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rendre en français en conservant le même tour, un seul fourbe, une seule de leurs fourberies, vous fera connaitre le caractère de tous les Grecs. Térence a dit unum cognóris, omnes nóris.

Noxa, a, est un substantif qui, dans le sens propre, signifie faute, peine, dommage, de nocere. Il est dit, dans les Institutes de Justinien, que ce mot se prend aussi pour l'esclave même qui a fait le dommage. Noxa autem est ipsum corpus quod nocuit, id est, servus (noxius). Ce mot n'est pourtant pas d'un usage ordinaire en ce sens dans la langue latine.

Un adjectif se prend aussi quelquefois substantivement; c'est-à-dire, qu'un mot qui est ordinai rement attribut, est quelquefois sujet dans une proposition, ce qui ne peut arriver que parce qu'il y a alors quelqu'autre nom sous-entendu qui est dans l'esprit; par exemple, le vrai persuade, c'està-dire, ce qui est vrai, l'étre vrai, ou la vérité; le Tout-Puissant vengera les faibles qu'on opprime, c'est-à-dire, Dieu, qui est tout-puissant, vengera les hommes faibles.

Nous avons vu dans les préliminaires de la syntaxe, que l'adverbe est un mot qui renferme la préposition et le nom qui la détermine. La préposition marque une circonstance générale, qui est ensuite déterminée par le nom qui suit la préposition selon l'ordre des idées : or, l'adverbe renfermant la préposition et le nom, il marque une circonstance particulière du sujet, ou de l'attribut de la préposition sapienter, avec sagesse, avec jugement; sæpe, souvent, en plusieurs occasions; ubi, où, en quel lieu, en quel endroit; ibi, là, en cet endroit-là.

Il y a quelques noms substantifs qui sont pris adverbialement, c'est-à-dire, qu'ils n'entrent dans une proposition que pour marquer une circonstance du sujet ou de l'attribut, en vertu de quel

148 SUBSTANTIFS PRIS ADJECTIV., etc.

que préposition sous-entendue; par exemple : domi, à la maison, au lieu de la demeure. Videt nuptias domi apparari; elle voit qu'on se prépare chez nous à la noce; domi marque la circonstance du lieu où l'on se préparait à la noce; on sous-entend in ædibus domi, dans les appartemens de la maison, de la demeure, ou bien in aliquo loco domi. Plaute a exprimé ædes; omnes domi per ædes, de chambre en chambre, d'appartement en appartement.

Quand domi est opposé à belli ou militiæ, on sousentend in rebus; Cicéron l'a exprimé, quibuscumque rebus vel belli, vel domi; alors domi se prend pour la patrie, la ville, et, selon notre manière de parler, pour la paix, le temps de la paix. Nous avons parlé ailleurs de ces sortes d'ellipses.

Oppidò se prend aussi adverbialement, comme nous l'avons remarqué plus haut. Quand on sait une fois la raison des terminaisons de ces mots, on peut se contenter de dire que ce sont des substantifs pris adverbialement.

Les adjectifs se prennent aussi fort souvent adverbialement, comme je l'ai remarqué en parlant des adverbes; par exemple: parler haut, parler bas, parler grec et latin, græcè et latinè loqui; penser juste, sentir bon, sentir mauvais, marcher víte, voir clair, frapper fort, etc.

Ces adjectifs sont alors au neutre, et c'est une imitation des Latins: Transversa tuentibus hircis; hircis tuentibus ad negotia transversa. Recens est très-usité dans les bons auteurs, au lieu de recenter, qui ne se trouve que dans les auteurs de la moyenne latinité Sole recens orto: Puerum recens natum reperire. Dans des occasions il faut sous-entendre la préposition ad, ou juxta, ou in; juxta recens negotium, ou tempus, comme nous disons, à la française, à la mode, à la renverse, à l'improviste, à la traverse, etc. Horace a dit ad plenum pour plenè, pleinement, abondamment, à plein: mana

lætus

bit ad plenum. On trouve aussi in pour ad; in præsens animus; jactis in altum molibus:

Exit in immensum fæcunda licentia vatum.

Ainsi, quand Salluste a dit, mons immensum editus, il faut sous entendre in; et avec ces adjectifs on sous-entend un mot générique, negotium, spatium, tempus, ævum, etc.

II.

SENS DÉTERMINÉ. SENS INDÉTERMINÉ.

CHAQUE mot a une certaine signification dans le

discours, autrement il ne signifierait rien; mais ce sens, quoique déterminé, ne marque pas toujours précisément un tel individu, un tel particulier : ainsi on appelle sens indéterminé, ou indéfini, celui qui marque une idée vague, une pensée générale, qu'on ne fait point tomber sur un objet particulier; par exemple, on croit, on dit; ces termes ne désignent personne en particulier qui croie ou qui dise; c'est le sens indéterminé, c'est-à-dire, que ces mots ne marquent plus un tel particulier de qui l'on dise qu'il croit ou qu'il dit.

Au contraire, le sens déterminé tombe sur un objet particulier: il désigne une ou plusieurs personnes, une ou plusieurs choses, comme, les Cartésiens croient que les animaux sont des machines; Cicéron dit, dans ses Offices, que la bonne foi est le lien de la société.

On peut rapporter ici le sens étendu et le sens étroit. Il y a bien des propositions qui sont vraies dans un sens étendu, latè, et fausses lorsque les mots en sont pris à la rigueur, strictè : nous en donnerons des exemples en parlant du sens littéral.

III.

SENS ACTIF. SENS PASSIF. SENS NEUTRE.

ACTIF vient de agere, pousser, agir, faire. Un mot est pris dans un sens actif quand il marque que l'objet qu'il exprime, ou dont il est dit, fait une action, ou qu'il a un sentiment, une sensation.

Il faut remarquer qu'il y a des actions et des sentimens qui passent sur un objet qui en est le terme. Les philosophes appellent patient, ce qui reçoit l'action d'un autre, ce qui est le terme ou l'objet du sentiment d'un autre. Ainsi patient ne veut pas dire ici celui qui ressent de la douleur; mais ce qui est le terme d'une action ou d'un sentiment. Pierre bat Paul; bat est pris dans un sens actif, puisqu'il marque une action que je dis que Pierre fait, et cette action a Paul pour objet ou pour patient. Le roi aime le peuple; aime est aussi dans un sens actif, et le peuple est le terme ou l'objet de ce sentiment.

Un mot est pris dans un sens passif, quand il marque que le sujet de la proposition, qu ce dont on parle, est le terme ou le patient de l'action d'un autre. Paul est battu par Pierre, battu est un terme passif; je juge de Paul qui est le terme de l'action de battre.

Je ne suis point battant de peur d'être battu.

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Battant est actif, et battu est passif.

Il y a des mots qui marquent de simples propriétés ou manières d'être, de simples situations, et même des actions, mais qui n'ont point de patient ou d'objet qui en soit le terme; c'est ce qu'on appelle le sens neutre. Neutre veut dire ni l'un ni l'au

tre; c'est-à-dire, ni actif ni passif. Un verbe qui ne marque ni action qui ait un patient, ni une passion, c'est-à-dire, qui ne marque pas que l'objet dont on parle soit le terme d'une action, ce verbe, dis-je, n'est ni actif, ni passif, et par conséquent il est appelé neutre.

Amare, aimer, chérir; diligere, avoir de l'amitié, de l'affection, sont des verbes actifs. Amari, être aimé, être chéri; diligi, être celui pour qui l'on a de l'amitié, sont des verbes passifs: mais sedere, être assis, est un verbe neutre; ardere, être allumé, être ardent, est aussi un verbe neutre.

Souvent les verbes actifs se prennent dans un sens neutre, et quelquefois les verbes neutres se prennent dans un sens actif; écrire une lettre est un sens actif; mais quand on demande : Que fait Monsieur? et quand on répond, il écrit, il dort, il chante, il danse, tous ces verbes-là sont pris alors dans un sens neutre. Quand Virgile dit que Turnus entra dans un en portement que rien ne put apaiser, implacabilis ardet, ardet est alors un verbe neutre mais quand le même poëte, pour dire Co*rydon aimait Alexis éperdûment, se sert de cette expression, Coridon ardebat Alexin, alors ardebat est pris dans un sens actif, quoiqu'on puisse dire aussi ardebat in Alexin, brûlait pour Alexis.

Requiescere, se reposer, être oisif, être en repos, est un verbe neutre. Virgile l'a pris dans un sens actif, lorsqu'il a dit :

Et mutata suos requierunt flumina cursus :

Les fleuves changés, c'est-à-dire, contre leur usage, contre leur nature, arrêtèrent le cours de leurs eaux, retinuerunt suos cursus.

Simon, dans l'Andrienne, rappelle à Sosie les bienfaits dont il l'a comblé : « Me remettre ainsi » vos bienfaits devant les yeux, lui dit Sosie, c'est

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