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impatiemment qu'ils se retirent, se mettre proche de lui en une posture trop libre, figurer avec lui le dos appuyé à une cheminée, le tirer par son habit, lui marcher sur les talons, faire le familier, prendre des libertés, marquent mieux un fat qu'un favori.

Un homme sage ni ne se laisse gouverner, ni ne cherche à gouverner les autres : il veut que la raison gouverne seule, et toujours.

Je ne haïrois pas d'être livré par la confiance à une personne raisonnable, et d'en être gouverné en toutes choses, et absolument, et toujours : je serois sûr de bien faire sans avoir le soin de délibérer, je jouirois de la tranquillité de celui qui est gouverné par la raison.

elles se

Toutes les passions sont menteuses, déguisent autant qu'elles le peuvent aux yeux des autres; elles se cachent à elles-mêmes: il n'y a point de vice qui n'ait une fausse ressemblance aveé quelque vertu, et qui ne s'en aide.

On ouvre un livre de dévotion, et il touche : on en ouvre un autre qui est galant, et il fait son impression. Oserai-je dire que le cœur seul concilie les choses contraires, et admet les incompatibles?

Les hommes rougissent moins de leurs crimes que de leurs foiblesses et de leur vanité : tel est ouvertement injuste, violent, perfide, calomniateur, qui cache son amour ou son ambition, sans autre vue que de la cacher.

Le cas n'arrive guère où l'on puisse dire, j'étois

ambitieux; ou on ne l'est point, ou on l'est toujours mais le temps vient où l'on avoue que l'on a aimé.

Les hommes commencent par l'amour, finissent par l'ambition, et ne se trouvent dans une assiette plus tranquille que lorsqu'ils meurent.

Rien ne coûte moins à la passion que de se mettre au-dessus de la raison : son grand triomphe est de l'emporter sur l'intérêt.

par

L'on est plus sociable et d'un meilleur commerce le cœur que par l'esprit.

Il y a de certains grands sentiments, de certaines actions nobles et élevées, que nous devons moins à la force de notre esprit, qu'à la bonté de notre naturel.

Il n'y a guère au monde un plus bel excès que celui de la reconnoissance.

Il faut être bien dénué d'esprit, si l'amour, la malignité, la nécessité,n'en font pas trouver.

Il y a des lieux que l'on admire; il y en a d'autres qui touchent, et où l'on aimeroit à vivre.

Il me semble que l'on dépend des lieux pour l'esprit, l'humeur, la passion, le goût et les sen

timents.

Ceux qui font bien mériteroient seuls d'être enviés, s'il n'y avoit encore un meilleur parti à prendre, qui est de faire mieux : c'est une douce vengeance contre ceux qui nous donnent cette jalousie.

Quelques uns se défendent d'aimer et de faire des

vers, comme de deux foibles qu'ils n'osent avouer, l'un du cœur, l'autre de l'esprit.

l'on

Il y a quelquefois dans le cours de la vie de si chers plaisirs et de si tendres engagements que nous défend, qu'il est naturel de desirer du moins qu'ils fussent permis de si grands charmes ne peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par vertu.

CHAPITRE V.

DE LA SOCIÉTÉ ET DE LA CONVERSATION.

Ux

N caractère bien fade est celui de n'en avoir

aucun.

C'est le rôle d'un sot d'être importun : un homme habile sent s'il convient, ou s'il ennuic: il sait disparoître le moment qui précède celui où il seroit de trop quelque part.

L'on marche sur les mauvais plaisants, et il pleut par tout pays de cette sorte d'insectes. Un bon plaisant est une pièce rare: à un homme qu est né tel, il est encore fort délicat d'en soutenir long-temps le personnage: il n'est pas ordinaire que celui qui fait rire se fasse estimer.

Il y a beaucoup d'esprits obscènes, encore plus de médisants ou de satiriques, peu de délicats. Pour badiner avec grace, et rencontrer beureusement sur les plus petits sujets, il faut trop de manières, trop de politesse, et même trop de fécondité : c'est créer que de railler ainsi, et faire quelque chose

de rien.

Si l'on faisoit une sérieuse attention à tout ce qui se dit de froid, de vain et de puéril dans les entretiens ordinaires, l'on auroit honte de parler ou d'écouter, et l'on se condamneroit peut-être à un silence perpétuel, qui seroit une chose pire dans

le commerce que les discours inutiles. Il faut donc s'accommoder à tous les esprits; permettre comme un mal nécessaire le récit des fausses nouvelles, les vagues réflexions sur le gouvernement présent ou sur l'intérêt des princes, le débit des beaux sentiments, et qui reviennent toujours les mêmes : il faut laisser Aronce I parler proverbe, et Mélinde parler de soi, de ses vapeurs, de ses migraines et de ses insomnies.

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L'on voit des gens qui dans les conversations ou dans le peu de commerce que l'on a avec eux, vous dégoûtent par leurs ridicules expressions, par la nouveauté, et j'ose dire par l'impropriété des termes dont ils se servent, comme par l'alliance de certains mots qui ne se rencontrent ensemble qne dans leur bouche, et à qui ils font signifier des choses que leurs premiers inventeurs n'ont jamais en intention de leur faire dire. Ils ne suivent en par lant ni la raison, ni l'usage, mais leur bizarre génie, que l'envie de toujours plaisanter, et peut-être de briller, tourne insensiblement à un jargon qui leur est propre, et qui devient enfin leur idiome naturel: ils accompagnent un langage si extravagant d'un geste affceré et d'une prononciation qui est contrefaite. Tous sont contents d'eux-mêmes et de l'agrément de leur esprit, et l'on ne peut pas dire qu'ils en soient entièrement dénués; mais on les plaint de ce peu qu'ils en ont; et, ce qui est pire, on ea soufre.

Que dites-vous? comment? je n'y suis pas : vous

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