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riesa au mois d'octobre; et à la campagne, dans le mois de décembre, les Bacchanales. Il n'y a avec de si grands causeurs qu'un parti à prendre, qui est de fuir, si l'on veut du moins éviter la fievre: car quel moyen de pouvoir tenir contre des gens qui ne savent pas discerner ni votre loisir ni le temps de vos affaires?

CHAPITRE IV,

De la Rusticité.

Il semble que la rusticité n'est autre chose qu'une ignorance grossiere des bienséances. L'on voit en effet des gens rustiques et sans réflexion sortir un jour de médecine ©, et se trouver en cet état dans un lieu public parmi

(a) En françois, la fête des tromperies: son origine ne fait rien aux mœurs de ce chapitre.

(b) Secondes Bacchanales, qui se célébroient l'hiver à la campagne.

(c) Le texte grec nomme une certaine drogue qui rendoit l'haleine fort mauvaise le jour qu'on l'avoit prise.

le monde; ne pas faire la différence de l'odeur forte du thym ou de la marjolaine d'avec les parfums les plus délicieux; être chaussés large et grossièrement; parler haut, et ne pouvoir se réduire à un ton de voix modéré; ne se pas fier à leurs amis sur les moindres affaires, pendant qu'ils s'en entretiennent avec leurs domestiques, jusques à rendre compte à leurs moindres valets de ce qui aura été dit dans une assemblée publique. On les voit assis, leur robe relevée jusqu'aux genoux et d'une maniere indécente. Il ne leur arrive pas en toute leur vie de rien admirer, [ ni de paroître surpris des choses les plus extraordinaires que l'on rencontre sur les chemins; mais si c'est un boeuf1,] un âne, ou un vieux bouc, alors ils s'arrêtent, et ne se lassent point de les contempler. Si quelquefois ils entrent dans leur cuisine, ils mangent avidement tout ce qu'ils y trouvent, boivent tout d'une haleine une grande tasse de vin pur;

(1) On présume qu'il y a ici une transposition dans le grec, et qu'il faut traduire, « ni de paroître sur« pris des choses les plus extraordinaires; mais s'ils << rencontrent dans leur chemin un bœuf, etc. »

ils se cachent pour cela de leur servante, avec qui d'ailleurs ils vont au moulin, et entrent dans les plus petits détails du domestique. Ils interrompent leur souper, et se levent pour donner une poignée d'herbes aux bêtes de charrue qu'ils ont dans leurs étables. Heurte-t-on à leur porte pendant qu'ils dînent, ils sont attentifs et curieux. Vous remarquez toujours proche de leur table un gros chien de cour qu'ils appellent à eux, qu'ils empoignent par la gueule, en disant : Voilà celui qui garde la place, qui prend soin de la maison et de ceux qui sont dedans. Ces gens, épineux dans les paiements qu'on leur fait, rebutent un grand nombre de pieces qu'ils croient légeres, ou qui ne brillent pas assez à leurs yeux, et qu'on est obligé de leur changer. Ils sont occupés pendant la nuit d'une charrue, d'un sac, d'une faux, d'une corbeille, et ils rêvent à qui ils ont prêté ces ustensiles. Et lorsqu'ils marchent par la ville, Combien vaut, demandent-ils aux premiers qu'ils rencontrent, le poisson salé? Les fourrures se vendent-elles bien?

(a) Des bœufs.

N'est-ce pas aujourd'hui que les jeux nous ramenent une nouvelle lune? D'autres fois, ne sachant que dire, ils vous apprennent qu'ils vont se faire raser, et qu'ils ne sortent que pour cela. Ce sont ces mêmes personnes que l'on entend chanter dans le bain, qui mettent des clous à leurs souliers, et qui, se trouvant tout portés devant la boutique d'Archias, achetent eux-mêmes des viandes salées, et les apportent à la main en pleine

rue.

CHAPITRE V.

Du Complaisant, ou de l'Envie de plaire.

POUR faire une définition un peu exacte de cette affectation que quelques uns ont de plaire à tout le monde, il faut dire que c'est

(b) Cela est dit rustiquement; un autre diroit que la nouvelle lune ramene les jeux; et d'ailleurs c'est comme si le jour de Pâques quelqu'un disoit : N'est-ce pas aujourd'hui Pâques?

(c) Fameux marchand de chairs salées, nourriture ordinaire du peuple.

une maniere de vivre où l'on cherche beaucoup moins ce qui est vertueux et honnête, que ce qui est agréable. Celui qui a cette passion, d'aussi loin qu'il aperçoit unhomme dans la place, le salue en s'écriant : Voilà ce qu'on appelle un homme de bien; l'aborde, l'admire sur les moindres choses, le retient avec ses deux mains de peur qu'il ne lui échappe; et après avoir fait quelques pas avec lui, il lui demande avec empressement quel jour on pourra le voir, et enfin ne s'en sépare qu'en lui donnant mille éloges. Si quelqu'un le choisit pour arbitre dans un procès, il ne doit pas s'attendre de lui qu'il lui soit plus favorable qu'à son adversaire : comme il veut plaire à tous deux, il les ménagera également. C'est dans cette vue que, pour se concilier tous les étrangers qui sont dans la ville, il leur dit quelquefois qu'il leur trouve plus de raison et d'équité que dans ses concitoyens. S'il est prié d'un repas, il demande en entrant à celui qui l'a convié où sont ses enfants; et dès qu'ils paroissent, il se récrie sur la ressemblance qu'ils ont avec leur pere, et que deux figues ne se ressemblent pas mieux : il les fait approcher de lui, il les baise; et les ayant

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