Page images
PDF
EPUB

tant que vous en voudrez; de la communion auffi peu que vous voudrez, vous êtes les maîtres : mais gardez-vous de toucher aux lois de notre Etat.

INTOLERANCE.

LISEZ

ISEZ l'article Intolérance dans le grand dictionnaire encyclopédique. Lifez le traité de la Tolérance composé à l'occafion de l'affreux affaffinat de Jean Calas, citoyen de Toulouse ; (*) & fi après cela vous admettez la perfécution en matière de religion, comparez-vous hardiment à Ravaillac. Vous favez que ce Ravaillac était fort intolérant.

Voici la fubftance de tous les difcours que tiennent les intolérans.

Quoi! monftre, qui feras brûlé à tout jamais dans l'autre monde, & que je ferai brûler dans celui-ci dès que je le pourrai, tu as l'infolence de lire de Thou & Bayle qui font mis à l'index à Rome? Quand je te prêchais de la part de DIEU que Samfon avait tué mille Philiftins avec une mâchoire d'âne, ta tête, plus dure que l'arfenal dont Samfon avait tiré fes armes, m'a fait connaître par un léger mouvement de gauche à droite que tu n'en croyais rien. Et quand je difais que le diable Afmodée, qui tordit le cou par jaloufie aux fept maris de Saraï chez les Mèdes, était enchaîné dans la haute Egypte, j'ai vu une petite contraction de tes lèvres, nommée en latin cachinnus, me fignifier que dans le fond de l'ame l'hiftoire d'Afmodée t'était en dérifion.

(*) Voyez le fecond volume de Politique & Législation.

Et vous Ifaac Newton; Frederic le grand roi de Pruffe, électeur de Brandebourg; Jean Locke; impératrice de Ruffie victorieufe des Ottomans; Jean Milton; bienfefant monarque de Danemarck; Shakespeare; fage roi de Suède; Leibnitz; augufte maison de Brunfwick; Tillotson; empereur de la Chine; parlement d'Angleterre ; confeil du grand - mogol; vous tous enfin qui ne croyez pas un mot de ce que j'ai enseigné dans mes cahiers de théologie, je vous déclare que je vous regarde tous comme des païens ou comme des commis de la douane, ainfi que je vous l'ai dit fouvent pour le buriner dans votre dure cervelle. Vous êtes des fcélérats endurcis ; vous irez tous dans la gehenne où le ver ne meurt point, & où le feu ne s'éteint point; car j'ai raison, & vous avez tous tort; car j'ai la grâce, & vous ne l'avez pas. Je confeffe trois dévotes de mon quartier, & vous n'en confeffez pas une. J'ai fait des mandemens d'évêques, & vous n'en avez jamais fait ; j'ai dit des injures des halles aux philofophes, & vous les avez protégés, ou imités, ou égalés; j'ai fait de pieux libelles diffamatoires farcis des plus infames calomnies, & vous ne les avez jamais lus. Je dis la meffe tous les jours en latin pour douze fous, & vous n'y affiftez pas plus que Cicéron, Caton, Pompée, Cefar, Horace & Virgile n'y ont affifté; par conféquent, vous méritez qu'on vous coupe le poing, qu'on vous arrache la langue, qu'on vous mette à la torture & qu'on vous brûle à petit feu; car DIEU eft miféricordieux.

Ce font-là, fans en rien retrancher, les maximes des intolérans, & le précis de tous leurs livres. Avouons qu'il y a plaifir à vivre avec ces gens-là.

K.

KALENDE S.

LA fête de la circoncifion, que l'Eglife célèbre le premier janvier, a pris la place d'une autre appelée fête des kalendes, des ânes, des fous, des innocens, felon la différence des lieux & des jours où elle se fefait. Le plus fouvent c'était aux fêtes de Noël, à la Circoncifion, ou à l'Epiphanie.

Dans la cathédrale de Rouen il y avait le jour de Noël une proceffion où des eccléfiaftiques choifis représentaient les prophètes de l'ancien Teftament qui ont prédit la naiffance du Meffie; & ce qui peut avoir donné le nom à la fête, c'eft que Balaam y paraiffait monté fur une âneffe; mais comme le poëme de Ladlance, & le livre des promeffes fous le nom de St Profper, difent que JESUS dans la crêche a été reconnu par le bœuf & par l'âne felon ce paffage d'Ifaïe: (a) Le bœuf a reconnu fon maître, & l'âne la crêche de fon Seigneur; (circonftance que l'Evangile, ni les anciens pères n'ont cependant point remarquée ) il eft plus vraisemblable que ce fut de cette opinion que la fête de l'âne prit fon nom.

En effet le jéfuite Théophile Raynaud témoigne que le jour de St Etienne on chantait une profe de l'âne, qu'on nommait auffi la profe des fous, & que le jour de St Jean on en chantait encore une autre qu'on appelait la profe du bœuf. On conferve dans la bibliothèque du chapitre de Sens un manufcrit en vélin avec des miniatures où font représentées les (a) Chap. I, v. 3.

cérémonies de la fête des fous. Le texte en contient la defcription; cette profe de l'âne s'y trouve, on la chantait à deux chœurs qui imitaient par intervalles & comme par refrain le braire de cet animal. Voici le précis de la defcription de cette fête.

On élifait dans les églifes cathédrales un évêque ou un archevêque des fous, & fon élection était confirmée par toutes fortes de bouffonneries qui fervaient de facre. Cet évêque officiait pontificalement & donnait la bénédiction au peuple devant lequel il portait la mitre, la croffe & même la croix archiepifcopale. Dans les églises qui relevaient immédiatement du St Siége, on élifait un pape des fous, qui officiait avec tous les ornemens de la papauté. Tout le clergé affiftait à la messe, les uns en habit de femme, les autres vêtus en bouffons, ou mafqués d'une façon grotefque & ridicule. Non contens de chanter dans le chœur des chanfons licencieuses, ils mangeaient & jouaient aux dés fur l'autel, à côté du célébrant. Quand la meffe était dite, ils couraient, fautaient & danfaient dans l'églife chantant & proférant des paroles obfcènes & fefant mille poftures indécentes jufqu'à fe mettre prefque' nus enfuite ils fe fefaient traîner par les rues dans des tombereaux pleins d'ordures pour en jeter à la populace qui s'affemblait autour d'eux. Les plus libertins d'entre les féculiers fe mêlaient parmi le clergé pour jouer auffi quelque perfonnage de fou en habit eccléfiaftique.

Cette fête fe célébrait également dans les monaftères de moines & de religieufes, comme le témoigne Naudé (b) dans fa plainte à Gaffendi en 1645, où il

(b) M. de la Roque nomme l'auteur Mathurin de Neuré. Voyez le Mercure de septembre 1738, pages 1955 & fuiv.

raconte

raconte qu'à Antibes, dans le couvent des francifcains, les religieux prêtres, ni le gardien n'allaient point au chœur le jour des innocens. Les frères lais y occupaient leurs places ce jour-là, & fefaient une manière d'office, revêtus d'ornemens facerdotaux déchirés & tournés à l'envers. Ils tenaient des livres à rebours, fefant semblant de lire avec des lunettes qui avaient de l'écorce d'orange pour verre, & marmotaient des mots confus, ou pouffaient des cris avec des contorfions extravagantes.

Dans le fecond registre de l'église d'Autun du fecrétaire Rotarii, qui finit en 1416, il est dit, fans fpécifier le jour, qu'à la fête des fous on conduifait un âne auquel on mettait une chappe fur le dos, & l'on chantait: Hé, fire âne, hé, hé.

Ducange rapporte une fentence de l'officialité de Viviers contre un certain Guillaume qui, ayant été élu évêque fou en 1406, avait refufé de faire les folemnités & les frais accoutumés en pareille occafion.

Enfin les registres de S'Etienne de Dijon, en 1521, font foi, fans dire le jour, que les vicaires couraient par les rues avec fifres, tambours & autres inftrumens, & portaient des lanternes devant le préchantre des fous à qui l'honneur de la fête appartenait principalement. Mais le parlement de cette ville, par un arrêt du 19 janvier 1552, défendit la célébration de cette fête déjà condamnée par quelques conciles, & furtout par une lettre circulaire du 12 mars 1444 envoyée à tout le clergé du royaume par l'univerfité de Paris. Cette lettre, qui fe trouve à la fuite des ouvrages de Pierre de Blois, porte que cette fête paraiffait aux yeux du clergé fi bien pensée & fi chrétienne, que Dictionn. philofoph. Tome V. A a

« PreviousContinue »