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ment courbe est un mouvement dérivé; que les corps ne le suivent que lorsqu'ils se trouvent à chaque instant écartés du droit; que le mouvement et le repos sont indifférents aux corps, qui demeurent dans l'état où ils sont, si rien ne les trouble.

Or, à Descartes sont dus ces principes, dont Galilée ne paraît point s'être douté, quoi qu'en dise Montucla. « Lorsqu'on réfléchit à la manière dont Galilée applique la géométrie à la physique, et surtout à la démonstration de la loi de la chute accélérée des graves, on ne peut s'empêcher d'y reconnaître qu'il était en possession des lois fondamentales du mouvement: je veux dire de celles-ci; qu'un corps en repos y reste tant qu'il n'en est pas tiré par quelque cause extérieure; qu'il continue son mouvement en ligne droite et avec la même vitesse, tant qu'il ne reçoit pas une nouvelle impulsion; que, livré à deux impulsions obliques, il suit la diagonale du parallélogramme dont les côtés sont comme ces impulsions, car ce sont là les bases sous-entendues de ses démonstrations (1). » A ce compte-là on pourrait dire aussi, par exemple, que Descartes, lorsqu'il expliquait l'arc-en-ciel, était en possession de l'inégale réfrangibilité des rayons colorifiques;

(1) Hist. des math., t. II, p. 191.

car elle est de même la base sous-entendue de sa démonstration. Plus loin, Montucla revient sur la même assertion. « On doit principalement à Descartes d'avoir enseigné plus distinctement qu'on n'avait encore fait les propriétés du mouvement. Je me borne à dire plus distinctement, car on a déjà vu qu'on ne peut refuser au célèbre philosophe italien de les avoir reconnues et employées dans divers écrits, soit dans son Systema cosmicum, soit dans ses dialogues sur le mouvement (1). » Le passage auquel l'auteur fait allusion, en disant qu'on a déjà vu, ne peut être que le premier que nous venons de transcrire. Et qu'y voyez-vous, ce n'est une affirmation établie sur l'induction la plus arbitraire? Pourquoi ne rapporte-t-il pas les endroits où il a aperçu ces lois? Il serait aisé d'en citer de contraires. Dans le Systema cosmicum (2), Galilée se range à l'opinion d'Aristote, qu'il y a deux mouvements simples, le droit et le circulaire; que le circulaire est parfait, le droit imparfait, et (3) que celui-ci est impossible dans un monde bien ordonné, seulement qu'il a pu se rencontrer dans le chaos. Remarquons que le Système cosmique est un des derniers écrits de Galilée, qui le compose à l'âge de soixante-huit

(1) Ibid., p. 208.

(2) P. 6.

(3) P. 9.

ans, où il devait avoir ses idées définitives. Au surplus, Montucla n'entend point frustrer Descartes. «Nous ne croyons pas, poursuit-il, que ce soit de Galilée qu'il les ait empruntées; son système était en grande partie arrêté avant que les écrits de celui-ci eussent vu le jour (1). »

On a voulu voir dans Képler la loi d'inertie. C'est plutôt le contraire, car il suppose la matière encline à l'immobilité : d'où, selon lui, s'établit une lutte entre les planètes et le soleil; le soleil, par sa puissance, voulant les faire marcher, et les planètes, par leur besoin de repos, lui résistant, et allant d'autant moins vite qu'elles sont plus éloignées de lui, c'est-à-dire qu'elles lui échappent davantage (2).

On a été un peu plus fondé à trouver chez Képter le mouvement en ligne droite. « Je nie, dit-il, que Dieu ait établi aucun mouvement perpétuel autre que le droit, qui se maintienne sans le secours d'une intelligence. Même dans le corps humain, tous les muscles suivent les principes du mouvement en ligne droite. En effet, ou ils

(1) Hist. des math., t. II, p. 208.

(2) « Necesse est igitur ut planetariorum globorum naturasit materiata, ex adhærente proprietate, inde a rerum principio prona ad quietem seu ad privationem motus. Quarum rerum contentione cum noscatur pugna; superat igitur plus ille planeta, qui in virtute imbecilliore consistit, eaque tardius movetur; minus ille, qui soli propior. » Stella martis., cap. xxxiv, P. 174.

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s'enflent en se retirant sur eux-mèmes, ou ils s'aplatissent par l'écartement de leurs extrémités, dans le premier cas pour rapprocher les membres des muscles, dans le second pour les en éloigner. Il n'est pas jusqu'aux muscles de forme circulaire qui ne présentent à leur manière le même phénomène : placés comme des gardiens aux différentes ouvertures du corps, en allongeant circulairement leurs fibres, ils élargissent le passage, et ils le resserrent en les ramassant sous la forme d'un cercle plus petit. Il n'est donc aucun membre qui se meuve en rond, d'une façon régulière et commode. Quant aux flexions de la tête, des pieds, des bras, de la langue, elles sont exécutées par des moyens mécaniques à l'aide d'un grand nombre de muscles droits, qui changent de place ou se tendent de côté et d'autre. C'est ainsi que la faculté motrice, qui de sa nature, tend à prendre une direction droite, parvient à imprimer aux membres des mouvements curvilignes (1). >>

(1) Nego ullum motum perennem non rectum a Deo conditum esse præsidio mentali destitutum. Et intra quidem corpus humanum omnes musculi principiis moventur rectilineorum motum: nempe aut in sese recedendo turgent, ant discessu capitum extenuantur; illic, ut membrum ad musculum accedat, hic ut recedat : quod idem et in circularibus musculis suo modo locum habet, qui meatibus custodes appositi, ubi filamentis circularibus extensi fuerint, laxant meatum, constringunt vero iisdem in angustioris circuli figuram recurrentibus. Nullum adeo membrum est,

Képler aurait pu mieux choisir que l'exemple du corps humain pour élucider son idée. D'ailleurs elle manque d'exactitude, puisqu'il exige la volonté pour le mouvement curviligne. Quelle distance de cette idée à celle de Descartes, qui nous dévoile les trois propriétés essentielles du mouvement, par la considération de ce qu'elles sont en soi, et par leur rôle dans la formation et dans la conservation de l'univers, où l'on voit sans cesse et la tendance primitive des corps à se mouvoir en ligne droite, et la nécessité pour eux de se mouvoir en ligne courbe, à cause de leur opposition mutuelle, et leur persévérance dans l'état de repos ou dans celui de mouvement, si rien ne les en tire. Ces notions qu'il expose sont tellement frappantes de vérité, qu'elles saisissent soudain et illuminent les esprits.

Il y joint l'idée non moins importante de la communication du mouvement. La priorité ne lui est point disputée; mais parce qu'il erre dans certains cas, on semble le spolier de l'invention et en gratifier ceux qui le rectifient. Newton ne le nomme même pas (1). D'Alembert est plus équi·

quod æquabiliter et expedite gyretur, Flexus vero capitis, pedum, bracchiorum et linguæ, quibusdem artificiis mechanicis per multos rectos musculos huc illuc transpositos vel attensos expressi sunt. Qua ratione efficitur, ut facultas motrix natura sua in rectum tendens, membrum illud contorqueat in gyrum. » Stell. mart., cap. 11, p. 8.

(1) Princ. math. Axiomes ou lois du mouvement, loi 3o, scolie.

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