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Diable (sur ce terme, voir les Entretiens, p. 92).

19. Franche lipée. Ce dernier mot doit avoir deux p. La franche lippée est un bon repas qui ne coûte aucun argent. En effet une lippée est comme une bouchée; c'est ce qu'on prend avec la lippe. La lippe se dit de la lèvre inférieure, quand elle est grosse, ou trop avancée. Le dogue a de bonnes lippées, franchement, sans rien payer. lèvre.

Lippe vient de l'allemand LIPPE,

20. One fights for every bit he swallows.

24. Portants bátons. Ces gens sont dangereux, et les mendiants sont importuns: le chien chasse les uns et les autres. Portants. On écrirait aujourd'hui portant.

27. Force. Une grande quantité: c'est une des significations de force. "J'ai dévoré force moutons," dit le lion (xxvi, 26). Reliefs. Du bas latin RELEVIUM, lequel se rattache à RELEVARE, relever. C'est ce qu'on relève de la table, les restes. 29. Mainte (voir les Entretiens, p. 202).

30. Se forge une félicité. Il se crée dans son imagination une félicité qui le fait pleurer de plaisir.

34. Encor. Les poëtes ont la licence d'écrire ainsi ce mot.

V.

LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS, EN SOCIÉTÉ AVEC LE LION (I, 6).

Ne nous associons qu'avec nos égaux.

La Fontaine.

Tâchez de n'être point sot, de connaître la vie, de n'être point dupe d'autrui ni de vous-même : voilà l'abrégé des conseils de La Fontaine. Il montre les faibles opprimés sans espoir de secours ni de vengeance. Il reconnaît que Jupiter a "mis deux tables au monde ; que l'adroit, le fort, le vigilant sont assis à la première,

et que les petits mangent leurs restes à la seconde." Bien pis, le plus souvent les petits servent de festin aux autres. Au reste peu importe "qui vous mange, homme ou loup; toute panse lui paraît une à cet égard." Il est résigné, sait ce que vaut le roi lion, quelles sont les vertus des courtisans "mangeurs de gens," mais croit que les choses iront toujours de même, et qu'il faut s'y accommoder.

H. Taine.

Un ourson, grand joueur comme tous les enfants,
S'était pris d'amitié pour gentille belette.
Jouer ensemble était pour les deux une fête

De tous les jours et de tous les instants.
Elle mordait l'ourson à la jambe, à la tête;
Il semblait désarmé de griffes et de dents,
Il grandit sans changer d'humeur et de manie.
On voit chez les humains peu de ces bêtes-là.
Mais il devint plus lourd ; et sur sa pauvre amie,
Un jour, sans le vouloir, dans sa grosse folie,
Si lourdement il retomba,

Que sous sa large patte elle resta sans vie.
Jouer avec les grands aux petits fait envie ;

Mais le jeu n'est pas sûr, croyez-en mes conseils ;

Ne jouez qu'avec vos pareils.

M. Viennet.

La génisse, la chèvre et leur sœur la brebis,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,

Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la chèvre un cerf se trouva pris. 5

Vers ses associés aussitôt elle envoie.

Eux venus, le lion par ses ongles compta,
Et dit: Nous sommes quatre à partager la

proie.

Puis en autant de parts le cerf il dépeça ;
Prit pour lui la première en qualité de sire.
Elle doit être à moi, dit-il; et la raison,
C'est que je m'appelle lion:
À cela l'on n'a rien à dire.

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La seconde, par droit, me doit échoir encor:
Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus
fort. 15
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
Si quelqu'une de vous touche à la quatrième,
Je l'étranglerai tout d'abord.

1. Leur sœur. Ce sont trois personnes du même caractère paisible, sœurs sous ce rapport. Le lion est d'une autre famille ! 3. Le temps jadis. Un très-vieux temps. On dit aussi le temps de jadis. Ce temps n'a pas de date précise. Jadis a cette signification d'un passé indéterminé et indéterminable. N'est-ce pas l'anglais OF YORE? M. Littré dit que jadis est du style poétique et autrefois de la conversation. C'est faux. On dit jadis et autrefois en poésie et en conversation. Jadis est plus loin de nous que autrefois, et surtout il est dans un passé vague. Mot précieux pour les fables qui traitent de ce temps de jadis, où les animaux parlaient et où les brebis chassaient avec les lions.

5. Lacs. Le lacs (du latin LAQUEUS) est un nœud coulant qui sert à prendre le gibier. Ce n'est qu'une simple corde avec un nœud qui coule sur la corde; mais le filet et le rets, faits de brins de fil, sont à jour et à mailles; ils servent à prendre les poissons et le petit gibier. On ne prend pas les cerfs avec

des filets ou des rets.

Dépeça. Coupa en morceaux, ou mit en morceaux, en pièces. 13. On ne fait aucune objection.

To such a decision there's nought to be said.

16. Vaillant, courageux, brave, intrépide sont synonymes. Mais il y a toutes sortes de courages, contre l'infortune, les souffrances, l'injustice, etc. Bravoure et vaillance se disent seulement du courage guerrier. Le vaillant aime la gloire, fait des actions d'éclat, il brille sur le champ de bataille, c'est un héros. Le brave a son courage dans son sang, dans son tempérament; il est naturellement impétueux, et va droit à l'ennemi d'un pas ferme et accéléré. Le pas accéléré est le pas des braves. L'intrépide no tremble pas, ne recule jamais, c'est le héros de la défensive, de la résistance.

La tête, l'imagination joue son rôle dans la vaillance. Il y a peut-être un peu de vanité dans le vaillant. Voltaire dit que Charles XII était plus vaillant qu'aucun autre prince. Est-il vrai de dire que les Français sont surtout vaillants, et que les Spartiates étaient plutôt braves? Le soldat russe est intrépide. Marie Stuart marcha au supplice avec un courage intrépide. On dit que Jeanne d'Arc versa des larmes devant le bûcher: il n'est pas impossible que la brave guerrière ait senti son cœur faillir sur l'horrible échafaud.

Je prétends la troisième. Il l'exige comme un droit, il la réclame : tel est le sens de prétendre avec un complément direct. Prétendre à signifie beaucoup moins, ce n'est qu'aspirer à la chose et travailler à l'obtenir. Il n'est pas impératif comme le premier. Napoléon, étant premier consul, prétendait à l'empire; mais le comte de Chambord prétend la couronne de France. Elle est à lui de droit divin, affirme-t-il.-Un créancier prétend la somme qui lui est due; on prétend à la main de celle qu'on aime; et les courtisans prétendent aux faveurs des rois.

17, 18. To touch but the fourth whoso maketh a sign,

I'll choke him to death, in the space of a breath.

VI.

LA BESACE (I, 7).

La fable aussi prend dans la poche de devant, où sont les défauts d'autrui, les exemples qu'elle veut mettre sous nos yeux; elle nous les fait regarder sans ré pugnance, et même avec un certain plaisir; puis, quand, grâce à ces exemples d'autrui, notre attention est éveillée, l'allégorie se dissipe comme un brouillard placé un instant devant nos yeux, et le moraliste, tournant brusquement les deux poches et mettant devant celle de derrière, s'écrie avec Horace : MUTATO NOMINE, DE TE FABULA NARRATUR. C'est toi, sauf le changement de nom, c'est toi que touche la fable; ou, plus hardiment encore, comme le prophète Nathan au roi David: TU ES ILLE VIR! C'est toi qui es cet homme ! Saint-Marc Girardin.

Pourquoi voyez-vous une paille dans l'œil de votre frère, vous qui ne voyez pas une poutre dans votre œil ?

Ou comment dites-vous à votre frère: Laissez-moi tirer une paille de votre œil, vous qui avez une poutre dans le vôtre ?

Hypocrite, ôtez premièrement la poutre de votre œil, et alors vous verrez comment vous pourrez tirer la paille de l'œil de votre frère.

St. Matthieu.

Un solitaire de Scété, ayant commis une faute, les anciens s'assemblèrent et envoyèrent prier l'abbé Moïse de vouloir venir. Ce qu'ayant refusé, ils l'en firent presser une seconde fois par un prêtre, qui lui dit

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