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fiance en la capacité du général en chef, le gouvernement adopta ses vues, et le chargea de travailler à la pacification. Afin de lui en faciliter les moyens, il réunit par un arrêté du 28 dé cembre les trois armées connues depuis deux ans sous le nom des côtes de l'Ouest, de Brest et de Cherbourg, en une seule, qui prit celui d'armée des côtes de l'Océan. Cette mesure acheva la ruine du parti royaliste, auquel la malheureuse issue des deux expéditions anglaises, avait porté un coup mortel.

Nous ne reviendrons pas sur ce qui a été dit relativement aux causes de ce non-succès: pour trancher sur une matière aussi délicate, il faudrait savoir comment le ministère britannique put oublier que 10 mille hommes débarqués si+ multanément, et en temps opportun, eussent réussi, là où trois débarquemens partiels et successifs devaient nécessairement succomber. Les changemens apportés au premier projet furent-ils le fruit d'une ignorance totale des règles de la guerre? Faut-il au contraire les attri buer, comme le comte de Vauban, à des combinaisons pour le salut personnel du comte d'Artois; ou bien s'en rapportera-t-on au dire de plusieurs écrivains estimables qui imputent ces changemens au cabinet de Londres (1), plus ja

(1) Le comte de Montverran, et Alphonse Beauchamp.

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loux peut-être d'alimenter lá guerre, que de la terminer? Un seul point est bien avéré, c'est que le comte d'Artois ne commandait pas plus dans les ports de la Grande-Bretagne qu'il ne décidait des mouvemens de ses bataillons. Dès-lors on ne pourrait lui reprocher la moindre part à ces revers, à moins qu'il n'eût exigé la division de l'entreprise en trois sections, en vue de ne débarquer qu'après le succès, et d'obtenir, comme on l'a dit, plus de sûreté pour sa personne; hypothèse que l'honneur de ce prince réprouve, et qu'on ne saurait admettre sans des preuves irrécusables. Peut-être ne montra-t-il pas grand empressement à descendre, lorsqu'il parut avec le troisième convoi; mais il faut convenir aussi qu'après ce qui venait d'arriver à Sombreuil et d'Hervilly, il eût fallu plus que du courage, pour s'exposer inutilement au même sort.

On voit d'ailleurs, par le récit de ces événemens, à quel point la guerre civile avait changé de nature, depuis les nobles et vigoureux efforts des royalistes de 1793: l'égoïsme, l'ambition effrénée, avaient pris la place de l'héroïsme et du dévouement. Tous les chefs prétendaient être les restaurateurs d'une monarchie, qu'ils désiraient moins par attachement pour elle-même, que par l'appât des dignités, de la fortune et des priviléges, qui seraient le prix de son rétablissement. Vains, jaloux, tracassiers autant

qu'intrépides; tous semblent mus par la haine, bien plus que par des vues magnanimes.

La même mésintelligence règne parmi les officiers de l'expédition. Un seul sentiment les anime, c'est leur aversion pour un parti qui avait de grands torts sans doute, mais qui au résultat était français et victorieux de la coalition.

La postérité se demandera quelle fureur aveuglait ces braves gentilshommes, dont les ancêtres montrèrent tant de patriotisme sous François Ier et Louis XIV, et qui s'oublièrent au point de solliciter des secours anglais, pour imposer à la France des lois que l'Europe armée n'avait pas été capable de lui dicter. Etait-ce pour combattre des doctrines dangereuses, ou maintenir des droits consacrés? Et dans cette double hypothèse, ne valait-il pas mieux attendre le retour de l'ordre et de la justice, que les nations ne sauraient méconnaître à la longue? Les siècles fuieut, les intérêts se détruisent avec le temps, les principes seuls sont immuables : ils improuveront à jamais le délire des partis, dont le triomphe se fonderait sur l'humiliation nationale et les victoires de l'étranger.

Projet de

contre

CHAPITRE LII.

Le général Clairfayt force les lignes de Mayence, et rejette cette partie de l'armée du Rhin sur la Pfrim. Le général Wurmser attaque les Français sous Manheim, assiége et prend cette place. Clairfayt, renforcé par le corps de Latour venu de l'armée du Rhin, attaque Pichegru sur la Pfrim et sur le canal de Frankendal, et le repousse successivement jusque sous Landau.-Jourdan s'avance sur la Nahe, pour dégager l'armée du Rhin. — Clairfayt y porte le gros de ses forces, et repousse l'armée de Sambre-et-Meuse dans le Hohenwald. Armistice, et quartiers d'hiver. - Troubles en Belgique.

EN se déterminant, comme nous l'avons dit, à Clairfayt traverser Mayence, et à se jeter sur la gauche les lignes. de l'armée du Rhin, Clairfayt allait faire changer la face des affaires, et s'acquérir une grande réputation; car une pareille opération marquée au coin du génie, devait délivrer Mayence, et rejeter les républicains derrière la Nahe ou peutêtre même jusque sur la Sarre.

Afin de procéder à l'exécution de cette entre

prise, le général autrichien laissa un tiers de ses forces pour observer l'armée de Sambre-etMeuse : la division de Kray à Siegberg; celle de Boros à Bensdorf; celle de Haddick à Langenfeld. Une réserve de 6 à 7 mille hommes fut établie vers Molsberg, le tout aux ordres du duc de Wurtemberg; le gros de l'armée partit de Weilmunster, le 25, et vint camper, le 27, près de

Wickert.

Jourdan, qui n'eut aucune connaissance de ce mouvement, laissa ses 70 mille hommes dans le camp retranché de Dusseldorf ou cantonnés sur la rive gauche du Rhin, depuis Cologne jusqu'à Bacharach.

:

On se rappelle que la division Courtois surveillait le Rhin, depuis Oppenheim jusqu'à Hechtsheim (Pl. XIII), où elle se liait au corps de St.-Cyr celui-ci s'étendait jusqu'au-delà de Marienborn. La division Mengaud occupait l'espace entre ce dernier village et Gunzenheim. Enfin, le général Renaud gardait les retranchemens du bois de Monbach, et ce village, où il appuyait sa gauche au Rhin. Indépendamment de ces forces, le général Poncet venait d'amener 12 bataillons de l'armée de Sambre et-Meuse; mais, arrivées de la veille, ne connaissant ni les positions ni la tâche qui leur seraient assignées, ces troupes devaient être spectatrices de l'affaire, sins y prendre part.

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