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chambre d'un raïa; une troifième ravira la moitié de la récolte de l'agriculteur, & lui conteftera le refte; il y aura enfin des lois par lefquelles un appariteur tartare viendra faifir vos enfans au berceau, fera du plus robufte un foldat, & du plus faible un eunuque, & laiffera le père & la mère fans fecours & fans confolation.

Or lequel vaut le mieux d'être le chien de Tamerlan ou fon fujet? Il eft clair que la condition de fon chien eft fort fupérieure.

LOIS CIVILES ET ECCLESIASTIQUES.

ON a trouvé dans les papiers d'un jurifconfulte ces

notes qui méritent peut-être un peu d'examen.

Que jamais aucune loi eccléfiaftique n'ait de force que lorsqu'elle aura la fanction expreffe du gouvernement. C'est par ce moyen qu'Athènes & Rome n'eurent jamais de querelles religieuses.

Ces querelles font le partage des nations barbares, ou devenues barbares.

Que le magiftrat feul puiffe permettre ou prohiber le travail les jours de fête, parce qu'il n'appartient pas à des prêtres de défendre à des hommes de cultiver leurs champs.

Que tout ce qui concerne les mariages dépende uniquement du magiftrat, & que les prêtres s'en tiennent à l'augufte fonction de les bénir.

Que le prêt à l'intérêt foit purement un objet de la loi civile, parce qu'elle feule préfide au commerce.

Que

Que tous les eccléfiaftiques foient foumis en tous les cas au gouvernement, parce qu'ils font fujets de

l'Etat.

Que jamais on n'ait le ridicule honteux de payer à un prêtre étranger la première année du revenu d'une terre qué des citoyens ont donnée à un prêtre concitoyen.

Qu'aucun prêtre ne puiffe jamais ôter à un citoyen la moindre prérogative, fous prétexte que ce citoyen est pécheur, parce que le prêtre pécheur doit prier pour les pécheurs & non les juger.

Que les magiftrats, les laboureurs & les prêtres payent également les charges de l'Etat, parce que tous appartiennent également à l'Etat.

Qu'il n'y ait qu'un poids, une mefure, une coutume. Que les fupplices des criminels foient utiles. Un homme pendu n'eft bon à rien, & un homme condamné aux ouvrages publics fert encore la patrie, & eft une leçon vivante.

Que toute loi foit claire, uniforme & précise : l'interpréter, c'eft prefque toujours la corrompre. Que rien ne foit infame que le vice.

Que les impôts ne foient jamais que proportionnels. Que la loi ne foit jamais en contradiction avec l'ufage car fi l'usage est bon, la loi ne vaut rien. (a) (a) Voyez le Poëme de la loi naturelle.

Dillionn. philofoph. Tome V.

Hh

CRIMINELLES.

LOIS

Il n'y a point d'année où quelques juges de pro

L

vince ne condamnent à une mort affreuse quelque père de famille innocent, & cela tranquillement, gaiement même, comme on égorge un dindon dans fa baffe-cour. On a vu quelquefois la même chofe à Paris. (*)

IL eût

LOIS. (ESPRIT DES)

L eût été à défirer que de tous les livres faits fur les lois, par Bodin, Hobbes, Grotius, Puffendorf, Montefquieu, Barbeirac, Burlamaqui, il en eût réfulté quelque loi utile, adoptée dans tous les tribunaux de l'Europe, foit fur les fucceffions, foit fur les contrats, fur les finances, fur les délits &c. Mais ni les citations de Grotius, ni celles de Puffendorf, ni celles de l'Esprit des lois, n'ont jamais produit une fentence du châtelet de Paris, ou de l'old baili de Londres. On s'appefantit avec Grotius, on paffe quelques momens agréablement avec Montefquieu; & fi on a un procès, on court chez fon avocat.

On a dit que la lettre tuait & que l'efprit vivifiait; mais dans le livre de Montefquieu l'efprit égare, & la lettre n'apprend rien.

(*) Voyez fur cette matière la Méprise d'Arras, 2o vol. de Politique & Ligiflation, page 355.

Des citations fauffes dans l'Esprit des lois, des conféquences fauffes que l'auteur en tire, & de plufieurs erreurs qu'il eft important de découvrir.

IL fait dire à Denis d'Halycarnaffe que, felon Ifocrate, Solon ordonna qu'on choifirait les juges dans les quatre claffes des Athéniens.

Denis d'Halycarnaffe n'en a pas dit un feul mot; voici fes paroles: Ifocrate, dans fa harangue, rapporte que Solon & Cliftene n'avaient donné aucune puissance aux fcélérats, mais aux gens de bien. Qu'importe d'ailleurs ce qu'Ifocrate a pu dire dans une déclamation?

A Genes la banque de St George eft gouvernée par le peuple, ce qui lui donne une grande influence. Cette banque eft gouvernée par fix claffes de nobles appelées magiflratures.

On fait que la mer, qui femble vouloir couvrir la terre, eft arrêtée par les moindres herbes & par les moindres graviers.

On ne fait point cela; on fait que la mer est arrêtée par les lois de la gravitation, qui ne font ni gravier ni herbe.

Les Anglais, pour favorifer la liberté, ont ôté toutes les puiffances intermédiaires qui formaient leur monarchie.

Au contraire, ils ont confacré la prérogative de la chambre haute, & confervé la plupart des anciennes jurifdictions qui forment des puiffances intermédiaires.

L'établiffement d'un vifir eft dans un Etat defpotique une loi fondamentale.

Un critique judicieux a remarqué que c'eft comme fi on difait que l'office des maires du palais était une

loi fondamentale. Conftantin était plus que defpotique, & n'eut point de grand-vifir. Louis XIV était un peu defpotique, & n'eut point de premier miniftre. Les papes font affez defpotiques, & en ont rarement. Il n'y en a point dans la Chine, que l'auteur regarde comme un empire defpotique. Il n'y en eut point chez le czar Pierre I, & perfonne ne fut plus defpotique que lui. Le turc Amurat II n'avait point de grand-vifir. Gengis-kan n'en eut jamais.

La vénalité des charges eft bonne dans les Etats monarchiques, parce qu'elle fait faire comme un métier de famille ee qu'on ne voudrait pas entreprendre pour la vertu.

Eft-ce Montefquieu qui a écrit ces lignes honteufes? quoi! parce que les folies de François I avaient dérangé fes finances, il fallait qu'il vendît à de jeunes ignorans le droit de décider de la fortune, de l'honneur & de la vie des hommes! quoi! cet opprobre devient bon dans la monarchie? & la place de magiftrat devient un métier de famille? fi cette infamie était fi bonne, elle aurait au moins été adoptée par quelqu'autre monarchie que la France. Il n'y a pas un feul Etat fur la terre qui ait ofé fe couvrir d'un tel opprobre. Ce monftre est né de la prodigalité d'un roi devenu indigent, & de la vanité de quelques bourgeois dont les pères avaient de l'argent. On a toujours attaqué cet infame abus par des cris impuiffans, parce qu'il eût fallu rembourfer les offices qu'on avait vendus. Il eût mieux valu mille fois, dit un grand jurifconfulte, vendre le tréfor de tous les couvens & l'argenterie de toutes les églifes, que de vendre la juftice. Lorsque François I prit la grille d'argent de S, Martin, il ne fit tort à perfonne; St Martin ne fe plaignit point; il

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