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nous poursuit, qu'une simple chance qui nous est contraire Aussi l'INFORTUNE est plus longue ou plus considérable que le malheur. Bossuet raconte les malheurs de Henriette de France, mais quand il envisage, dit-il, les infortunes inouies d'une sì grande reine, il ne trouve plus de paroles.-L'adversité est aussi la chance, la fortune, le sort qui est contre nous. Mais ce mot présente surtout l'idée d'un adversaire, et conséquemment d'une lutte. Nous luttons contre l'adversité, tandis que nous sommes plongés dans l'infortune. Et la disgrace? Vous étiez un favori de la Fortune: vous ne l'êtes plus. Tous ces mots sont bien païens dans leur origine.

19. Traits. Un trait: toute arme qui est lancée avec la main ou avec un instrument. La flèche est un trait qu'on tire avec un arc ou une arbalète. C'est avec la main qu'on lance les dards et les javelots.-Que sont les traits du céleste courroux? Au 1er chant de l'Iliade, Apollon lance ses flèches sur les Grecs: ce sont les rayons brûlants du soleil, lesquels engendrent la peste dans l'armée. Voilà les traits de ce dieu irrité. Le trait que lançait Jupiter était la foudre.

Courroux. Employé surtout en poésie. Un synonyme de colère, mais c'est particulièrement la colère d'un être divin ou puissant. "Vous sentirez ce que peut le courroux d'une déesse,” dit Calypso à Mentor. Dans la 1ère scène de l'Athalie de Racine, Abner dit à Joad en parlant de la reine :

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Croyez-moi, plus j'y pense, et moins je puis douter

Que sur vous son courroux ne soit prêt d'éclater."

La noblesse qu'on attribue au lion, et sa force, permettent de dire le courroux du lion.

22. Dévouements. On fait des dévouements, c'est-à-dire, on immole en sacrifice aux dieux une victime.

25 Gloutons Ces appétits sont excessifs; car un glouton mange avec excès. Ce mot vient de GLUTONEM qui a pour racine GLUTUS, gosier. Le glouton a donc beaucoup de gosier. Le goulu mange avec avidité, il a beaucoup de GOULE, vieux mot qui signifie gueule. Il mange à goulée. Ce mot signifie grande bouchée. Vous voyez qu'il est avide.-Et le gourmand? I

aime à manger, il est amateur de bonne chère. Il lui faut la quantité, mais aussi la qualité. Il fait cas des plats comme le gourmet des vins. Celui-ci se connaît en vins et n'aime que les bons. Le friand est de la famille du gourmand, mais il n'estime que la qualité ; il lui faut du très-délicat, du léger, de l'exquis. Devant nos mets de tous les jours, il fait la moue. Peu lui suffit du reste. Quel contraste avec notre glouton dont le gosier est comme un abîme qui engloutit tout, n'importe quelle chair. 26. Force moutons. C'est une grande quantité (iv, 27). 27. Nulle offense (voir la note sous le vers 10).

33. Périsse. Pourquoi ce subjonctif? (Entretiens, verbes de sentiment, p. 261).

36 Canaille. C'est la populace: des moutons pour le roi et le renard son courtisan ne sont qu'une vile populace. Canaille est l'italien CANAGLIA introduit dans le français au XVI siècle ; notre vieille langue disait CHIENAILLE. Le terme est méprisant puisqu'il a pour étymologie CANIS chien. 37. Péché (voir la note sous le vers 3). 42. Chimérique. Ce qui est chimérique est une chimère, c'esti-dire, n'a pas de fondement.

43. D'applaudir. Commencèrent, ou se hâtèrent, est sous-entendu les flatteurs commencèrent d'applaudir.

47. Matin. Gros chien qui garde la cour et la maison; en anglais MASTIFF. Le vieux français disait MASTIN, l'italien dit MASTINO. C'est dérivé du bas latin MANSATINUS qui vient de MANSUM maison. MANSUM est tiré de MANERE rester. Donc le MANSATINUS, le MASTINO, le MASTIFF ou le mâtin reste à la maison; il la garde.

51, 52, 53. Keen hunger, leisure, tender grass,

And add to these the devil too,

All tempted me the deed to do.

I browsed the bigness of my tongue.

54. Nul droit (voir sous le vers 10).

Parler net. C'est parler clairement, sans faire de détour. Net eet pris adverbialement dans cette expression.

55. Haro. Crier haro sur quelqu'un, c'est protester, élever la voix contre ce qu'il fait ou dit. L'origine de ce mot n'est pas

certaine. On a cru longtemps qu'il venait de Ha Raoul, une sorte d'appel à la justice de Raoul ou Rollon, premier duc de Normandie, prince qui faisait rigoureusement observer les lois. Cette origine de haro est aujourd'hui contestée. Diez en a une autre qui n'est pas plus certaine : haro vient du saxon HEROD, dit-il, mot qui signifie ici. Haro! viens ici. viens à mon secours contre ce criminel.

Baudet. Vient de BAUD qui fut d'abord BALD, mot de l'ancien français qui signifiait gai, content, hardi. Ce mot BAUD est resté dans le verbe s'ébaudir, se réjouir. L'anglais a un terme semblable, BOLD. BOLD et BAUD ont pour étymologie l'ancien haut allemand BALD. On a donné à l'âne le nom de baudet parce qu'il a l'air BAUD, c'est-à-dire, gai et hardi.

56. Clerc. Opposé à laïque. Le clerc appartient au clergé. Tel est le sens premier du mot. Il signifie ensuite, comme ici, un homme lettré, un savant. Au moyen âge la science appartenait presque exclusivement aux clercs, aux membres du clergé.

58. Pelé. Qui n'a plus de poils. "Il vit le cou du chien pelé” (iv, 32). Un pelé, est-ce celui qui n'a plus de cheveux, ou bien celui qui porte des habits pelés? Ici évidemment pelé signifie que l'âne avait perdu ses poils. Il était galeux du reste.

Galeux. Qui a la gale, maladie de la peau extrêmement contagieuse. On dit d'un homme méchant, de celui qui a une trèsmauvaise langue: c'est une véritable gale. Et l'on appelle brebis galeuse une personne dont la fréquentation est dangereuse: évitez-la comme la gale.

D'où. Pour duquel. Cet emploi de d'où est-il permis? (Entretiens, p. 170).

59. Peccadille. Petite faute, de l'italien PECCADIGLIO, lequel est un diminutif tiré du latin PECCATUM péché. La peccadille est donc un petit péché.

64. Les jugements de cour. "Non-seulement les jugements de cour, mais les jugements de ville, et, je crois, ceux de vil. lage."-Chamfort.

Voir cette fable étudiée dans les Causeries avec mes élèves et dans les Petites causeries,

XXVII.

LE FERMIER, LE CHIEN ET LE RENARD (XI, 8).

La Fontaine est un Gaulois qui parle à des Gaulois. Avec Rabelais, Voltaire et Molière, il est notre miroir le plus fidèle. Platon, à ce qu'on rapporte, ayant appris que le grand roi voulait connaître les Athéniens, fut d'avis qu'on lui envoyât les comédies d'Aristophane; si le grand roi voulait nous connaître, ce sont les livres de La Fontaine qu'il faudrait lui porter.

H. Taine. PROVERBE: L'oeil du maître engraisse le cheval.

MÉNALCAS.

Dis-moi, Damotas: à qui est ce troupeau ?
Est-ce à Mélibée ?

DAMETAS.

Non; mais à Ægon, qui depuis peu me l'a confié.

MÉNALCAS.

Pauvres brebis, troupeau toujours malheureux ! tandis que le maître courtise Néæra, et craint qu'elle ne me préfère à lui, un mercenaire trait les brebis deux fois par heure, dérobant ainsi et le lait aux agneaux et la force à leurs mères.

Virgile.

Le loup et le renard sont d'étranges voisins:
Je ne bâtirai point autour de leur demeure.
Ce dernier guettait à toute heure

5

Les poules d'un fermer; et, quoique des plus fins,
Il n'avait pu donner d'atteinte à la volaille.
D'une part l'appétit, de l'autre le danger,
N'étaient pas au compère un embarras léger.
Hé quoi! dit-il, cette canaille
Se moque impunément de moi !
Je vais, je viens, je me travaille,
J'imagine cent tours: le rustre, en paix chez soi,
Vous fait argent de tout, convertit en monnaie
Ses chapons, sa poulaille; il en a même au croc ;
Et moi, maître passé, quand j'attrape un vieux coq,
Je suis au comble de la joie !

Pourquoi sire Jupin m'a-t-il donc appelé
Au métier de renard? Je jure les puissances
De l'Olympe et du Styx, il en sera parlé.
Roulant en son cœur ces vengeances,

10

15

20

Il choisit une nuit libérale en pavots:
Chacun était plongé dans un profond repos;
Le maître du logis, les valets, le chien même,
Poules, poulets, chapons, tout dormait. Le fermier,
Laissant ouvert son poulailler,

Commit une sottise extrême.

25

Le voleur tourne tant qu'il entre au lieu guetté, Le dépeuple, remplit de meurtres la cité.

Les marques de sa cruauté

Parurent avec l'aube: on vit un étalage

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