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petit peuple ne put avoir des annales que lorfqu'il eut un gouvernement stable; qu'il n'eut ce gouvernement que fous fes rois; que fon jargon ne fe forma qu'avec le temps d'un mélange de phénicien & d'arabe. Il y a des preuves inconteftables que les Phéniciens cultivaient les lettres très-long-temps avant eux. Leur profeffion fut le brigandage & le courtage; ils ne furent écrivains que par hafard. On a perdu les livres des Egyptiens & des Phéniciens; les Chinois, les Brames, les Guèbres, les Juifs ont confervé les leurs. Tous ces monumens font curieux; mais ce ne font que des monumens de l'imagination humaine dans lefquels on ne peut apprendre une feule vérité, foit phyfique, foit hiftorique. Il n'y a point aujourd'hui de petit livre de physique, qui ne foit plus utile que tous les livres de l'antiquité.

Le bon Calmet ou dom Calmet (car les bénédictins veulent qu'on leur donne du dom) ce naïf compilateur de tant de rêveries & d'imbécillités, cet homme que fa fimplicité a rendu fi utile à quiconque veut rire des fottifes antiques, rapporte fidellement les opinions de ceux qui ont voulu deviner la maladie dont Job fut attaqué, comme fi Job eût été un personnage réel. Il ne balance point à dire que Job avait la vérole, & il entaffe paffage fur paffage à fon ordinaire pour prouver ce qui n'eft Il n'avait pas l'hiftoire de la vérole par Afruc: car Aftruc n'étant ni un père de l'Eglise ni un docteur de Salamanque, mais un médecin très-favant, le bon homme Calmet ne favait pas feulement qu'il exiftât; les moines compilateurs font de pauvres gens.

pas.

lu

(Par un malade aux eaux d'Aix-la-Chapelle.)

JOSE P H.

L'HISTOIRE 'HISTOIRE de Jofeph, à ne la confidérer que comme un objet de curiofité & de littérature, eft un des plus précieux monumens de l'antiquité, qui foient parvenus jusqu'à nous. Elle paraît être le modèle de tous les écrivains orientaux; elle eft plus attendriffante que l'Odyffée d'Homère; car un héros qui pardonne eft plus touchant que celui qui fe venge.

Nous regardons les Arabes comme les premiers auteurs de ces fictions ingénieuses qui ont paffé dans toutes les langues; mais je ne vois chez eux aucune aventure comparable à celle de Jofeph. Prefque tout en eft merveilleux, & la fin peut faire répandre des larmes d'attendriffement. C'est un jeune homme de feize ans dont fes frères font jaloux; il eft vendu par eux à une caravane de marchands ifmaëlites, conduit en Egypte, & acheté par un eunuque du roi. Cet eunuque avait une femme, ce qui n'eft point du tout étonnant; le kiflar-aga, eunuque parfait, à qui on a tout coupé, a aujourd'hui un férail à Conftantinople on lui a laiffé fes yeux & fes mains, & la nature n'a point perdu fes droits dans fon cœur. Les autres eunuques, à qui on n'a coupé que les deux accompagnemens de l'organe de la génération, emploient encore fouvent cet organe ; & Putiphar, à qui Jofeph fut vendu, pouvait très-bien être du nombre de ces eunuques.

La femme de Putiphar devint amoureuse du jeune Jofeph, qui, fidelle à fon maître & à fon bienfaiteur,

rejette les empreffemens de cette femme. Elle en est irritée, & accuse Jofeph d'avoir voulu la féduire. C'est l'hiftoire d'Hyppolite & de Phedre, de Bellerophon & de Sténobée, d'Hébrus & de Damafippe, de Tantis & de Péribée, de Myrille & d'Hippodamie, de Pélée & de

Demenette.

Il eft difficile de favoir quelle eft l'originale de toutes ces hiftoires; mais chez les anciens auteurs arabes, il y a un trait touchant l'aventure de Jofeph & de la femme de Putiphar, qui eft fort ingénieux. L'auteur fuppofe que Putiphar, incertain entre fa femme & Jofeph, ne regarda pas la tunique de Jofeph que fa femme avait déchirée comme une preuve de l'attentat du jeune homme. Il y avait un enfant au berceau dans la chambre de la femme; Jofeph difait qu'elle lui avait déchiré & ôté fa tunique en préfence de l'enfant ; Putiphar confulta l'enfant dont l'efprit était fort avancé pour fon âge; l'enfant dit à Putiphar : Regardez fi la tunique eft déchirée par devant ou par derrière; fi elle l'est par devant, c'est une preuve que Jofeph a voulu prendre par force votre femme qui fe défendait; fi elle l'est par derrière, c'est une preuve que votre femme courait après lui. Putiphar, grâce au génie de cet enfant, reconnut l'innocence de fon efclave. C'eft ainfi que cette aventure eft rapportée dans l'Alcoran d'après l'ancien auteur arabe. Il ne s'embarrasse point de nous inftruire à qui appartenait l'enfant qui jugea avec tant d'efprit. Si c'était un fils de la Putiphar Jofeph n'était pas le premier à qui cette femme en

avait voulu.

Quoi qu'il en foit, Jofeph, felon la Genèse, est mis en prifon, & il s'y trouve en compagnie de l'échanfon

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& du panetier du roi d'Egypte. Ces deux prifonniers d'Etat rêvent tous deux pendant la nuit; Jofeph explique leurs fonges; il leur prédit que dans trois jours l'échanfon rentrera en grâce, & que le panetier fera pendu, ce qui ne manqua pas d'arriver.

Deux ans après, le roi d'Egypte rêve auffi; fon échanfon lui dit qu'il y a un jeune juif en prifon, qui eft le premier homme du monde pour l'intelligence des rêves; le roi fait venir le jeune homme, qui lui prédit fept années d'abondance, & fept années de ftérilité.

Interrompons un peu ici le fil de l'hiftoire, pour voir de quelle prodigieufe antiquité eft l'interprétation des fonges. Jacob avait vu en fonge l'échelle mystérieuse au haut de laquelle était DIEU lui-même : il apprit en fonge une méthode de multiplier les troupeaux; méthode qui n'a jamais réuffi qu'à lui. Jofeph lui-même avait appris par un fonge qu'il dominerait un jour fur les frères. Abimélec, long-temps auparavant, avait été averti en fonge que Sara était femme d'Abraham. (*)

Revenons à Jofeph. Dès qu'il eut expliqué le fonge de Pharaon, il fut fur le champ premier miniftre. On doute qu'aujourd'hui on trouvât un roi, même en Afie, qui donnât une telle charge pour un rêve expliqué. Pharaon fit époufer à Jofeph une fille de Putiphar. Il eft dit que ce Putiphar était grand-prêtre d'Héliopolis; ce n'était donc pas l'eunuque fon premier maître; ou fi c'était lui, il avait encore certainement un autre titre que celui de grand-prêtre, & fa femme avait été mère plus d'une fois.

(*) Voyez Songe.

Cependant, la famine arriva, comme Jofeph l'avait prédit, & Jofeph, pour mériter les bonnes grâces de fon roi, força tout le peuple à vendre fes terres à Pharaon, & toute la nation fe fit efclave pour avoir du blé. C'eft-là apparemment l'origine du pouvoir defpotique. Il faut avouer que jamais roi n'avait fait un meilleur marché; mais auffi le peuple ne devait guère bénir le premier miniftre.

Enfin, le père & les frères de Jofeph eurent auffi besoin de blé, car la famine défolait alors toute la terre. Ce n'eft pas la peine de raconter ici comment Jofeph reçut fes frères, comment il leur pardonna & les enrichit. On trouve dans cette hiftoire tout ce qui conftitue un poëme épique intéreffant; expofition nœud, reconnaissance, péripétie, & merveilleux. Rien n'eft plus marqué au coin du génie oriental.

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Ce que le bon homme Jacob père de Jofeph répondit à Pharaon doit bien frapper ceux qui favent lire. Quel âge avez-vous? lui dit le roi ; j'ai cent trente ans, dit le vieillard, & je n'ai pas eu encore un jour heureux dans ce court pélerinage.

JE

JUDÉ E.

E n'ai pas été en Judée, Dieu merci, & je n'irai jamais. J'ai vu des gens de toute nation qui en font revenus. Ils m'ont tous dit que la fituation de Jérufalem eft horrible; que tout le pays d'alentour eft pierreux; que les montagnes font pelées; que le fameux fleuve du Jourdain n'a pas plus de quarantecinq pieds de largeur, que le feul bon canton de ce

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