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s'enrichir : si une savante, elle saura m'instruire : si une prude, elle ne sera point emportée : si une emportée, elle exercera ma patience si une coquette, elle voudra me plaire : si une galante, elle le sera peut-être jusqu'à m'aimer : si une dévote 1, répondez, Hermas, que dois-je attendre de celle qui veut tromper Dieu, et qui se trompe ellemême ?

Une femme est aisée à gouverner pourvu que ce soit un homme qui s'en donne la peine. Un seul même en gouverne plusieurs : il cultive leur esprit et leur mémoire, fixe et détermine leur religion; il entreprend même de régler leur cœur. Elles n'approuvent et ne désapprouvent, ne louent et ne condamnent qu'après avoir consulté ses yeux et son visage. Il est le dépositaire de leurs joies et de leurs chagrins, de leurs desirs, de leurs jalousies, de leurs haines et de leurs amours: il les fait rompre avec leurs galants: il les brouille et les réconcilie avec leurs maris; et il profite des interrègnes. Il prend soin de leurs affaires, sollicite leurs procès,' et voit leurs juges : il leur donne son médecin, son marchand, ses ouvriers: il s'ingère de les loger, de les meubler, et il ordonne de leur équipage. On le voit avec elles dans leurs carrosses, dans les rues d'une ville et aux promenades, ainsi que dans leur banc à un sermon, et dans leur loge à la comédie. Il fait avec elles les mêmes visites, il les accompagne au bain, aux eaux, dans les voyages: il a le plus commode appartement chez elles à la campagne. Il

vieillit sans déchoir de son autorité: un peu d'esprit et beaucoup de temps à perdre lui sufit pour la conserver. Les enfants, les héritiers, la bru, la nièce, les domestiques, tout en dépend. Il a commencé par se faire estimer : il finit par se faire craindre. Cet ami si ancien, si nécessaire, meurt sans qu'on le pleure; et dix femmes dont il étoit le tyran héritent; par sa mort, de la liberté.

Quelques femmes ont voulu cacher leur conduite sous les dehors de la modestie; et tout ce que chacune a pu gagner par une continuelle affectation, et qui ne s'est jamais démentie, a été de faire dire de soi on l'auroit prise pour une vestale.

C'est dans les femmes une violente preuve d'une réputation bien nette et bien établie, qu'elle ne soit pas même effleurée par la familiarité de quelques unes qui ne leur ressemblent point; et qu'avec toute la pente qu'on a aux malignes explications, on ait recours à une toute autre raison de ce commerce, qu'à celle de la convenance des mœurs.

Un comique outre sur la scène ses personnages: un poëte charge ses descriptions: un peintre qui fait d'après nature, force et exagère une passion, un contraste, des attitudes; et celui qui copie, s'il ne mesure au compas les grandeurs et les proportions, grossit ses figures, donne à toutes les pièces qui entrent dans l'ordonnance de son tableau plus de volume que n'en ont celles de l'original : de même la pruderie est une imitation de la sagesse.

Il y a une fausse modestie qui est vanité; une

fausse gloire qui est légèreté; une fausse grandeur qui est petitesse; une fausse vertu qui est hypocrisie; une fausse sagesse qui est pruderie.

Une femme prude paie de maintien et de paroles; une femme sage paie de conduite. Celle-là suit son humeur et sa complexion, celle-ci sa raison et son cœur. L'une est sérieuse et austère, l'autre est dans les diverses rencontres précisément ce qu'il faut qu'elle soit. La première cache des foibles sous de plausibles dehors; la seconde couvre un riche fonds sous un air libre et naturel. La pruderie contraint l'esprit, ne cache ni l'âge ni la laideur, souvent elle les suppose. La sagesse au contraire pallie les défauts du corps, annoblit l'esprit, ne rend la jeunesse que plus piquante, et la beauté que plus périlleuse.

Pourquoi s'en prendre aux hommes de ce que les femmes ne sont pas savantes? par quelles lois, par quels édits, par quels rescrits leur a-t-on défendu d'ouvrir les yeux et de lire, de retenir ce qu'e

'elles ont lu, et d'en rendre compte ou dans leur conversation ou par leurs ouvrages? Ne se sontelles pas au contraire établies elles-mêmes dans cet usage de ne rien savoir, ou par la foiblesse de leur complexion, ou par la paresse de leur esprit, ou par le soin de leur beauté, ou par une certaine légèreté qui les empêche de suivre une longue étude, ou par le talent et le génie qu'elles ont seulement pour les ouvrages de la main, ou par les distractions que donnent les détails d'un domestique, ou

par un éloignement naturel des choses pénibles et sérieuses, ou par une curiosité toute différente de celle qui contente l'esprit, ou par un tout autre goût que celui d'exercer leur mémoire ? Mais à quelque cause que les hommes puissent devoir cette ignorance des femmes, ils sont heureux que les femmes, qui les dominent d'ailleurs par tant d'endroits, aient sur eux cet avantage de moins.

On regarde une femme savante comme on fait une belle arme: elle est ciselée artistement, d'une polissure admirable et d'un travail fort recherché; c'est une pièce de cabinet, que l'on montre aux curieux, qui n'est pas d'usage, qui ne sert ni à la guerre, ni à la chasse, non plus qu'un cheval de manége quoique le mieux instruit du monde.

Si la science et la sagesse se trouvent unies en un même sujet, je ne m'informe plus du sexe, j'admire; et si vous me dites qu'une femme sage ne songe guère à être savante, ou qu'une femme savante n'est guère sage, vous avez déjà oublié ce que vous venez de lire, que les femmes ne sont 'détournées des sciences que par de certains défauts: concluez donc vous-même que moins elles auroient de ces défauts, plus elles seroient sages; et qu'ainsi une femme sage n'en seroit que plus propre à devenir savante; ou qu'une femme savante n'étant telle que parce qu'elle auroit pu vaincre beaucoup de défauts, n'en est que plus sage.

La neutralité entre des femmes qui nous sont également amies, quoiqu'elles aient rompu pour

des intérêts où nous n'avons nulle part, est un point difficile: il faut choisir souvent entre elles, ou les perdre toutes deux.

Il y a telle femme1 qui aime mieux son argent que ses amis, et ses amants que son argent.

Il est étonnant de voir dans le coeur de certaines femmes quelque chose de plus vif et de plus fort que l'amour pour les hommes, je veux dire l'ambition et le jeu de telles femmes rendent les hommes chastes, elles n'ont de leur sexe que les habits.

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Les femmes sont extrêmes: elles sont meilleures ou pires que les hommes.

La plupart des femmes n'ont guère de principes, elles se conduisent par le cœur, et dépendent pour leurs mœurs de ceux qu'elles aiment.

Les femmes vont plus loin en amour que la plupart des hommes; mais les hommes l'emportent sur elles en amitié.

Les hommes sont cause que les femmes ne s'aiment point.

Il y a du péril à contrefaire. Lise déjà vieille veut rendre une jeune femme ridicule, et elle-même devient difforme, elle me fait peur. Elle use, pour l'imiter, de grimaces et de contorsions: la voilà aussi laide qu'il faut pour embellir celle dont elle

se moque.

On veut à la ville que bien des idiots et des idiotes aient de l'esprit. On veut à la cour que bien des gens manquent d'esprit qui en ont beaucoup; et entre les personnes de ce dernier genre une

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