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sens commun, qui étoit rempli d'extravagances, et une vraie satire. (II, 441.)

:

Je demande la pitié, la libéralité, la magnificence, sont-ce les vertus d'un homme injuste? ou plutôt si la bizarrerie et la vanité ne sont pas les causes de l'injustice. (II, 112.)

Tout genre d'écrire reçoit-il le sublime, ou s'il n'y a que les grands sujets qui en soient capables? (I, 144.)

Voyez au Lexique, Si interrogatif, p. 337.

Qui sait parler aux rois, c'est peut-être où se termine toute la prudence et toute la souplesse du courtisan. (I, 329.)

La 5 édition, la première où ce passage ait paru, met un point d'interrogation après les mots : « Qui sait parler aux rois ». Dans les suivantes, avec la virgule, le tour: qui sait parler, semble être l'équivalent de savoir parler.

Déclarerai-je donc ce que je pense de ce qu'on appelle dans le monde un beau salut, la décoration souvent profane..., quelqu'un monté sur une tribune qui y parle familièrement? (II, 171.)

Un homme chagrin.... se plaint.... de celui qui a écrit ou parlé pour lui, de ce qu'il n'a pas touché les meilleurs moyens de sa cause. (1, 68.) L'on saura que le peuple ne paroissoit dans la ville que pour y passer avec précipitation : nul entretien, nulle familiarité; que tout y étoit farouche. (I, 23 et 24.)

Il ne manque.... à l'oisiveté du sage qu'un meilleur nom, et que méditer, parler, lire et être tranquille s'appelât travailler. (I, 154 et 155.) Le changement de tour est elliptique : « et ceci, à savoir que méditer.... s'appelât, etc. >>

Je ne m'étonne pas que des hommes qui s'appuient sur un atome chancellent dans les moindres efforts qu'ils font pour sonder la vérité, si avec des vues si courtes ils ne percent point, à travers le ciel et les astres, jusques à Dieu même; si ne s'apercevant point ou de l'excellence de ce qui est esprit, ou de la dignité de l'âme, ils ressentent encore moins combien elle est difficile à assouvir. (II, 238.)

Il n'y a point de vice qui n'ait une fausse ressemblance avec quelque vertu, et qu'il ne s'en aide. (I, 213; voyez ibidem, note 1.)

La jalousie et l'émulation s'exercent sur le même objet..., avec cette différence que.... celle-là.... est un mouvement violent... ; qu'elle va même jusques à nier la vertu dans les sujets où elle existe, ou qui forcée de la reconnoître, lui refuse les éloges, etc. (II, 40.)

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Dans cette phrase, déjà citée à l'article Qui, il y a sans doute une négligence qu'on s'étonne de voir maintenue dans toutes les éditions. Le sens paraît demander « Ou que forcée de la reconnoître, elle lui refuse, etc. »

J'ai dû marquer les caractères des uns et des autres (des vertueux et des vicieux), et ne me pas contenter de peindre les Grecs en général, mais même de toucher ce qui est personnel, et ce que plusieurs d'entr'eux paroissent avoir de plus familier. (I, 34.)

Le de placé devant toucher et qui fait dépendre cet infinitif du verbe contenter, est, quoique conservé dans toutes les éditions, une inadvertance, et nous l'avons marqué, aux Additions et Corrections, comme devant être effacé.

8° Périodes (voyez ci-dessus la Préface, p. xxvi et xxvii).

Les longues périodes n'abondent pas chez la Bruyère. Cependant il ne se les interdit pas. On en trouvera deux exemples assez frappants, de 14 lignes chacun, dès le début du Discours sur Théophraste, l'un à la page 9 du tome I: << Car sans m'étendre.... difficiles à contenter »; l'autre à la page 10: « Les femmes au contraire.... de leur portée ». Dans la Préface du Discours à l'Académie, deux phrases, l'une de plus de 12 lignes, l'autre de 18, remplissent toute la page 448 du tome II; une de même

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longueur que la première commence la page 446. Il s'en rencontre un petit nombre où les membres enchaînés ne se dégagent pas, avec une parfaite netteté, les uns des autres voyez, par exemple, à la page 106 du tome I, la période de 9 lignes: Quand donc il s'est glissé....... : voilà la règle ». Voyez encore, tome II, p. 40, second alinéa.

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On n'évitait pas autrefois les répétitions de mots avec cette sorte de purisme dont beaucoup d'écrivains se piquent aujourd'hui. Cependant il n'y a pas, croyons-nous, excès de sévérité à regarder comme des négligences la plupart des exemples qui suivent du retour d'un même mot, soit dans un seul et même sens, soit dans des sens divers : Ils veulent qu'on leur explique.... quelle différence se trouve entre la valeur, la force et la magnanimité; les vices extrêmes par le défaut ou par l'excès entre lesquels chaque vertu se trouve placée. (I, 11.)

Certains poëtes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments. Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît. (I, 115.)

Bien des gens vont jusques à sentir le mérite d'un manuscrit qu'on leur lit, qui ne peuvent se déclarer en sa faveur, jusques à ce qu'ils aient vu le cours qu'il aura dans le monde par l'impression. (I, 119.)

Un homme de mérite se donne.... un joli spectacle, lorsque la même place à une assemblée, ou à un spectacle, dont il est refusé, il la voit accorder à un homme qui n'a point d'yeux pour voir. (1, 321.)

Un homme d'esprit n'est point jaloux d'un ouvrier..., ou d'un statuaire qui vient d'achever une belle figure. Il sait qu'il y a dans ces arts.... des outils à manier dont il ne connoît ni l'usage, ni le nom, ni la figure. (II, 41.) N'imaginant pas dans tous les hommes une autre fin de toutes leurs actions que celle qu'il s'est proposée lui-même toute sa vie. (II, 108.)

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Garder sa place soi-même pour le salut, savoir les êtres de la chapelle, connoître le flanc, savoir où l'on est vu et où l'on n'est pas vu. (II, 151.) Le prédicateur.... doit.... tirer son discours d'une source commune, où tout le monde puise ; et s'il s'écarte de ces lieux communs, il n'est plus populaire, il est abstrait ou déclamateur, il ne prêche plus l'Évangile. Il n'a besoin que d'une noble simplicité, mais il faut l'atteindre, talent rare, et qui passe les forces du commun des hommes. (II, 231 et 232.)

J'ai rebattu les généalogies que je lui ai déjà enseignées, et vais entrer dans celles des maisons de Saxe, Lorraine, Hostein, Savoie, et peu d'autres qui sont entrées dans votre branche de Bourbon. (II, 478.)

Un prédicateur devroit faire choix.... d'une vérité unique..., la manier à fond et l'épuiser; abandonner toutes ces divisions si recherchées, si retournées, si remaniées et si différenciées. (II, 235.)

Théognis est recherché dans son ajustement, et il sort paré comme une femme; il n'est pas hors de sa maison, qu'il a déjà ajusté ses yeux et son visage. (I, 356.)

Les exemples suivants offrent des répétitions, pour la plupart inutiles, d'une même idée en différents termes :

Que.... les uns soient riches et les autres pauvres et indigents. (II, 276.) Les motifs et les raisons des électeurs.... pour l'exclure (François I) et lui préférer Charles-Quint. (II, 499.)

Ils en sont émus et touchés au point de, etc. (II, 226.)

Les vieillards sont galants, polis et civils. (1, 327.)

La plus brillante fortune ne mérite point.... ni les petitesses où je me surprends, ni les humiliations, ni les hontes que j'essuie.” (I, 326.)

Le jus et les sauces lui dégouttent du menton. (II, 55.)

Dans les trois phrases qui suivent, la Bruyère joue sur les mots et prend un même terme dans des sens divers :

Par cette élévation de Saturne, élevez vous-même.... votre imagination à concevoir quelle doit être l'immensité du chemin qu'il parcourt. (II,262.) La cour est comme un édifice bâti de marbre: je veux dire qu'elle est composée d'hommes fort durs, mais fort polis. (I, 299.)

L'on expose sur une carte ou à la fortune du dé la sienne propre. (I, 270.)

Emploi de nom abstrait:

Une physionomie.... confuse, embarrassée dans une épaisseur de cheveux étrangers. (I, 328.)

ORTHOGRAPHE.

Nous avons peu de chose à dire de l'orthographe de la Bruyère telle que nous la montre le petit nombre de lettres autographes que nous avons de lui, qui se trouvent presque toutes, nous l'avons dit, dans les archives de la maison de Condé, auxquelles Mgr le duc d'Aumale nous a donné si obligeamment accès 1. Ces lettres ont été écrites en 1685 et 1686, c'est-à-dire peu de temps avant la publication des Dictionnaires de Furetière (1690) et de l'Académie (1694), qui devinrent guides et autorités en cette matière, et avant l'entrée de la Bruyère dans l'illustre compagnie. L'orthographe n'y a rien qui soit personnellement propre à notre auteur; et elle n'est pas non plus rigoureusement uniforme. Dans la plupart des cas, il se règle, en se permettant quelques libertés et inconséquences, sur l'usage le plus général de son temps.

Ainsi 1o il emploie le plus souvent l'y au lieu de notre i, soit formant à lui seul un son final, comme dans ny, cy, icy, soit terminant une diphthongue, également finale, comme dans j'ay, je trouvay, je seray, je feray, je continueray, etc.; moy, quoy, roy; luy, celuy, aujourd'huy. Mais nous trouvons aussi, une seule fois, j'ai, lui, j'essaierai, Chantilli (contre neuf fois Chantilly); Conti (exemple unique du mot); deux fois Savoie (contre trois fois Savoye); une fois stile. Dans les noms des jours de la semaine, nous avons à peu près autant d'exemples de l'i que de l'y, excepté pour lundi, qui est écrit constamment (neuf fois) par i. Nous rencontrons deux fois hier, deux fois aussi hyer (ce sont nos seuls exemples de la voyelle au milieu d'un mot, suivie d'un e ouvert); devant un e muet, pluye (six fois).

Là où l'y, dans notre orthographe, qui est aussi celle de Furetière et de l'Académie, fait double son, entre deux voyelles, il le remplace par i, comme Richelet (1679 et 1680): moien, voiéz, voiage, emploier, envoia.

2o Il termine par es la seconde personne du pluriel des verbes : seres, avies, aures, feres, voules; il écrit de même ches pour chez; asses, ou avec un accent assés, pour assez. Il termine au contraire par ez le pluriel du participe passé féminin : consacreez, enseigneez, oublieez; nous n'avons qu'un exemple du participe pluriel masculin, et avec la désinence és. · Dans sa lettre à Pontchartrain qui est à la Bibliothèque nationale écrit différemment la désinence de la seconde personne : ignoriéz, voiéz, epouseréz, devéz, pouvéz; une fois voulez, sans accent. Dans cette même lettre nous avons le pluriel du participe masculin: eschaufféz. Nous y rencontrons également deux fois z, pour s, à la fin des noms interetz et endroitz.

Au milieu des mots, nous trouvons, contrairement à l'usage, aussi bien de Richelet que de l'Académie et de Furetière, l's dans gasettes et onsieme (ailleurs onze); le z dans blazon, carrouzel, assizes.

3o Des diverses consonnes étymologiques non prononcées, l's est la seule que nous

I. Nous regrettons de n'avoir pas sous les yeux, en écrivant ceci, les manuscrits mêmes. Ils sont, en ce moment, enfermés dans des caisses et inaccessibles. Nous nous en rapportons à des copies faites autrefois pour nous, que nous avons tout lieu de croire exactes.

rencontrions d'ordinaire : prest, estude, conqueste, chrestien, fenestre, interest, nostre, tost, aoust, viste, relaschement, gasteau, eschaufféz, eslevé, etc. D'autres consonnes étymologiques nous ne trouvons d'exemples que je scai, il scait, il scaura, scavoir (cédille omise); joincte et parfaictement. Joignez-y le c inséré à tort et par mégarde dans scitué. Pour les additions de voyelles, nous n'avons remarqué que l'e devant u, dans veü, leümes (de lire), seürement, asseürer (ailleurs assurer).

4° Les doublements de consonnes sont fréquents. Il écrit, avec l'Académie (1694) : appercevoir, fidellement, traitte, eclatta, exclurre; et, avec Furetière (1690): conduitte; mais aussi, sans avoir pour lui ni l'une ni l'autre autorité : suitte, ensuitte, ecritte. D'une consonne pour deux, nous n'avons remarqué d'autres exemples que inaplication, goutiere; c'est l'orthographe de Richelet.

5o Au pluriel des noms en ant et en ent, nous trouvons constamment les finales ans, ens. Ainsi : tenans, suivans, evenemens, etc. L'Académie (1694) conserve le t; c'est aussi l'usage le plus ordinaire de Furetière (1690), chez qui pourtant on trouve aussi l'autre forme voyez, par exemple, à l'article ENFANT. Richelet (1679 et 1680) écrit comme notre auteur: ans, ens.

6o Notons encore quelques faits particuliers, comme les formes, très-usitées alors, mecredy; la dance, on dance, reponce; avantures, vangeoit; parreins, marreines; autheur; en outre connessence, avec e pour oi et pour a; la double orthographe compte et comte, je rend et je repons; encor, sans e; de même cuir, pour cuire; l'inadvertance trois quart d'heure, sans s.

7o La Bruyère se donne grande liberté pour les noms propres. Il écrit Alleman, Angleterre et Angletterre, Autriche et Authriche, Holstein et Hostein; Turcq, Tekehli, Danemarch, Rhein (à l'allemande), Chambor. Il francise Nortlingue (Nordlingen), Villefrance (Villafranca). Il écrit Milanes, pour Milanais; « Sa Majesté Maroquine, pour « Marocaine ».

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8° Son accentuation est presque nulle. Comme la plupart de ses contemporains, il ne fait usage ni de l'accent grave, ni presque jamais du circonflexe, et ne marque guère de l'aigu que la finale é, quelquefois ée, és: gré, moitié, apresdinée, assés ; les participes passés masculins (nous rencontrons une fois la désinence és, une fois la désinence éz), point les féminins, qu'il termine, nous l'avons vu, par eez. Il écrit etablissement, epineux, serenissime, amere, derniere, trouverent, etre, naitre, gout, fut (à l'imparfait du subjonctif), etc. En revanche, nous trouvons marqués du circonflexe fou, il a plú, j'ai crú. Le tréma lui sert, selon l'usage du temps, à distinguer l'u voyelle de l'u consonne (v): eü, veü, veüe (vu, vue), diminüe, interrompües, avouer, foüasse. · Il se passe, nous l'avons dit, de la cédille : scavoir, Francois, menaca, en deca, etc. Le plus souvent pas d'apostrophe: cest, jay, quil, lon,' letat, etc.; mais une fois aussi qu'il, l'on; nous en trouvons une également à j'ƒ, s'il, l'avouer, etc., et à un mot qui dès lors n'en prenait plus : d'avantage. Pas de majuscule, pour ainsi dire, ni au commencement des phrases, ni aux noms propres ; une çà et là aux noms communs, même à un verbe, par exemple : « se Brouilleroit-il avec le roy de maroc (sic)?:

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Nous ne nous arrêterons pas longtemps à l'orthographe des éditions publiées du vivant de la Bruyère. Nous ne savons pas quelle est, dans cette orthographe, la part de l'auteur, ni jusqu'à quel point l'on s'est conformé à celle du manuscrit, soit autographe, soit simple copie, qu'il avait donné à l'imprimeur. Ce qui nous porterait à croire que, dans ces impressions, qui du reste sont loin d'être entièrement uniformes, le typographe est, quant à la manière d'écrire les mots, pour plus que l'auteur, c'est la comparaison des éditions avec les lettres qui nous restent de lui. Entre celles-ci et celles-là il y a bien des différences.

Les éditions se rapprochent beaucoup de la méthode de Richelet: ainsi pour l'a au lieu d'e dans des mots comme avanture, pancher, restraindre, etc.; pour le contraire, l'e au lieu d'a, dans quarente; pour la substitution d'une consonne simple à une consonne double, là où nous n'en prononçons qu'une, par exemple, dans sotise, molesse, tranquilité, sale (pour salle), etc., même dans paralaxe, où M. Littré marque que

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