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C'est pour garantir mes expériences de ces écueils, que j'ai tour à tour expérimenté séparément sur les nerfs, sur la moelle épinière, sur le cerveau, sur les diverses parties du cerveau; et que, dans l'exploration de chacune de ces parties, j'ai mis le soin le plus scrupuleux à n'intéresser qu'elle, et à me sauver par là de toute complication étrangère.

J'ai choisi, en général, des animaux encore jeunes, pour mes expériences sur la masse cérébrale et la moelle épinière.

Il y a plusieurs raisons de ce choix. D'abord, les os des jeunes animaux étant fort tendres, on éprouve bien moins de difficulté à les enlever; en second lieu, il est constant qu'un animal résiste d'autant plus aux mutilations qu'il est plus jeune. Enfin, et ceci s'applique surtout aux expériences sur la masse cérébrale, les sinus de la dure-mère étant, comparativement, fort peu développés dans les premiers âges, il y a moins à craindre d'être embarrassé par le sang.

Du reste, il faut toujours respecter le plus pos

a.

sible les parties qui fournissent du sang, 1o parceque la perte du sang abrége beaucoup la vie de l'animal, et qu'il importe essentiellement que l'animal vive pour donner les résultats de l'expérience; 2° parceque le sang, s'épanchant dans la masse cérébrale, y produit des compressions dont les résultats se mêlent aux résultats propres de l'expérience, les compliquent, souvent même les dénaturent.

Généralement, on ne doit dénuder du cerveau que la région sur laquelle on expérimente: par exemple, la région des lobes cérébraux, quand il s'agit de ces lobes; puis celle du cervelet, celle des tubercules quadrijumeaux, et ainsi du reste. L'animal résiste beaucoup mieux à ces dénudations circonscrites et graduelles qu'à une dénudation brusque et générale.

J'évite, à dessein, de me servir, dans ces expériences, d'irritans chimiques. Outre qu'on ne modère point facilement l'action de ces irritans, on détermine souvent par eux un effet qui, persistant plus ou moins, se mêle aux ef

fets provoqués plus tard, et presque toujours les obscurcit ou les altère.

C'est par un motif semblable que je réserve pour un autre ouvrage l'exposé de mes observations sur le galvanisme. Cet agent se conduit d'une manière trop spéciale, pour qu'il soit permis d'en user confusément avec d'autres.

La dénudation préalable des parties expérimentées m'a toujours paru de rigueur. C'est le seul moyen de suivre à l'œil la marche, le progrès des opérations, et de s'assurer ainsi des limites dans lesquelles on les renferme.

Haller', Zinn', Lorry 3, Saucerotte, tous ceux qui sont venus après eux, se bornant à ouvrir le crâne par un trépan, et à enfoncer un trois-quarts

1 Mémoires sur les parties sensibles et irritables du corps animal. Lausanne, 1760.

2 God. Zinn, Experimenta quædam circa corpus callosum, cerebellum, duram meningem in vivis animalibus instituta. Gotting., 1749.

3 Acad. des sciences: Mém. des savans étrangers, t. III.

4 Académie royale de chirurgie: Prix, tome IV

ou un scalpel dans le cerveau par cette ouverture, ne savaient jamais réellement ni quelles parties ils blessaient, ni conséquemment à quelles parties il fallait rapporter les phénomènes qu'ils obser

vaient..

Les compressions que ces observateurs employaient souvent jettent encore bien du louche sur les résultats qu'ils nous ont laissés. Je ne connais pas de voie plus propre à induire en erreur que celle des compressions; car il est presque impossible de comprimer une partie du cerveau sans toucher aux autres.

L'ablation graduelle et ménagée des parties expérimentées, isolant seule convenablement ces parties, peut visiblement seule conduire à la détermination rigoureuse de leurs fonctions.

Jetons maintenant un coup d'œil rapide sur les principaux résultats contenus dans le Mémoire dont il s'agit.

On a reconnu, de bonne heure, que le système nerveux est tout à la fois l'organe par lequel l'animal reçoit ses sensations, et l'organe. par

lequel il exerce ou détermine ses mouvemens.

Mais la propriété de sentir réside-t-elle dans les mêmes parties que la propriété de mouvoir ? Mais sentir et mouvoir ne sont-ils qu'une seule propriété? sont-ils deux propriétés diverses? les organes de l'une de ces propriétés sont-ils distincts des organes de l'autre ?

Ces grandes questions, débattues depuis tant de siècles, attendaient encore leur solution. Mes expériences montrent, de la manière la plus formelle, qu'il y a deux propriétés essentiellement diverses dans le système nerveux, l'une de sentir, l'autre de mouvoir; que ces deux propriétés différent de siége comme d'effet; et qu'une limite précise sépare les organes de l'une des organes de l'autre.

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Les nerfs, la moelle épinière, la moelle alongée, les tubercules quadrijumeaux, excitent seuls immédiatement la contraction musculaire; les lobes cérébraux se bornent à la vouloir, et ne l'excitent pas dans le cervelet réside une propriété dont rien ne donnait encore l'idée en

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