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belle femme ne se sauve qu'à peine avec d'autres

femmes.

Un homme est plus fidèle au secret d'autrui qu'au sien propre une femme au contraire garde mieux son secret que celui d'autrui.

Il n'y a point dans le cœur d'une jeune personne un si violent amour, auquel l'intérêt ou l'ambition n'ajoute quelque chose.

Il y a un temps où les filles les plus riches doivent prendre parti. Elles n'en laissent guère échapper les premières occasions sans se préparer un long repentir. Il semble que la réputation des biens diminue en elles avec celle de leur beauté. Tout favorise au contraire une jeune personne, jusques à l'opinion des hommes, qui aiment à lui accorder tous les avantages qui peuvent la rendre plus souhaitable.

Combien de filles1 à qui une grande beauté n'a jamais servi qu'à leur faire espérer une grande fortune!

Les belles filles sont sujettes à venger ceux de leurs amants qu'elles ont maltraités, ou par de laids, ou par de vieux, ou par d'indignes maris.

La plupart des femmes jugent du mérite et de la bonne mine d'un homme par l'impression qu'ils font sur elles; et n'accordent presque ni l'un ni l'autre à celui pour qui elles ne sentent rien.

Un homme qui seroit en peine de connoître s'il change, s'il commence à vieillir, peut consulter les yeux d'une jeune femme qu'il aborde, et le ton

dont elle lui parle : il apprendra ce qu'il craint de savoir. Rude école !

Une femme qui n'a jamais les yeux que sur une même personne, ou qui les en détourne toujours, fait penser d'elle la même chose.

Il coûte peu aux femmes de dire ce qu'elles ne sentent point: il coûte encore moins aux hommes de dire ce qu'ils sentent.

Il arrive quelquefois qu'une femme cache à un homme toute la passion qu'elle sent pour lui, pendant que de son côté il feint pour elle toute celle qu'il ne sent pas.

L'on suppose un homme indifférent, mais qui voudroit persuader à une femme une passion qu'il ne sent pas ; et l'on demande s'il ne lui seroit pas plus aisé d'en imposer à celle dont il est aimé, qu'à celle qui ne l'aime point.

Un homme peut tromper une femme par un feint attachement, pourvu qu'il n'en ait pas ailleurs un

véritable.

Un homme éclate contre une femme qui ne l'aime plus, et se console : une femme fait moins de bruit quand elle est quittée, et demeure longtemps inconsolable.

Les femmes guérissent de leur paresse par la vanité ou par l'amour.

La paresse au contraire, dans les femmes vives, est le présage de l'amour.

Il est fort sûr qu'une femme qui écrit avec emportement est emportée; il est moins clair qu'elle

soit touchée. Il semble qu'une passion vive et tendre est morne et silencieuse; et que le plus pressant intérêt d'une femme qui n'est plus libre, et celui qui l'agite davantage, est moins de persuader qu'elle aime, que de s'assurer si elle est aimée.

Glycere1 n'aime pas les femmes, elle hait leur commerce et leurs visites, se fait celer pour elles, et souvent pour ses amis, dont le nombre est petit, à qui elle est sévère, qu'elle resserre dans leur ordre, sans leur permettre rien de ce qui passe l'amitié : elle est distraite avec eux, leur répond par des monosyllabes, et semble chercher à s'en défaire. Elle est solitaire et farouche dans sa maison; sa porte est mieux gardée, et sa chambre plus inaccessible que celles de Monthoron et d'Hémery. Une seule Corinne y est attendue, y est reçue, et à toutes les heures: on l'embrasse à plusieurs reprises, on croit l'aimer, on lui parle à l'orcille dans un cabinet où elles sont seules; on a soi-même plus de deux oreilles pour l'écouter; on se plaint à elle de tout autre que d'elle, on lui dit toutes choses et on ne lui apprend rien, elle a la confiance de tous les deux. L'on voit Glycere en partie carrée au bal, au théâtre, dans les jardins publics, sur le chemin de Venouze où l'on mange les premiers fruits; quelquefois seule en litière sur la route du grand faubourg où elle a un verger délicieux, ou à la porte de Canidie ** qui a de si beaux secrets, qui

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Vincennes.

La Voisin, empoisonneuse, qui a été pendue et brûlée.

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promet aux jeunes femmes de secondes noces, qui en dit le temps et les circonstances. Elle paroît ordinairement avec une coeffure plate et négligée, en simple déshabillé, sans corps et avec des mules: elle est belle en cet équipage, il ne lui manque que de la fraîcheur. On remarque néanmoins sur elle une riche attache qu'elle dérobe avec soin aux yeux de son mari: elle le flatte, elle le caresse, elle invente tous les jours pour lui de nouveaux noms, elle n'a pas d'autre lit que celui de ce cher époux, et elle ne veut pas découcher. Le matin elle se partage entre sa toilette et quelques billets qu'il faut écrire. Un affranchi vient lui parler en secret, c'est Parmenon, qui est favori, qu'elle soutient contre l'antipathie du maître et la jalousie des domestiques. Qui à la vérité fait mieux connoître des intentions et rapporte mieux une réponse que Parmenon? Qui parle moins de ce qu'il faut taire? Qui sait ouvrir une porte secrète avec moins de bruit? Qui conduit plus adroitement par le petit escalier? Qui fait mieux sortir par où l'on est entré?

Je ne comprends pas comment un mari qui s'abandonne à son humeur et à sa complexion, qui ne cache aucun de ses défauts, et se montre au contraire par ses mauvais endroits, qui est avare, qui est trop négligé dans son ajustement, brusque dans ses réponses, incivil, froid et taciturne, peut espérer de défendre le cœur d'une jeune femme contre les entreprises de son galant qui emploie la parure et la magnificence, la complaisance,

les soins, l'empressement, les dons, la flatterie, Un mari n'a guère un rival qui ne soit de są main et comme un présent qu'il a autrefois fait à sa femme. Il le loue devant elle de ses belles dents et de sa belle tête : il agrée ses soins, il reçoit ses visites; et après ce qui lui vient de son crû, rien ne lui paroît de meilleur goût que le gibier et les truffes que cet ami lui envoie. Il donne à souper, et il dit aux convives: goûtez bien cela, il est de Léandre, et il ne me coûte qu'un grand-merci.

I

Il y a telle femme qui anéantit ou qui enterre son mari, au point qu'il n'en est fait dans le monde aucune mention: vit-il encore, ne vit-il plus? on en doute. Il ne sert dans sa famille qu'à montrer l'exemple d'un silence timide et d'une parfaite soumission. Il ne lui est dû ni douaire ni conventions; mais à cela près, et qu'il n'accouche pas, il est la femme et elle le mari. Ils passent les mois entiers dans une même maison sans le moindre danger de se rencontrer; il est vrai seulement qu'ils sont voi. sins. Monsieur paie le rôtisseur et le cuisinier, et c'est toujours chez madame qu'on a soupé. Ils n'ont souvent rien de commun, ni le lit, ni la table, pas même le nom : ils vivent à la romaine ou à la grecque, chacun a le sien; et ce n'est qu'avec le temps et après qu'on est initié au jargon d'une ville, qu'on sait enfin que M. B.... est publiquement, depuis vingt années, le mari de madame L....

Telle autre femme à qui le désordre manque pour mortifier son mari, y revient par sa noblesse

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