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points matériels, animés de vitesses différentes, ne peuvent se rencontrer sans agir et réagir l'un sur l'autre ; il y a action du corps choquant sur le corps choqué; d'où changement d'état dans le corps choqué et réaction. De même, il y a action du corps choqué sur le corps choquant; d'où changement d'état dans le corps choquant et réaction. A chaque instant l'équilibre existe entre ces réactions simultanées, qui sont constamment égales et contraires.

Deux corps, animés d'une même quantité de mouvement et marchant à la rencontre l'un de l'autre, peuvent se réduire mutuellement au repos. Doit-on inférer, comme circonstance particulière à ce cas, que ces corps ont en eux la même puissance, ou qu'ils agissent avec la même force dans le changement d'état qu'ils éprouvent? Mais les forces qui se développent pendant le choc sont toujours et à chaque instant égales et contraires. Quant à la puissance, elle demeure après le choc ce qu'elle était avant, la même ou différente pour les deux corps, selon que leur masse est ou n'est pas la même.

Chacun des corps réduit l'autre au repos parce qu'il possède en sens inverse une égale quantité de mouvement. En d'autres termes, la raison de cet effet est dans le principe suivant: Quelle que soit la masse du corps auquel on suppose une force

appliquée, il suffit que cette force passe, aux mê– mes époques, par les mêmes degrés de grandeur, pour qu'elle engendre ou détruise, au bout d'un même temps quelconque, une même quantité de mouvement.

Le principe étant posé, nous en déduirons, comme conséquence immédiate, que dans un système de corps abandonnés à leurs actions mutuelles et réciproques, la somme algébrique des quantités de mouvement demeure constamment invariable. En effet, si nous isolons par la pensée deux quelconques des corps du système, nous voyons qu'à chaque instant ils s'attirent ou se repoussent avec une force égale. Les quantités de mouvement engendrées de part et d'autre sont donc les mêmes en grandeur et en direction; mais elles sont évidemment de signe contraire. Donc leur somme algébrique reste nulle.

Cette grande loi pouvant s'appliquer au système du monde, restituons aux corps planétaires le calorique versé par eux dans l'espace. De l'état solide ramenons-les progressivement à l'état gazeux, et faisons croître la diffusion jusqu'à ses dernières limites (1). Il semble incontestable qu'en procé

(1) Dans un ouvrage intitulé Mémoire sur l'état primitif et sur l'organisation de l'univers, M. Lenglet s'est proposé d'établir que les lois admises en physique permettent de considérer l'état actuel de l'univers

dant ainsi nous approchons de plus en plus de l'état d'équilibre. Nous croyons donc permis de supposer que, nulle à l'instant précis de la création, la somme algébrique des quantités de mouvement ne doit pas cesser d'être nulle.

Reprenons l'exemple cité tout à l'heure, et concevons qu'au lieu de marcher à la rencontre l'un de l'autre, les deux corps s'élèvent suivant la ver、 ticale, avec une même quantité de mouvement. La gravité s'exerçant par une action constante proportionnelle à la masse, le temps nécessaire à la force pour détruire le mouvement est proportionnel à la vitesse d'impulsion. Or, l'espace croît comme le carré du temps: donc il sera comme le carré de la vitesse.

Il résulte de là que le produit de la hauteur franchie par l'effort exercé croît proportionnellement à la vitesse, lorsque la quantité de mouvement demeure invariable. Ainsi, deux corps capables de se réduire mutuellement au repos par le choc, peuvent néanmoins, sous l'action continue d'une même force retardatrice constante, franchir des espaces proportionnels à leurs vitesses respectives.

Pour trouver quelque chose de contradictoire

comme la conséquence d'un état initial présentant la matière uniformé ment répartie dans l'espace.

dans les termes de cette proposition, il faut confondre la dépense continue de force qu'exige la génération de la vitesse eu égard au temps et abstraction faite de l'espace, avec celle qu'elle exige eu égard à l'espace et abstraction faite du temps.

Lorsqu'il s'agit d'un effort instantané, ni le temps ni l'espace ne sont à considérer; en ce cas, on a la force proprement dite. S'agit-il, au contraire, d'un effort continu, et veut-on tenir compte de la continuité, l'expression isolée de la force devient insuffisante; il faut y joindre un nouvel élément. Ce sera ou le temps pendant lequel la force agit, ou l'espace que parcourt son point d'application. Dans le premier cas, le produit de la force par le temps est la mesure correspondante de la quantité de mouvement que peut engendrer la puissance dans son développement uniforme et continu. Dans le second cas, le double produit de l'espace par la force mesure de la même manière la quantité de force vive.

Le produit mv2, appelé improprement force vive, n'est point une force. Il en est de même du produit mv, nommé quantité de mouvement. Un corps se meut; il y a là masse et vitesse, mais non force; il y a puissance, mais elle serait la même à l'état de repos. Le mouvement acquis témoigne d'une lutte antérieure, pendant laquelle se trouvaient à chaque instant en présence deux forces

toujours égales et contraires, l'une extérieure et excitatrice, l'autre inhérente à la matière et rendue sensible par l'excitation étrangère qui provoquait son développement. L'effet de cette lutte se résume dans la génération d'une certaine vitesse.

La même force extérieure, constante en grandeur et en direction, peut être conçue agissant sur des masses différentes. Quelles que soient ces masses, la force engendrera toujours, pour une même durée d'action, une même quantité de mouvement; pour un même espace franchi pendant la lutte, une même quantité de force vive. L'on peut donner pour expression de l'effet produit, la quantité de mouvement ou la force vive, et demander quelle a été, pendant la lutte, l'intensité de la force excitatrice. Observons que chacune de ces deux expressions renferme implicitement la force, combinée pour l'une avec le temps, pour l'autre avec l'espace. Si l'on fait abstraction de l'élément distinct qui les différencie, on perd de vue le but qu'on se propose, et dès lors comment pourrait-on y atteindre ?

Connaître la quantité de mouvement ou la force vive, c'est avoir un rectangle défini par sa surface seulement.

Évaluer d'après cette donnée l'intensité de la force génératrice supposée constante, c'est déter

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