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Dans le ftyle comique, habile peut fignifier diligent, empreffé. Molière fait dire à M. Loyal :

Que chacun foit habile

A vider de céans jusqu'au moindre uftenfile.

Un habile homme dans les affaires eft inftruit, prudent, & actif ; fi l'un de ces trois mérites lui manque, il n'eft point habile.

Habile courtifan emporte un peu plus de blâme que de louange; il veut dire trop fouvent habile flatteur; il peut auffi ne fignifier qu'un homme adroit qui n'eft ni bas ni méchant. Le renard qui, interrogé par le lion fur l'odeur qu'exhale fon palais, lui répond qu'il eft enrhumé, eft un courtifan habile. Le renard qui, pour fe venger de la calomnie du loup, confeille au vieux lion la peau d'un loup fraîchement écorché pour réchauffer fa majesté, eft plus qu'habile courtifan. C'eft en conféquence qu'on dit, un habile fripon, un habile fcélérat.

Habile, en jurifprudence, fignifie reconnu capable par la loi; & alors capable veut dire ayant droit, ou pouvant avoir droit. On eft habile à fuccéder ; les filles font quelquefois habiles à poffeder une pairie, elles ne font point habiles à fuccéder à la

Couronne.

Les particules dans, à & en, s'emploient avec ce mot. On dit habile dans un art, habile à manier le cifeau, habile en mathématique.

On ne s'étendra point ici fur le moral, fur le danger de vouloir être trop habile, ou de faire l'habile homme, fur les rifques que court ce qu'on appelle une habile femme, quand elle veut gouverner

les affaires de fa maifon fans confeil. On craint d'enfler ce dictionnaire d'inutiles déclamations. (a) Ceux qui préfident à ce grand & important ouvrage, doivent traiter au long les articles des arts & des fciences qui inftruifent le public; & ceux auxquels ils confient de petits articles de littérature, doivent avoir le mérite d'être courts.

Habileté. Ce mot eft à capacité ce qu'habile eft à capable habileté dans une science, dans un art, dans la conduite.

On exprime une qualité acquife en difant, il a de l'habileté. On exprime une action en disant, il a conduit cette affaire avec habileté.

Habilement a les mêmes acceptions: il travaille, il joue, il enfeigne habilement, il a furmonté habilement cette difficulté. Ce n'eft guère la peine d'en dire davantage fur ces petites chofes.

HAUTA I N.

HAUTAIN

AUTAIN eft le fuperlatif de haut & d'altier. Ce mot ne fe dit que de l'efpèce humaine : on peut dire en vers:

Un courfier plein de feu levant fa tête altière.

J'aime mieux ces forêts altières

Que ces jardins plantés par l'art :

mais on ne peut dire forêt hautaine, tête hautaine d'un courfier. On a blâmé dans Malherbe, & il paraît que c'eft à tort, ces vers fi connus :

(a) Ces mots ont été compofés pour le Dictionnaire encyclopédique.

Et dans ces grands tombeaux où leurs ames hautaines

Font encore les vaines,

Ils font mangés des vers.

On a prétendu que l'auteur a supposé mal à propos les ames dans ces fépulcres; mais on pouvait se fouvenir qu'il y avait deux fortes d'ames chez les poëtes anciens, l'une était l'entendement, & l'autre l'ombre légère, le fimulacre du corps. Cette dernière reftait quelquefois dans les tombeaux, ou errait autour d'eux. La théologie ancienne est toujours celle des poëtes, parce que c'eft celle de l'imagination. On a cru cette petite obfervation néceffaire.

Hautain eft. toujours pris en mauvaise part. C'est l'orgueil qui s'annonce par un extérieur arrogant ; c'eft le plus fûr moyen de fe faire haïr, & le défaut dont on doit le plus foigneufement corriger les enfans. On peut être haut dans l'occafion avec bienséance. Un prince peut & doit rejeter avec une hauteur héroïque des propofitions humiliantes, mais non pas avec des airs hautains, un ton hautain, des paroles hautaines. Les hommes pardonnent quelquefois aux femmes d'être hautaines, parce qu'ils leur paffent tout; mais les femmes ne leur pardonnent pas.

L'ame haute eft l'ame grande; la hautaine eft fuperbe. On peut avoir le cœur haut avec beaucoup de modeftie: on n'a point l'humeur hautaine fans un peu d'infolence; l'infolent eft à l'égard du hautain ce qu'eft le hautain à l'impérieux. Ce font des nuances qui fe fuivent, & ces nuances font ce qui détruit les fynonymes.

On a fait cet article le plus court qu'on a pu, par les mêmes raifons qu'on peut voir au mot habile. Le lecteur fent combien il ferait aisé & ennuyeux de déclamer fur ces matières.

HAUTEUR.

Grammaire, morale.

SI hautain eft pris en mal, hauteur eft tantôt

une bonne, tantôt une mauvaise qualité, felon la place qu'on tient, l'occafion où l'on fe trouve, & ceux avec qui l'on traite. Le plus bel exemple d'une hauteur noble & bien placée, eft celui de Popilius, qui trace un cercle autour d'un puiffant roi de Syrie, & lui dit : Vous ne fortirez pas de ce cercle fans fatisfaire à la république ou fans attirer sa vengeance. Un particulier qui en uferait ainfi ferait un impudent. Popilius, qui repréfentait Rome, mettait toute la grandeur de Rome dans fon procédé, & pouvait être un homme modefte.

Il y a des hauteurs généreufes; & le lecteur dira que ce font les plus eftimables. Le duc d'Orléans régent du royaume, preffé par M. Sum, envoyé de Pologne, de ne point recevoir le roi Staniflas, lui répondit: Dites à votre maître que la France a toujours été l'afile des rois.

La hauteur avec laquelle Louis XIV traita quelquefois fes ennemis, eft d'un autre genre, & moins fublime.

On ne peut s'empêcher de remarquer ici ce que le père Bouhours dit du miniftre d'Etat Pompone. Il avait une hauteur, une fermeté d'ame que rien ne fefait ployer. Louis XIV, dans un mémoire de fa main, (a) dit de ce même miniftre, qu'il n'avait ni fermeté, ni dignité.

On a fouvent employé au pluriel le mot hauteur dans le ftyle relevé, les hauteurs de l'efprit humain ; & on dit dans le ftyle fimple, il a eu des hauteurs, il s'eft fait des ennemis par fes hauteurs.

Ceux qui ont approfondi le cœur humain en diront davantage fur ce petit article.

HEMISTICHE.

HEMISTICHE, EMISTICHE, μlotinos, f. m. moitié de vers, demi-vers, repos au milieu du vers. Cet article, qui paraît d'abord une minutie, demande pourtant toute l'attention de quiconque veut s'inftruire. Ce repos à la moitié d'un vers n'eft proprement le partage que des vers alexandrins. La néceffité de couper toujours ces vers en deux parties égales, & la néceffité non moins forte d'éviter la monotonie, d'obferver ce repos & de le cacher, font des chaînes qui rendent l'art d'autant plus précieux qu'il eft plus difficile.

Voici des vers techniques qu'on propofe, quelque faibles qu'ils foient, pour montrer par quelle méthode on doit rompre cette monotonie que la loi de l'hémiftiche femble entraîner avec elle.

(a) On trouve ce mémoire dans le Siècle de Louis XIV.

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