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Page 313. Quoiqu'on ait fuppofé dans la formule de la fentence de torture qu'il y avait variation dans les réponses de l'accufé, & d'autre part indices fuffifans pour l'appliquer à la queftion, ces deux conditions enfemble ne font pas néceffaires, elles fuffifent réciproquement l'une fans l'autre.

Pegna nous apprend, fcolie 118, livre III, que les inquifiteurs n'emploient ordinairement que cinq efpèces de tourmens dans la queftion, quoique Marfilius faffe mention de quatorze espèces, & qu'il ajoute même qu'il en a imaginé d'autres, comme la fouftraction du fommeil, en quoi il eft approuvé par Grillandus & par Locatus.

Eymeric continue, page 319. Il faut bien prendre garde d'inférer dans la formule d'abfolution que l'accufé eft innocent, mais feulement qu'il n'y a pas de preuves fuffifantes contre lui; précaution qu'on prend afin que fi dans la fuite l'accufé qu'on abfout était remis en cause, l'abfolution qu'il reçoit ne puisse pas lui fervir de défense.

Page 324. On prefcrit quelquefois ensemble l'abjuration & la purgation canonique. C'est ce qu'on fait lorfqu'à la mauvaise réputation d'un homme en matière de doctrine, il fe joint des indices confidérables, qui, s'ils étaient un peu plus forts, tendraient à le convaincre d'avoir effectivement dit ou fait quelque chofe contre la foi. L'accufé qui eft dans ce cas eft obligé d'abjurer toute héréfie en général, & alors s'il retombe dans quelque héréfie que ce foit, même diftinguée de celles fur lefquelles il avait été suspect, il eft puni comme relaps & livré au bras féculier.

Page 331. Les relaps, lorfque la rechute eft bien conftatée, doivent être livrés à la juftice féculière, quelque proteftation qu'ils faffent pour l'avenir & quelque repentir qu'ils témoignent. L'inquifiteur fera donc avertir la juftice féculière qu'un tel jour à telle heure & dans un tel lieu on lui livrera un hérétique, & l'on fera annoncer au peuple qu'il ait à se trouver à la cérémonie, parce que l'inquifiteur fera un fermon fur la foi, & que les affiftans y gagneront les indulgences accoutumées.

Ces indulgences font ainfi énoncées après la formule de fentence contre l'hérétique pénitent : l'inquifiteur accordera quarante jours d'indulgence à tous les affiftans, trois ans à ceux qui ont contribué à la capture, à l'abjuration, à la condamnation &c. de l'hérétique, & enfin trois ans auffi de la part de notre faint père le pape, à tous ceux qui dénonceront quelqu'autre hérétique.

Page 332. Lorfque le coupable aura été livré à la juftice féculière, celle-ci prononcera fa fentence & le criminel fera conduit au lieu du fupplice: des perfonnes pieufes l'accompagneront, l'affocieront à leurs prières, prieront avec lui & nc le quitteront point qu'il n'ait rendu fon aine à fon créateur. Mais elles doivent bien prendre garde de rien dire ou de rien faire qui puiffe hâter le moment de fa mort, de peur de tomber dans l'irrégularité. Ainfi, on ne doit point exhorter le criminel à monter fur l'échafaud ni à fe préfenter au bourreau, ni avertir celui-ci de difpofer les inftrumens du fupplice de manière que la mort s'enfuive plus promptement & que le patient ne languiffe point; toujours à caufe de l'irrégularité.

Page 335. S'il arrivait que l'hérétique, prêt à être attaché au pieu pour être brûlé, donnât des fignes de converfion, on pourrait peut-être le recevoir par grâce fingulière & l'enfermer entre quatre murailles comme les hérétiques pénitens, quoiqu'il ne faille pas ajouter beaucoup de foi à une pareille converfion & que cette indulgence ne foit autorisée par aucune difpofition du droit : mais cela est fort dangereux; j'en ai vu un exemple à Barcelonne. Un prêtre condamné avec deux autres hérétiques impénitens & déjà au milieu des flammes cria qu'on le retirât & qu'il voulait fe convertir; on le retira en effet déjà brûlé d'un côté ; je ne dis pas qu'on ait bien ou mal fait: ce que je fais, c'eft que quatorze ans après on s'aperçut qu'il dogmatifait encore & qu'il avait corrompu beaucoup de perfonnes; on l'abandonna donc une autre fois à la juftice & il fut brûlé.

Perfonne ne doute, dit Pegna fcolie 47, qu'il ne faille faire mourir les hérétiques; mais on peut demander quel genre de fupplice il convient d'employer. Alfonfe de Caftro, livre II, de la jufle punition des hérétiques, penfe qu'il eft affez indifferent de les faire périr par l'épée, ou par le feu, ou par quelque autre fupplice; mais Hoftienfis Godofredus, Covarruvias, Simancas, Roxas &c. foutiennent qu'il faut abfolument les brûler. En effet, comme le dit très-bien Hoftienfis, le fupplice du feu eft la peine due à l'héréfie. On lit dans St Jean: (e) Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il fera jeté dehors comme un farment & il féchera, & on le ramaffera pour le jeter au feu &

(e) Chap. XV, v. 6.

le

le brûler. Ajoutons, continue Pegna, que la coutume univerfelle de la république chrétienne vient à l'appui de ce fentiment. Simancas & Roxas décident qu'il faut les brûler vifs, mais il y a une précaution qu'il faut toujours prendre en les brûlant, c'eft de leur arracher la langue ou de leur fermer la bouche afin qu'ils ne fcandalifent pas les affiftans par leurs impiétés.

Enfin page 369, Eymeric ordonne qu'en matière d'héréfie on procéde tout uniment fans les criailleries des avocats & fans tant de folemnités dans les jugemens: c'est-à-dire qu'on rende la procédure la plus courte qu'il eft poffible en en retranchant les délais inutiles, en travaillant à inftruire la caufe, même dans les jours où les autres juges fufpendent leurs travaux, en rejetant tout appel qui ne fert qu'à éloigner le jugement, en n'admettant pas une multitude inutile de témoins &c.

Cette jurifprudence révoltante n'a été que reftreinte en Espagne & en Portugal, tandis que l'inquifition même vient enfin d'être entiérement fupprimée à Milan. ( 1 )

(1) Elle vient de l'être en Sicile & dans la Toscane: Gènes & Venise ont la faibleffe de la conferver; mais on ne lui laiffe aucune adivité. Elle fubfifte, mais fans pouvoir, dans les Etats de la maifon de Savoie. La gloire d'abolir ce monument odieux du fanatisme & de la barbarie de nos pères n'a encore tenté aucun fouverain pontife. L'inquifition de Rome eft l'objet du mépris de l'Europe & même des Romains, depuis fon absurde procédure contre Galilée. La nobleffe avignonaife permet à ce tribunal d'exifter dans un coin de la France, & contente de n'en avoir rien à craindre, elle n'eft point fenfible à la honte de porter ce joug monaftique. En Elpagne & en Portugal, l'inquifition devenue moins atroce a repris tout fon pouvoir; elle menace de la prifon & de la confifcation quiconque oferait tenter de faire quelque bien à ces malheureuses contrées.

Dictionn. philofoph. Tome V.

N

1

SECTION I I.

L'INQUISITION eft, comme on fait, unc inven

tion admirable & tout-à-fait chrétienne le pape & les moines plus puiffans, & tout un royaume hypocrite.

pour rendre

pour rendre

On regarde d'ordinaire St Dominique comme le premier à qui l'on doit cette fainte inftitution. En effet nous avons encore une patente donnée par ce grand faint, laquelle eft conçue en ces propres mots : Moi, frère Dominique, je réconcilie à l'Eglife le nommé Roger porteur des préfentes, à condition qu'il fe fera fouetter par un prêtre trois dimanches confécutifs depuis l'entrée de la ville jufqu'à la porte de l'Eglife, qu'il fera maigre toute fa vie, qu'il jeûnera trois carêmes dans l'année, qu'il ne boira jamais de vin, qu'il portera le fan-benito avec des croix, qu'il récitera le bréviaire tous les jours, dix pater dans la journée & vingt à l'heure de minuit, qu'il gardera déformais la continence & qu'il fe préfentera tous les mois au curé de fa paroiffe &c; tout cela fous peine d'être traité comme hérétique, parjure & impénitent.

Quoique Dominique foit le véritable fondateur de l'inquifition, cependant Louis de Paramo, l'un des plus respectables écrivains & des plus brillantes lumières du faint Office, rapporte, au titre fecond de fon fecond livre, que DIEU fut le premier inftituteur du faint Office, & qu'il exerça le pouvoir des frères prêcheurs contre Adam. D'abord Adam eft cité au tribunal, Adam ubi es? & en effet, ajoute-t-il, le défaut de citation aurait rendu la procédure de DIEU nulle.

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