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Ils sont toujours logés à la troisième chambre,
Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre,
Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.
La république a bien affaire

De gens que ne dépensent rien !
Je ne sais d'homme nécessaire

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Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
Nous en usons, Dieu sait! notre plaisir occupe
L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,
Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez
À messieurs les gens de finance
De méchants livres bien payés."
Ces mots remplis d'impertinence
Eurent le sort qu'ils méritaient.
L'homme lettré se tut, il avait trop à dire.
La guerre le vengea bien mieux qu'une satire.
Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient:
L'un et l'autre quitta sa ville.
L'ignorant resta sans asile ;
Il reçut partout des mépris ;

L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle.
Cela décida leur querelle.

Laissez dire les sots: le savoir a son prix.

2. Semut. Se produisit, s'éleva très-vivement.

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9. C'est La Fontaine qui intervient dans ce vers et dans les deux suivants pour dire son petit mot.

9, 10. For why should wealth hold up its head,

When merit from its side hath fled?

11. C'est une litote : il n'y a aucune raison de révérer ces biens,

17. On dit plus souvent au troisième étage.
19. His shadow for his sole attendant.

20. République (voir xlii, 49).

24. En. C'est-à-dire, du bien.

Dieu sait! Cette locution est employée pour donner une grande idée de la chose dont on parle. On dit de même Dieu sait comme! Le riche veut dire qu'il use de son bien très-largement.

31. Quel silence éloquent que celui de ce savant! Il aurait tant à dire, s'il voulait. Et aussi quelle grandeur! Car les raisons qu'il ferait valoir ne seraient pas comprises de l'autre Ces deux hommes vivent dans deux mondes si différents!

XLVIII.

LES DEUX PIGEONS (IX, 2).

Pour juger le cœur, il faut relire encore l'épilogue des Deux Pigeons, ce morceau inouï de grâce et de tendresse, qui remplit nos yeux de larmes si douces, cet élan où l'enthousiasme de l'amour arrive à la grandeur d'un culte.

Th. de Banville.

Qu'il va lentement le navire
À qui j'ai confié mon sort!
Au rivage où mon cœur aspire,
Qu'il est lent à trouver un port!

France adorée !

Douce contrée !

Mes yeux cent fois ont cru te découvrir.

Qu'un vent rapide

Soudain nous guide

Aux bords sacrés où je reviens mourir.

Mais enfin le matelot crie:

Terre terre! là-bas, voyez !
Ah! tous mes maux sont oubliés.
Salut à ma patrie!

Oui, voilà les rives de France:
Oui, voilà le port vaste et sûr,
Voisin des champs où mon enfance
S'écoula sous un chaume obscur.
France adorée !

Douce contrée !

Après vingt ans enfin je te revois :
De mon village

Je vois la plage,

Je vois fumer la cime de nos toits.
Combien mon âme est attendrie!
Là furent mes premiers amours;
Là ma mère m'attend toujours.
Salut à ma patrie !

Au bruit des transports d'allégresse,
Enfin le navire entre au port.
Dans cette barque où l'on se presse,
Hâtons-nous d'atteindre le bord.

France adorée !

Douce contrée !

Puissent tes fils te revoir ainsi tous!

Enfin j'arrive,

Et sur la rive

Je rends au ciel, je rends grâce à genoux. Je t'embrasse, ô terre chérie !

Dieu! qu'un exilé doit souffrir i
Moi, désormais je puis mourir.
Salut à ma patrie!

Béranger.

Point de plaisir complet si l'on est au moins deux.

Lavalette.

Il n'est rien sous le ciel qui n'ait sa loi secrète,
Son lieu cher et choisi, son abri, sa retraite,
Où mille instincts profonds nous fixent nuit et jour:
Le pêcheur a la barque où l'espoir l'accompagne,

Les cygnes ont le lac, les aigles la montagne,

Les âmes ont l'amour.

V. Hugo.

Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre:
L'un d'eux, s'ennuyant au logis,
Fut assez fou pour entreprendre

Un voyage en lointain pays.

L'autre lui dit: Qu'allez-vous faire ?
Voulez-vous quitter votre frère?

L'absence est le plus grand des maux:

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Non pas pour vous, cruel! Au moins que les

Les dangers, les soins du voyage,

Changent un peu votre courage.

travaux,

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Encor, si la saison s'avançait davantage! Attendez les zéphyrs: qui vous presse ? un corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau. Je ne songerai plus que rencontre funeste,

Que faucons, que réseaux. Hélas! dirai-je, il

pleut: 15

Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut, Bon souper, bon gîte, et le reste ? Ce discours ébranla le cœur De notre imprudent voyageur. Mais le désir de voir et l'humeur inquiète L'emportèrent enfin. Il dit: Ne pleurez point; Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite : Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère ;

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Je le désennuierai. Quiconque ne voit guère 25 N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint

Vous sera d'un plaisir extrême.

Je dirai: J'étais là; telle chose m'avint:

À

Vous y croirez être vous-même.

ces mots, en pleurant, ils se dirent adieu. 30 Le voyageur s'éloigne : et voilà qu'un nuage L'oblige de chercher retraite en quelque lieu. Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage Maltraita le pigeon en dépit du feuillage. L'air devenu serein, il part tout morfondu, 35 Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de

pluie ;

Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,
Voit un pigeon auprès: cela lui donne envie ;
Il y vole, il est pris: ce blé couvrait d'un lacs
Les menteurs et traîtres appâts.

Le lacs était usé; si bien que, de son aile,

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