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Les idoles rendaient auffi des oracles, & les prêtres cachés dans le creux des ftatues parlaient au nom de la divinité.

Comment au milieu de tant de dieux & de tant de theogonies différentes, & de cultes particuliers, n'y eut-il jamais de guerre de religion chez les peuples nommés idolâtres? Cette paix fut un bien qui naquit d'un mal, de l'erreur même car chaque nation, reconnaissant plufieurs dieux inférieurs, trouva bon que fes voifins euffent auffi les leurs. Si vous exceptez Cambyfe à qui on reprocha d'avoir tué le bœuf Apis, on ne voit dans l'histoire profane aucun conquérant qui ait maltraité les dieux d'un peuple vaincu. Les gentils n'avaient aucune religion exclufive, & les prêtres ne fongèrent qu'à multiplier les offrandes & les facrifices.

Les premières offrandes furent des fruits. Bientôt après il fallut des animaux pour la table des prêtres; ils les égorgeaient eux-mêmes ; ils devinrent bouchers & cruels enfin ils introduifirent l'ufage horrible de facrifier des victimes humaines, & furtout des enfans & des jeunes filles. Jamais les Chinois, ni les Parfis, ni les Indiens ne furent coupables de ces abominations; mais à Hiéropolis en Egypte, au rapport de Porphyre, on immola des hommes.

Dans la Tauride, on facrifiait des étrangers; heureufement les prêtres de la Tauride ne devaient pas avoir beaucoup de pratiques. Les premiers Grecs, les Cypriots, les Phéniciens, les Tyriens, les Carthaginois eurent cette fuperftition abominable.

Les Romains eux-mêmes tombèrent dans ce crime de religion; & Plutarque rapporte qu'ils immolèrent

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deux grecs & deux gaulois, pour expier les galanteries de trois veftales. Procope, contemporain du roi des Francs Théodebert, dit que les Francs immolèrent des hommes quand ils entrèrent en Italie avec ce prince. Les Gaulois, les Germains fefaient communément de ces affreux facrifices. On ne peut guère lire l'histoire fans concevoir de l'horreur pour le genre-humain.

&

Il est vrai que chez les Juifs Jephté facrifia sa fille, que Saul fut prêt d'immoler fon fils; il est vrai que ceux qui étaient voués au Seigneur par anathème ne pouvaient être rachetés ainfi qu'on rachetait les bêtes, & qu'il fallait qu'ils périffent.

Nous parlons ailleurs des victimes humaines facrifiées dans toutes les religions.

Pour confoler le genre-humain de cet horrible tableau, de ces pieux facriléges, il eft important de favoir que chez prefque toutes les nations nommées idolâtres, il y avait la théologie facrée & l'erreur populaire, le culte fecret & les cérémonies publiques, la religion des fages & celle du vulgaire. On n'enfeignait qu'un feul Dieu aux initiés dans les myftères : il n'y a qu'à jeter les yeux fur l'hymne attribué à l'ancien Orphée, qu'on chantait dans les mystères de Cérès Eleufine, fi célébre en Europe & en Afie. ,, Contemple la nature divine, illumine ton efprit, "gouverne ton cœur, marche dans la voie de la ,, justice, que le Dieu du ciel & de la terre soit ,, toujours présent à tes yeux; il est unique, il " exifte feul par lui-même, tous les êtres tiennent , de lui leur existence; il les foutient tous: il n'a jamais été vu des mortels, & il voit toutes ,, choses.",

Qu'on life encore ce paffage du philofophe Maxime de Madaure, que nous avons déjà cité : ", Quel ,, homme eft affez groffier, affez ftupide pour douter " qu'il foit un Dieu fuprême, éternel, infini, qui " n'a rien engendré de femblable à lui-même, & qui eft le père commun de toutes choses ?

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Il y a mille témoignages que les fages abhorraient non feulement l'idolâtrie, mais encore le polythéisme.

Epictete, ce modèle de réfignation & de patience, cet homme fi grand dans une condition fi baffe, ne parle jamais que d'un feul Dieu. Relifez encore cette maxime: DIEU m'a créé, DIEU eft au-dedans de " moi, je le porte par-tout. Pourrais-je le fouiller " par des penfées obfcènes, par des actions injuftes, " par d'infames défirs? Mon devoir eft de remercier " DIEU de tout, de le louer de tout, & de ne ceffer de le bénir, qu'en ceffant de vivre. Toutes les idées d'Epiclète roulent fur ce principe. Eft-ce là un idolâtre ?

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Marc-Aurèle, auffi grand peut-être fur le trône de l'empire romain qu'Epiclète dans l'esclavage, parle fouvent, à la vérité, des dieux, foit pour fe conformer au langage reçu, foit pour exprimer des êtres mitoyens entre l'Etre fuprême & les hommes; mais en combien d'endroits ne fait-il pas voir qu'il ne reconnaît qu'un Dieu éternel, infini?,, Notre ame, , dit-il, eft une émanation de la Divinité. Mes enfans, mon corps, mes efprits me viennent de

"' DIEU. "

Les ftoïciens, les platoniciens admettaient une nature divine & univerfelle; les épicuriens la niaient.

Les pontifes ne parlaient que d'un feul Dieu dans les myftères. Où étaient donc les idolâtres ? Tous nos déclamateurs crient à l'idolâtrie comme de petits chiens qui jappent quand ils entendent un gros chien aboyer.

Au refte, c'eft une des plus grandes erreurs du dictionnaire de Moréri, de dire que, du temps de Théodofe le jeune, il ne refta plus d'idolâtres que dans les pays reculés de l'Afie & de l'Afrique. Il y avait dans l'Italie beaucoup de peuples encore gentils, même au feptième fiècle. Le nord de l'Allemagne, depuis le Vézer, n'était pas chrétien du temps de Charlemagne. La Pologne & tout le Septentrion reftèrent long-temps après lui dans ce qu'on appelle idolâtrie. La moitié de l'Afrique, tous les royaumes au-delà du Gange, le Japon, la populace de la Chine, cent hordes de Tartares ont confervé leur ancien culte. Il n'y a plus en Europe que quelques lapons, quelques famoïèdes, quelques tartares qui aient perfévéré dans la religion de leurs ancêtrès.

Finiffons par remarquer que dans les temps qu'on appelle parmi nous le moyen âge, nous appclions le pays des mahométans la Paganie, nous traitions d'idolâtres, d'adorateurs d'images, un peuple qui a les images en horreur. Avouons, encore une fois, que les Turcs font plus excufables de nous croire idolâtres, quand ils voient nos autels chargés d'images & de flatues.

Un gentilhomme du prince Ragotski m'a affuré fur fon honneur qu'étant entré dans un café à Conftantinople, la maîtreffe ordonna qu'on ne le fervît point parce qu'il était idolâtre. Il était proteftant; il lui jura

qu'il n'adorait ni hoftie ni images. Ah! fi cela eft, lui dit cette femme, venez chez moi tous les jours, vous ferez fervi pour rien.

IGNACE DE

LOYOL A.

VOULEZ-VOUS
OULEZ-VOUS acquérir un grand nom, être

fondateur? foyez complètement fou; mais d'une folie qui convienne à votre fiècle. Ayez dans votre folie un fonds de raifon qui puiffe fervir à diriger vos extravagances, & foyez exceffivement opiniâtre. pourra arriver que vous foyez pendu; mais fi vous ne l'êtes pas, vous pourrez avoir des autels.

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En confcience y a-t-il jamais eu un homme plus digne des petites-maifons que St Ignace, ou St Inigo le bifcayen, car c'eft fon véritable nom? La tête lui tourna à la lecture de la Légende dorée, comme elle tourna depuis à dom Quichotte de la Manche pour avoir lu des romans de chevalerie. Voilà mon biscayen qui fe fait d'abord chevalier de la Vierge, & qui fait la veille des armes à l'honneur de fa dame. La Ste Vierge lui apparaît, & accepte fes fervices; elle revient plufieurs fois, elle lui amène fon fils. Le diable qui est aux aguets, & qui prévoit tout le mal que les jéfuites lui feront un jour, vient faire un vacarme de lutin dans la maifon, caffe toutes les vîtres; le biscayen le chaffe avec un figne de croix; le diable s'enfuit à travers la muraille, & y laiffe une grande ouverture que l'on montrait encore aux curieux cinquante ans après ce bel événement.

Sa famille voyant le dérangement de fon efprit, veut le faire enfermer & le mettre au régime: il fe

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