au plus profond de l'abîme, ou au plus › haut des cieux? - Achaz répondit: Je me tairai; je ne tenterai › pas le Seigneur. Le prophète s'écria: Écoutez, maison de › David: N'est-ce donc pas assez pour vous de lasser la patience › des hommes ? Faut-il que vous lassiez encore celle de mon Dieu ? › Eh bien! le Seigneur vous donnera le signe de votre durée. › VOILA QUE LA VIERGE CONCEVRA ET ENFANTERA UN › FILS: et il sera appelé EMMANUEL, c'est-à-dire DIEU AVEC › NOUS". >

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Cette prédiction se faisait à peu près à la même époque où Romulus jetait les fondemens de cet empire romain qui, arrivé enfin à son plus haut point de gloire et de développement, devait servir de berceau à cet Emmanuel dont le prophète annonce ici la naissance merveilleuse 3.

L'Ancien-Testament ne fait plus aucune mention de l'accomplissement de cette prédiction d'Isaïe. La parole de Dieu, dit M. Drach, serait-elle tombée à terre? Non; l'univers périra plutôt qu'un iota ne s'accomplisse. Mais quel serait donc ce signe annoncé par Isaïc, si ce n'est pas la naissance du Messie?

Voir ci-après, p. 150, le portrait retrouvé du roi Roboam.

2 Isaïe, c. vit, v. 11 et suivans.

3 Le roi Achaz a commencé à régner en 742 avant J.-C., et le commencement de l'ère de la fondation de Rome est en 753.

Les rabbins conviennent que le chap. VII d'Isaie et les suivans se rapportent à la rédemption d'Israël. L'auteur le prouve par des passages tirés de leurs livres '. Ils ont imaginé des signes pour expliquer la prophétie; M. Drach fait voir qu'aucun de ces signes ne répond à la grandeur de l'objet, ni au ton solennel du Prophète. Il réfute les objections des rabbins, particulièrement sur le mot bébreu my, halma, que nous traduisons par vierge, les met en contradiction avec eux-mêmes, et en tire la conséquence que telle n'était pas la signification attachée à ce mot du tems d'Isaïe. Pour le prouver d'une manière plus convaincante, il recherche avec beaucoup de sagacité les traces qu'a laissées cette tradition, qui de Jérusalem avait dû se répandre, avec les différentes colonies juives qui ont parcouru successivement tout l'Orient, chez les peuples de l'antiquité. C'est ce chapitre, qui entre tout à fait dans le plan des Annales, que nous allons reproduire ici.

« Oui, halma signifie vierge, dit le savant hébraïsant en s'adressant à ses coreligionnaires; nous en voyons encore une autre preuve dans la tradition d'une mère vierge, que nous retrouvons parmi tant de peuples de l'antiquité. Car les grandes vérités que le Créateur a révélées lui-même à nos premiers parens, se sont répandues parmi leurs descendans et coulent, pour ainsi dire, en autant de ruisseaux qu'il s'est formé de peuples dans la postérité d'Adam. Mais à mesure que ces ruisseaux s'éloignent de la source primitive, la tradition qu'ils portent à travers le terrain mouvant des siècles se trouble et s'altère, tout en conservant des traces de son origine céleste. Par la même raison, plus nous remontons, autant que la nuit des tems le permet, vers le berceau des nations, plus nous remarquons de rapports entre leur croyance et la vraie religion. Plusieurs savans ont développé ce fait en général, et en ont démontré l'existence par des preuves invincibles. Quant à moi, je me borne pour le moment à n'appeler votre attention, mes chers frères, que

Les rabbins que cite M. Drach ont tous écrit dans des tems où il était extrêmement rare de trouver parmi les chrétiens quelqu'un qui sût l'hébreu. Quant au Talmud et à ses commentaires, ainsi que tous les autres livres écrits en langue rabbinique, M. Drach dit n'avoir encore rencontré aucun chrétien en état de les expliquer. Il serait de l'intérêt de la religion, dit-il, que quelques ecclésiastiques s'y appliquassent. C'est, selon lui, une mine riche à exploiter. TOME VII. no 38. 2e édition. 1842.

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sur la tradition universelle d'une vierge, mère d'un Dieu ou d'un homme extraordinaire, supérieur à tous les autres hommes par sa nature et ses qualités personnelles.

§ I. Nous avons vu plus haut que, selon la tradition de l'ancienne synagogue, nos pères qui vivaient avant l'incarnation du Fils de Dieu, attendaient un messie qui, creature nouvelle, devait venir d'ailleurs que les autres hommes. Sans père sur la terre, il devait ètre la rosée qui descend d'en haut. Une femme, que les rabbins appellent la mère céleste, devait l'envelopper par un miracle nouveau, unique 3, dans ses chastes entrailles, et demeurer elle-même pure et intacte jusqu'à sa bienheureuse mort, comme le ■ mem fermé qui termine son nom.

De là vient l'hommage religieux que déjà nos pères de l'ancien Testament rendaient à la virginité, même chez les peuples voués à l'anathème. Tous les individus de la nation madianite sont passés au fil de l'épée, sans exception des femmes et des petits enfans; mais les vierges pures du commerce de tout homme sont épargnées 4.

Quand Simon-le-Magicien élève la sacrilége prétention d'être la grande vertu de Dieu et le fils de Dieu, et de rivaliser avec JésusChrist, il a soin de se donner pour mère une vierge qui est devenue féconde sans la coopération d'aucun homme. « N'allez pas vous ima»giner que je sois un homme comme vous, dit-il; je ne suis point le › fils d'Antoine; car Rachel, ma mère, me conçut avant de coha› biter avec lui, et étant encore vierge 5. ›

§ II. Les Indiens, chez qui tous les sages de l'antiquité allaient chercher la science comme durant les sept ans de famine toute la terre allait en Égypte chercher du blé, les Indiens, dis-je, n'ignoraient pas le miracle de l'enfantement d'une vierge: seulement, ce qui n'était encore qu'une prédiction et l'attente des fidèles, ils l'annoncèrent comme une circonstance de la prétendue incarnation d'une de leurs fausses divinités.

« C'était une ancienne croyance assez générale dans l'antiquité,

Voyez l'ouvrage, p. 31, 45, 58, 59, 60.

2 Voyez p. 69.

3 Voyez sect. 11, c. 1, § 11.

4 Voyez Nombres, c. xxx1, v. 17, 18, 35. 5 S. Clem, in Recogn., lib. 11, c. 14.

› que la divinité s'incarnait de tems en tems, et venait sous une forme › humaine instruire ou consoler les hommes. Ces sortes d'appari›tions s'appelaient des théophanies chez les Grecs, et dans les livres › sacrés des brahmanes elles se nomment des avataras. Or ces › mêmes livres déclarent que, lorsqu'un Dieu daigne ainsi visiter le › monde, il s'incarne dans le sein d'une vierge sans union de

› sexe 1.)

Les brahmanes enseignaient, et enseignent encore, que Bouddha naquit de la vierge Maïa, sans la coopération d'aucun homme. Cette Maïa, déesse de l'imagination, devint mère par son intelligence et sa volonté virginales".

Cette croyance de l'Inde est également répandue dans le Thibet, dans la Chine et dans le Japon. Les peuples de ces pays se laissent persuader que le dieu qu'ils adorent, les uns sous le nom de Chekia ou Cha-ka, les autres sous celui de Fo, Foé ou Fohi, est né miraculeusement d'une vierge. Ce prétendu Dieu, après s'être incarné successivement dans un grand nombre de corps, et voulant naître de nouveau pour retirer le genre humain de la corruption où il était tombé, se rendit dans le sein de Lhamoghiuprul, la plus belle des nymphes, et la plus sainte des femmes, nouvellement mariée au roi Sezan. Longtems auparavant les prophètes avaient prédit que cette femme mettrait au monde un fils d'une extrême beauté, et rempli de sainteté; elle-même reçut le nom de déesse Lhamoghiuprul, nom qui exprime dans la langue sanskrite son admirable beauté et sa perfection 3.

Qui ne reconnaîtrait à ce portrait l'auguste fille de David, la plus belle des vierges, la plus sainte des femmes, mariée à un prince de la maison royale, désignée d'avance par les prophètes comme mère de Dieu, qui est l'oint du Seigneur?

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Supplément aux OEuvres de sir William Jones, in-4o, t. μ, p. 548, et Du Pape, par M. de Maistre, liv. III, c. 3.

› Voyez le Systema brahmanicum, du P. Paulin de S.-Barthélemi, p. 158. 3 Convolavit in uterum Lhamoghiuprul, nymphæ omnium pulcherrimæ atque sanctissima, recens nuptæ regi viro Sezan. De eà prædixerant vates, et qui imponendorum nominum auctores erant, fore ut pareret filium venustissimum, omnique sanctitate donatum ; ipsamque proptereà admirandæ pulchritudinis atque virtutis deam Lhamoghiuprul appellaverunt. ( Alphabetum thibetanum du P. Paulin de St-Barthélemi, p. 32. )

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