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que l'empreffement de ce jéfuite anglais nommé Routh, à venir s'emparer de la dernière heure du célébre Montefquieu. Il vint, dit-il, rendre cette ame vertueuse à la religion, comme fi Montefquieu n'avait pas mieux connu la religion qu'un Routh, comme fi DIEU eût voulu que Montefquicu penfàt comme un Routh. On le chaffa de la chambre, & il alla crier dans tout Paris : J'ai converti cet homme illuftre, je lui ai fait jeter au feu fes Lettres perfannes & fon Efprit des lois. On eut foin d'imprimer la relation de la converfion du préfident de Montefquieu par le révérend père Routh, dans ce libelle intitulé: Anti-philofophique. (1)

Un autre orgueil des jéfuites était de faire des miffions dans les villes comme s'ils avaient été chez des Indiens & chez des Japonais. Ils fe fefaient fuivre dans les rues par la magiftrature entière. On portait une croix devant eux, on la plantait dans la place publique; ils dépoffédaient le curé, ils devenaient. les maîtres de la ville. Un jéfuite nommé Aubert fit une pareille miffion à Colmar, & obligea l'avocatgénéral du confeil fouverain de brûler à ses pieds son Bayle, qui lui avait coûté cinquante écus. J'aurais mieux aimé brûler frère Aubert. Jugez comme l'orgueil de cet Aubert fut gonflé de ce facrifice, comme il s'en vanta le foir avec fes confrères, comme il en écrivit à fon général.

O moines ! ô moines! foyez modeftes, je vous l'ai déjà dit; foyez modérés fi vous ne voulez pas que malheur vous arrive.

(1) Nous avons obfervé déjà que l'on n'ofa le chaffer; il attendit l'inftant de la mort de Montefquieu pour voler fes papiers; on l'en empêcha; mais il s'en vengea fur fon vin, & l'on fut obligé de le renvoyer ivremort dans fon couvent.

JOB.

Bonjour, mon ami Job, tu es un des plus anciens

originaux dont les livres faffent mention; tu n'étais point juif on fait que le livre qui porte ton nom eft plus ancien que le Pentateuque. Si les Hébreux qui l'ont traduit de l'arabe, fe font fervi du mot Jéhova pour fignifier DIEU, ils empruntèrent ce mot des Phéniciens & des Egyptiens, comme les vrais favans n'en doutent pas. Le mot de Satan n'était point hébreu, il était chaldéen, on le fait affez.

Tu demeurais fur les confins de la Chaldée. Des commentateurs, dignes de leur profeffion, prétendent que tu croyais à la réfurrection, parce qu'étant couché fur ton fumier, tu as dit, dans ton dix-neuvième chapitre, que tu t'en releverais quelque jour. Un malade qui efpère fa guérifon n'efpère pas pour cela la résurrection; mais je veux te parler d'autres choses.

Avoue que tu étais un grand bavard, mais tes amis l'étaient davantage. On dit que tu poffédais fept mille moutons, trois mille chameaux, mille bœufs & cinq cents âneffes. Je veux faire ton compte.

Sept mille moutons, à trois livres dix fous pièce font vingt-deux mille cinq cents livres tournois,

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J'évalue les trois mille chameaux,

à cinquante écus pièce.

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Mille bœufs ne peuvent être eftimés portant l'autre moins de

l'un

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80000

552500 1.

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Sans compter tes meubles, bagues & joyaux.

J'ai été beaucoup plus riche que toi ; & quoique j'aie perdu une grande partie de mon bien, & que je fois malade comme toi, je n'ai point murmuré contre DIEU, comme tes amis femblent te le reprocher quelquefois.

Je ne fuis point du tout content de Satan, qui pour t'induire au péché & pour te faire oublier DIEU, demande la permiffion de t'ôter ton bien & de te donner la gale. C'eft dans cet état que les hommes ont toujours recours à la Divinité. Ce font les gens heureux qui l'oublient. Satan ne connaissait pas affez le monde il s'eft formé depuis ; & quand il veut s'affurer de quelqu'un, il en fait un fermier-général, ou quelque chofe de mieux, s'il eft poffible. C'est ce que notre ami Pope nous a clairement montré dans l'hiftoire du chevalier Balaam.

Ta femme était une impertinente, mais tes prétendus amis Eliphas natif de Théman en Arabie, Baldad de Suez, & Sophar de Nahamath étaient bien plus infupportables qu'elle. Ils t'exhortent à la patience d'une manière à impatienter le plus doux des hommes. Ils te font de longs fermons plus ennuyeux que ceux que prêche le fourbe V.....e à Amfterdam : & le &c.

Il eft vrai que tu ne fais ce que tu dis quand tu t'écries Mon DIEU! fuis-je une mer ou une baleine

:

pour avoir été enfermé par vous comme dans une prifon? mais tes amis n'en favent pas davantage quand ils te répondent, que le jour ne peut reverdir fans humidité, que l'herbe des prés ne peut croître fans eau. Rien n'est moins confolant que cet axiome.

&

pas

Sophar de Nahamath te reproche d'être un babillard; mais aucun de ces bons amis ne te prête un écu. Je ne t'aurais traité ainfi. Rien n'eft plus commun que gens qui confeillent, rien de plus rare que ceux qui fecourent. C'eft bien la peine d'avoir trois amis pour n'en pas recevoir une goutte de bouillon quand on eft malade. Je m'imagine que quand DIEU t'eut rendu tes richeffes & ta fanté, ces éloquens perfonnages n'ofèrent pas fe préfenter devant toi; auffi, les amis de Job ont paffé en proverbe.

DIEU fut très-mécontent d'eux, & leur dit tout net au chap. XLII, qu'ils font ennuyeux & imprudens ; & il les condamne à une amende de fept taureaux & de fept béliers pour avoir dit des fottifes. Je les aurais condamnés pour n'avoir point secouru leur ami.

Je te prie de me dire s'il eft vrai que tu vécus cent quarante ans après cette aventure. J'aime à voir que les honnêtes gens vivent long-temps; mais il faut que les hommes d'aujourd'hui foient de grands fripons; tant leur vie eft courte.

Au refte le livre de Job eft un des plus précieux de toute l'antiquité. Il eft évident que ce livre eft d'un arabe qui vivait avant le temps où nous plaçons Moïfe. Il eft dit qu'Eliphas l'un des interlocuteurs eft de Théman; c'eft une ancienne ville d'Arabie. Baldad était de Suez, autre ville d'Arabie. Sophar était de Nahamath, contrée d'Arabie encore plus orientale.

Mais ce qui eft bien plus remarquable, & ce qui démontre que cette fable ne peut être d'un juif, c'est qu'il y eft parlé des trois conftellations que nous nommons aujourd'hui l'Ourse, l'Orion & les Hyades. Les Hébreux n'ont jamais eu la moindre connaissance de l'aftronomie, ils n'avaient pas même de mot pour exprimer cette fcience; tout ce qui regarde les arts de l'efprit leur était inconnu jufqu'au terme de géométrie.

Les Arabes au contraire habitant fous des tentes, étant continuellement à portée d'obferver les aftres, furent peut-être les premiers qui réglèrent leurs années par l'inspection du ciel.

Une obfervation plus importante, c'eft qu'il n'eft parlé que d'un feul DIEU dans ce livre. C'est une erreur abfurde d'avoir imaginé que les Juifs fufsent les feuls qui reconnuffent un Dieu unique; c'était la doctrine de prefque tout l'Orient, & les Juifs en cela ne furent que des plagiaires comme ils le furent en

tout.

DIEU dans le trente-huitième chapitre parle luimême à Job du milieu d'un tourbillon, & c'est ce qui a été imité depuis dans la Genèfe. On ne peut trop répéter que les livres juifs font très-nouveaux. L'ignorance & le fanatifme crient que le Pentateuque eft le plus ancien livre du monde. Il est évident que ceux de Sanchoniathon, ceux de Thaut antérieurs de huit cents ans à ceux de Sanchoniathon ; ceux du premier Zerduft, le Shafta, le Védam des Indiens que nous avons encore, les cinq Kings des Chinois, enfin le livre de Job, font d'une antiquité beaucoup plus reculée qu'aucun livre juif. Il est démontré que ce Dictionn. philofoph. Tome V.

I

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