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À l'aide de cette machine,

De ce lieu-ci je sortirai,

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Après quoi je t'en tirerai.

Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.

Je n'aurais jamais, quant à moi,

Trouvé ce secret, je l'avoue.

Le renard sort du puits, laisse son compagnon, Et vous lui fait un beau sermon

Pour l'exhorter à patience.

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Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton, 25 Tu n'aurais pas à la légère

Descendu dans ce puits. Or, adieu; j'en suis hors: Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts;

Car, pour moi, j'ai certaine affaire

Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.

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En tout chose il faut considérer la fin.

1. Capitaine. Ce rusé n'a-t-il pas l'habitude de conduire les autres?

2. Des. Il est partitif: un des boucs qui sont le plus haut encornés, c'est-à-dire, qui ont les plus hautes cornes.

Encorné. Qui a des cornes. Cornu est son synonyme; celui ci est riche en cornes.

3. Ne pas voir plus loin que son nez. Expression employée pour signifier qu'un homme a peu de lumières et peu de prévoyance un homme qui est comme ce bouc.

4. Passé maître (voir xxvii, 14). 5. En et dans (voir ii, 2).

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Il faut distinguer élever de lever.

13 M'élevant. L'un est simple, l'autre est composé. Ce dernier renferme la particule e ou ex qui marque que la chose part d'un certain point qu'elle quitte pour être levée de là, pour monter. La chose élevée quitte le sol ou l'endroit où elle se trouvait. Ainsi un ballon s'élève. L'aigle plane un moment au-dessus de nos têtes, puis s'élève dans le ciel. Le soleil élève les nues. Mais je lève cette échelle qui était couchée. J'étais assis, je me lève. Vous comprenez que le bouc lève ses pieds (vers 10), et que le renard s'élève sur les cornes du bouc.

14. Machine. Quelle impertinence de nommer ainsi son compagnon ! Il en fait vraiment une machine, et il ose le lui dire. Il connaissait toute sa bêtise.

17. Il est bon. Il, c'est le conseil, c'est ce merveilleux moyen de sortir d'embarras.

17 à 20. Yes, by my beard, the other said,

'Tis just the thing. I like a head

Well stocked with sense, like thine.
Had it been left to mine,

I do confess,

I never should have thought of this.

22. Vous (voir xxvii, 12).

24. Par excellence, c'est-à-dire, au plus haut degré.
26. À la légère. Sans réfléchir comment tu en sortirais.
27. En. Du puits.

XXXIII.

LE LOUP ET LA CIGOGNE (III, 9).

Va-t'en, maudit brouillard dont la sombre épaisseur,
D'un voile humide et froid m'embrassant tout entière,
Du soleil fécondant me ravit la chaleur ;

Je transis sous son ombre, et tu me fais horreur.
Va-t'en, rends-moi le ciel et sa vive lumière.

Au nuage en ces mots la montagne parlait;
Et le nuage répondait :

Ingrate, tu te plains et m'oses faire injure,

Quand moi seul de tes bois j'entretiens la fraîcheur, Et cette riante verdure,

Qui charme et réjouit les yeux du voyageur.

Sans les eaux qu'en ton sein versent mes flancs humides,
Ce soleil dont mon ombre adoucit les rayons,
Eût brûlé dès longtemps tes bois et tes gazons;
Et tu n'offrirais plus que des rochers arides.

Faisons du bien quand nous pouvons;
Mais ne comptons jamais sur la reconnaissance.
L'ingrat, pour l'esquiver, trouve mille raisons.
Et trop heureux encor qu'il n'en tire vengeance.
M. Viennet.
Faire du bien à un ingrat et parfumer un mort, c'est
la même chose.

Plutarque.

Faites-vous miel, les mouches vous mangeront, dit Sancho Pança.

Cervantes.

Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette.

Il est bon d'être charitable:

La Fontaine.

Mais envers qui ? c'est là le point.

Idem.

C'est le propre d'un homme d'aimer ceux même qui

nous offensent.

Marc-Aurèle.

La meilleure manière de se venger, c'est de ne se pas rendre semblable aux méchants.

Idem.

Quand tu as fait du bien et qu'un autre a reçu ton bienfait, pourquoi, à l'exemple des fous, chercher une troisième chose encore, vouloir que ta bienfaisance paraisse aux yeux, ou qu'on ait pour toi de la reconnaissance?

Idem.

Ne te lasse point de te faire du bien à toi-même en en faisant aux autres.

Idem.

Les loups mangent gloutonnement.
Un loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement

Qu'il en pensa perdre la vie :

Un os lui demeura bien avant au gosier.

De bonheur pour ce loup, qui ne pouvait crier,

Près de là passe une cigogne.

Il lui fait signe; elle accourt.

Voilà l'opératrice aussitôt en besogne.

Elle retira l'os; puis, pour un si bon tour,

Elle demanda son salaire.

Votre salaire! dit le loup:

Vous riez, ma bonne commère !

Quoi! ce n'est pas encor beaucoup

D'avoir de mon gosier retiré votre cou!
Allez, vous êtes une ingrate :

Ne tombez jamais sous ma patte.

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1. Gloutonnement. À la manière des gloutons (voir ce mot xxvi, 25).

2. Frairie. Se rattache à frère en vieux français FRAIRE, du latin FRATREM. La frairie, FRATRIA, est une compagnie d'abord, puis une partie de plaisir où l'on mange et l'on boit.-Étant de frairie, c'est-à-dire, prenant part à une frairie.

4. On dit ordinairement: il pensa en perdre la vie.

6. De bonheur. On dit plus souvent par bonheur, c'est-à-dire, par bonne chance.

9. En besogne. À l'œuvre. Le mot besogne n'est qu'une forme féminine de besoin. C'est ce qu'on doit faire, un travail, un ouvrage. Ne confondez pas ces termes. Le travail suppose quelque chose de pénible. Car le premier sens de ce mot fut tourment, peine; et puis ouvrage. La racine du mot est TRABS, une poutre ou une barre (barre a donné de la même manière le substantif embarras et le verbe embarrasser. De sorte que étymologiquement embarras et travail, embarrasser et travailler seraient la même chose). De TRABS barre on a fait TRABARE arrêter par des barres, empêcher, puis le diminutif TRABACULARE qui nous a donné travailler. De là notre substantif travail, qui signifie proprement ces barres qui enferment le cheval vicieux pendant qu'on le ferre (en anglais TRAVE). Au figuré, c'est une contrariété, une peine. Le travail comprend donc toujours plus ou moins de peine et demande des efforts.-L'ouvrage, qui se rattache à OPERARI fabriquer, est ce que produit un ouvrier C'est le produit du travail. On dit: cet ouvrage a coûté beau coup de travail. Travail est subjectif, ouvrage est objectif, puisque c'est un produit. Il est vrai qu'on emploie aussi travail dans un sens objectif : ce livre est un beau travail, dit-on, aussi bien que ce livre est un bel ouvrage. Mais dans le premier cas on pense à la peine que le livre a coûté, au mérite de l'auteur, en un mot à l'auteur, et dans le second cas on considère la production en elle-même. La besogne est simplement ce que nous devons fail e telle, telle, et telle chose dont nous avons à nous occuper. 10. Tour. Signifie ici une action qui exige de l'habileté. 13. Commère (voir xxiv, 6).

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