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Il eft impoffible du moins de prouver qu'il n'y en a point; car s'il eft de foi qu'il y a des diables qui entrent dans nos corps, qui les empêchera de nous fervir de femmes, & d'entrer dans nos filles? S'il eft des diables, il est probablement des diableffes. Ainfi pour être conféquent, on doit croire que les diables mafculins font des enfans à nos filles, & que nous en fefons aux diables féminins.

Il n'y a jamais eu d'empire plus univerfel que celui du diable. Qui l'a détrôné? la raison. (*)

QUI

INFIN I.

UI me donnera une idée nette de l'infini ? je n'en ai jamais eu qu'une idée très-confufe. N'eft-ce point parce que je fuis exceffivement fini ?

Qu'est-ce que marcher toujours fans avancer jamais? compter toujours fans faire fon compte? divifer toujours pour ne jamais trouver la dernière partie ?

Il femble que la notion de l'infini foit dans le fond du tonneau des Danaïdes.

Cependant il eft impoffible qu'il n'y ait pas un infini. Il est démontré qu'une durée infinie est écoulée.

Commencement de l'être eft abfurde; car le rien ne peut commencer une chose. Dès qu'un atome exifte, il faut conclure qu'il y a quelque être de toute éternité. Voilà donc un infini en durée rigoureusement démontré. Mais qu'eft-ce qu'un infini qui eft paffé un infini que j'arrête dans mon esprit au (*) Voyez l'article Becker. Dictionn. philofoph. Tome V.

V

moment que je veux? je dis, voilà une éternité écoulée; allons à une autre. Je diftingue deux éternités, l'une ci-devant, & l'autre ci-après.

Quand j'y réfléchis, cela me paraît ridicule. Je m'aperçois que j'ai dit une fottise en prononçant ces mots, une éternité eft paffée, j'entre dans une éternité

nouvelle.

Car au moment que je parlais ainfi, l'éternité durait, la fluente du temps courait. Je ne pourrais la croire arrêtée. La durée ne peut fe féparer. Puifque quelque chofe a été toujours, quelque chofe eft & fera toujours.

L'infini en durée eft donc lié d'une chaîne non interrompue. Cet infini fe perpétue dans l'inftant même où je dis qu'il eft paffé. Le temps a commencé & finira pour moi; mais la durée eft infinie.

Voilà déjà un infini de trouvé, fans pouvoir pourtant nous en former une notion claire.

On nous présente un infini en espace. Qu'entendezvous par efpace? eft-ce un être ? eft-ce rien?

Si c'est un être, de quelle espèce eft-il? vous ne pouvez me le dire. Si c'eft rien, ce rien n'a aucune propriété: & vous dites qu'il eft pénétrable, immense! Je fuis fi embarraffé que je ne puis ni l'appeler néant, ni l'appeler quelque chofe.

Je ne fais cependant aucune chofe qui ait plus de propriétés que le rien, le néant. Car en partant des bornes du monde, s'il y en a, vous pouvez vous promener dans le rien, y penser, y bâtir fi vous avez des matériaux; & ce rien, ce néant ne pourra s'oppofer à rien de ce que vous voudrez faire; car n'ayant aucune propriété il ne peut vous apporter aucun

empêchement. Mais auffi puifqu'il ne peut vous nuire en rien, il ne peut vous fervir.

On prétend que c'eft ainfi que DIEU créa le monde dans le rien & de rien cela eft abftrus, il vaut mieux fans doute penser à fa fanté qu'à l'espace infini.

Mais nous fommes curieux, & il y a un espace. Notre efprit ne peut trouver ni la nature de cet espace, ni fa fin. Nous l'appelons immenfe, parce que nous ne pouvons le mefurer. Que réfulte-t-il de tout cela? que nous avons prononcé des mots.

Etranges queftions qui confondent fouyent
Le profond s'Gravefande & le fubtil Mairant.

De l'infini en nombre.

Nous avons beau défigner l'infini arithmétique par un las d'amour en cette façon ∞, nous n'aurons pas une idée plus claire de cet infini numéraire. Cet infini n'eft, comme les autres, que l'impuiffance de trouver le bout. Nous appelons l'infini en grand un nombre quelconque qui furpaffera quelque nombre que nous puiffions fuppofer.

Quand nous cherchons l'infiniment petit, nous divifons; & nous appelons infini une quantité moindre qu'aucune quantité affignable. C'eft encore un autre nom donné à notre impuiffance.

La matière eft-elle divifible à l'infini?

CETTE queflion revient précisément à notre incapacité de trouver le dernier nombre. Nous pourrons toujours divifer par la pensée un grain de fable, mais par la pensée feulement. Et l'incapacité de divifer toujours ce grain eft appelée infini.

On ne peut nier que la matière ne foit toujours divisible par le mouvement qui peut la broyer toujours. Mais s'il divifait le dernier atome, ce ne ferait plus le dernier, puifqu'on le diviferait en deux. Et s'il était le dernier, il ne ferait plus divifible. Et s'il était divifible, où feraient les germes, où feraient les élémens des chofes? cela eft encore fort abftrus.

De l'univers infini.

L'UNIVERS eft-il borné? fon étendue eft-elle ' immense? les foleils & les planètes font-ils fans nombre? quel privilége aurait l'espace qui contient une quantité de foleils & de globes fur une autre partie de l'espace qui n'en contiendrait pas ? Que l'espace foit un être ou qu'il foit rien, quelle dignité a eu l'efpace où nous fommes pour être préféré à d'autres?

Si notre univers matériel n'eft pas infini, il n'eft qu'un point dans l'étendue. S'il eft infini, qu'eft-ce qu'un infini actuel auquel je puis toujours ajouter par la pensée ?

De l'infini en géométrie.

ON admet en géométrie, comme nous l'avons indiqué, non-feulement des grandeurs infinies, c'eft-à-dire plus grandes qu'aucune affignable, mais encore des infinis infiniment plus grands les uns que les autres. Cela étonne d'abord notre cerveau qui n'a qu'environ fix pouces de long fur cinq de large, & trois de hauteur dans les plus groffes têtes. Mais cela ne veut dire autre chofe finon qu'un quarré plus grand qu'aucun quarré affignable l'emporte fur une ligne conçue plus longue qu'aucune ligne affignable, & n'a point de proportion avec elle.

C'est une manière d'opérer; c'est la manipulation de la géométrie, & le mot d'infini eft l'enseigne.

De l'infini en puissance, en action, en sagesse, en

bonté &c.

DE même que nous ne pouvons nous former aucune idée pofitive d'un infini en durée, en nombre, en étendue, nous ne pouvons nous en former une en puiffance phyfique ni même en morale.

Nous concevons aifément qu'un être puiffant arrangea la matière, fit circuler des mondes dans. l'efpace, forma les animaux, les végétaux, les métaux. Nous fommes menés à cette conclufion par l'impuiffance où nous voyons tous ces êtres de s'être arrangés eux-mêmes. Nous fommes forcés de convenir que ce grand Etre exifte éternellement par lui-même, puifqu'il ne peut être forti du néant.

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