SGANARELLE. Ma foi, je ne l'ai pas trouvée. VALERE bas à Lucas. Il aime à rire. [à Sganarelle.] Allons, monsieur. SGANARELLE. Sans une robe de médecin? VALERE. Nous en prendrons une. SGANARELLE prefentant fa bouteille à Valere. Tenez cela, vous. Voilà où je mets mes juleps. [Puis fe tournant vers Lucas en crachant.] Vous, marchez là-deffus, par ordonnance du médecin. Palfanguenne, vlà un médecin qui me plaît; je penfe qu'il réuffira, car il eft bouffon. Ui, monsieur, je crois que vous ferez fatisfait; & nous vous avons amené le plus grand médecin du monde. LUCAS. Oh, morguenne, il faut tirer l'échelle après ceti-là; & tous les autres ne font pas daignes de li déchauf fer fes fouliers. VALERE. C'est un homme qui a fait des cures merveilleuses. LUCAS. Qui a gari des gens qui étiant morts. VALERE. Il est un peu capricieux, comme je vous ai dit; &, par fois, il a des momens où son esprit s'échape, & ne paroît pas ce qu'il eft. LUCAS. Oui, il aime à bouffonner; & l'an diroit par fois, ne v’sen déplaise, qu'il a quelque petit coup de hache à la tête. VALERE. Mais, dans le fond, il eft tout fcience; &, bien fouvent, il dit des chofes tout-à-fait relevées. LUCAS. Quand il s'y boute, il parle tout fin drait comme s'il lifoit dans un livre. VALERE. Sa réputation s'eft déjà répanduë ici; & tout le monde vient à lui. GERONTE. VALERE. Je meurs d'envie de le voir; faites-le-moi vîte venir. Je le vais querir. P SCENE II. GERONTE, JACQUELINE, LUCAS. JACQUELINE. Ar ma fi monfieu, ceti-ci fera justement ce qu'ant fait les autres. Je pense que ce fera queuffi queumi; & la meilleure médeçaine que l'an pourroit bailler à votre fille, ce feroit, felon moi, un biau & bon mari, pour qui elle eût de l'amiquié, GERONTE. Ouais, nourrice ma mie! Vous vous mêlez de bien des chofes. LUCAS. Taifez-vous, notre minagere Jacquelaine; ce n'eft pas à vous à bouter là votre néz. JACQUELINE. Je vous dis & vous douze, que tous ces médecins n'y feront rian que de liau claire; que votre fille a befoin d'autre chofe que de ribarbe & de féné, & qu'un mari est un emplâtre qui garit tous les maux des filles, GERONTE. Est-elle en état maintenant qu'on s'en voulût charger avec l'infirmité qu'elle a? Et, lorfque j'ai été dans le deffein de la marier, ne s'est-elle pas oppofée à mes volontés? JACQUELINE. Je le crois bian, vous li vouliez bailler un homme qu'alle n'aime point. Que ne preniais-vous ce monfieu Liandre qui li touchoit au cœur? Alle auroit été fort obéïssante; & je m'en va gager qu'il la prendroit li, comme alle eft, fi vous la li vouliais donner. GERONTE. Ce Léandre n'eft pas ce qu'il lui faut; il n'a pas du bien comme l'autre. JACQUELINE. Il a eun oncle qui est si riche, dont il est hériquié. GERONTE. Tous ces biens à venir me femblent autant de chanfons. Il n'eft n'eft rien tel que ce qu'on tient; & l'on court grand rifque de s'abufer, lorfque l'on compte fur le bien qu'un autre vous garde. La mort n'a pas toujours les oreilles ouvertes aux vœux & aux priéres de meffieurs les héritiers; & l'on a le tems d'avoir les dents longues, lorfqu'on attend pour vivre, le trépas de quelqu'un. JACQUELINE. Enfin, j'ai toujours oui dire qu'en mariage, comme ailleurs, contentement passe richesse. Les peres & les meres ont cette maudite coutume, de demander toujours qu'a-t'il & qu'at'elle? Etle compere Piarre a marié fa fille Simonette au gros Thomas pour un quarquié de vaigne qu'il avoit davantage que le jeune Robin où alle avoit bouté son amiquié, & vla que la pauvre criature en est devenuë jaune comme eun coin, & n'a point profité tout depuis ce tems-là. C'eft un bel exemple pour vous, monfieu; on n'a que fon plaifir en ce monde, & j'aimerois mieux bailler à ma fille eun bon mari qui li fût agriable, que toutes les rentes de la Biausse. GERONTE. Peste! Madame la nourrice, comme vous dégoisez! Taifez-vous, je vous prie, vous prenez trop de foin, & vous échauffez votre lait. LUCAS frappant, à chaque phrafe qu'il dit, fur l'épaule de Géronte. Morgué,tai-toi,t'es eune impartinante.Monfieu n'a que faire de tes discours, & il fçait ce qu'il a à faire. Mêle-toi de donner à teter à ton enfant, fans tant faire la raifonneufe. Monfieu eft le pere de fa fille; & il eft bon & fage pour voir ce qui li faut. Tome IV. E |