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devenant toujours plus petit, jusqu'aux dunes de la Mer d'Azow.

Quoiqu'il se forme des atterrissemens aux embouchures des fleuves et des rivières, par les depôts de la Mer, toutefois l'on peut dire, que les îlots, qu'on remarque aux embouchures du Don et du Donetz, ne sont pas des atterrissemens de la Mer, mais une suite de l'action de ces rivières.

Les roseaux, qui y croissent très-haut, chaque année, sont alimentés par des eaux douces des rivières et jamais par la Mer, comme la plupart de ces habitans, dénués de principes le supposoient. C'est ainsi que par de fausses hypotheses ils conjecturent que tout travail ou bien tout ouvrage qu'on pourroit entreprendre à la Mer d'Azow, pour faciliter l'écoulement des eaux, seroit inutile, en supposant que la Mer charieroit de rechef l'entrée.

C'est où il faut s'arrêter et bien distinguer les dunes d'avec les îlots: il faut soigneusement reconnoître la source du mal, pour être à portée d'y pourvoir, et même de le prévenir, par des moyens radicaux.

Toutes les plaines qui environnent la ville de Tscherkask offrent des forêts entières de roseaux,

qui ne servent au tems des cruës, que de barrière au libre écoulement des eaux.

Le Don et le Donetz charient à la Mer d'Azow ces matières qu'ils ont emportées du sein des montagnes: ces mêmes matières poussées par les courans rélatifs de ces deux rivières et de leurs confluens, et repoussés par la Mer, se sont arrêtées, établies et fixées où il y avoit de l'équilibre entre ces deux forces, en formant des dépôts, qui constituent les îles qu'on apperçoit.

C'est bien connu, que c'est dans des Mers qui n'ont pas de hautes marées que se forment des fles, ainsi qu'à la Mer d'Azow; mais où la marée a lieu, il se forme généralement des barres, telles qu'on voit dans l'Océan.

Dans les lagunes même de Venise, qui sont exposées aux flux et reflux de la Mer Adriatique qui s'opère deux fois en vingt quatre heures 481 45", où six cent torrens et rivierès se déchargeoient autrefois, il est arrivé que la haute marée en arrêtant les eaux d'écoulement des fleuves, rivières et torrens qu'y fluoient, a produit des regorgemens pendant quelques heures, et généralement parlant jusqu'au reflux: période dans laquelle les eaux douces accumulées à celle de la Mer Adriatique, en refluant, firent la fonction d'une écluse de chasse, entraî

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nant les matières étrangeres aux ports de Brondolo, Chioggia, Malamocco, S. Nicolas, S. Erasme et des Trois-Ports.

Le flux, comme tout le monde connoit, ayant plus d'activité que le reflux, amène des terrestreïtés dans les lagunes, que le reflux n'a pas assez de force de balayer: qu'on ajoute à ces matières les dépôts des rivières, voilà de quelle façon se sont formés les bords maritimes, constituans le litoral de Venise qui sortent depuis des siècles du sein de la Mer, qui s'éléveut de la surface des eaux et où il existe des vergers et des jardins superbes.

On a éloigné, sans aucune exception, tous les fleuves et rivières qui se jetoient dans les lagunes, en établissant une doctrine, d'après des principes directs et indirects.

La doctrine est bien fausse, prise dans un sens général: la rivière Sile en étant la grande pierre de touche. C'est une matière bien délicate et trèsimportante, qui m'a engagé d'en faire un traité, que je publierai dans la suite; où je tâche de développer le mystère dans toute son étendue.

En revenant à la Mer d'Azow il est à observer, qu'à mesure que les dépôts commencent à se former, particulièrement au tems des cruës, le courant perd de sa force. Les dépôts, en prenant

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de plus en plus racine s'élevent; ils sortent de la surface des eaux; il se forme alors des ilots, qui au lieu de diminuer avec le tems, prennent pied de plus en plus, et sitôt que le courant n'a pas eu assez de force de les détruire dès le commencement, il faut qu'il y ait des agens extérieurs et bien puissans, pour pouvoir les anéantir. C'est le but des ouvrages que j'ai entrepris l'an 1802,

C'est dans la distance de dix milles, savoir depuis la proprement dite Pierre blanche jusqu'au village du Kalganik, que l'on apperçoit l'empêchement au libre écoulement des eaux (Pl. II. ) ; et c'est depuis le monastère de S. Tichan (Pl. I.), que l'on peut remarquer que l'issue des eaux est arrêtée.

Ce n'est pas seulement Tscherkask qui soit ménacée par les gros débordemens, mais les désastres se font sentir aux districts de Zaplawsky, Krivii, Bagaïewsky, Bezserghienowski, Semikarakowsky, Katschatowsky, etc.

Avec le vent d'ouest, sud et sud-ouest les sables de la Mer sont agités et soulévés; ensuite lorsqu'il souffle des vents du nord et nord-est les eaux, étant chassées fort loin de la côte, il y a de nouvelles décorations; elles consistent en des monceaux de sable qui restent à découvert, des du

nes qui paroissent, des dépôts de toute espèce, qui se manifestent. Par l'alternative des vents du nord et sud, et des tempêtes; le sable mouvant est soulevé avec plus ou moins de force, poussé et repoussé suivant différentes directions, et c'est par-là qu'on a trouvé même dans les derniers tems des medailles antiques et des monnoies, qui sont encore des restes du naufrage des vaisseaux qui ont echoué anciennement dans la Mer d'Azow.

C'est depuis bien long tems, que la Mer d'Azow a été menacée par des atterrissemens sensibles, tantôt par les rivières, par les différens mouvemens de la Mer et la circulation des eaux, tantôt par les tempêtes. La retraite des eaux, ou pour mieux dire l'exhaussement graduel du lit de la Mer d'Azow fut même connu au tems d'Aristote: At vero quæ ad Meoticum Lacum pertingunt amnium convectu intantum excrevere ut naves multo minores nunquam anno ab hinc sexagesimo quæstus gratia ingrediantur.

Dans la suite des siècles, après la conquête d'Azow, les embouchures du Don se sont de plus en plus encombrées; mais l'on peut dire que le grand changement survint à la moitié du siècle passé : tems justement où les cruës extraordinaires se firent sentir à Tscherkask, d'une manière bien singulière.

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