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GENCE SANS BORNES a vu le Bien absolu et l'a fait. Il était Sa pensée, et cette PENSÉE était cette INTEL LIGENCE (1). »

L'auteur soutient aussi que la création est nécessaire : «< DIEU a créé parce qu'IL était DIEU. SES PERFECTIONS Voulaient des Étres qui goûtassent l'existence. DIEU a créé ces Êtres. En les créant, IL a satisfait à soi (2). » Si Dieu a créé parce qu'il était Dieu et que ses perfections voulaient des ètres qui goûtassent l'existence, il s'ensuit qu'il ne pouvait pas plus s'empêcher de créer que d'être Dieu, et d'avoir les perfections de sa nature. C'est aussi ce qui découle du principe que Dieu a dû choisir le meilleur monde; car s'il est obligé de se détermi– ner pour ce qui a le plus de prix, il ne saurait se refuser à créer, puisque l'existence d'un seul être, quelque chétif qu'il soit, vaut mieux que le néant, et par la même raison il se trouve forcé à le créer dès l'éternité. « lci, dit le même auteur, le possible n'est pas ce qui l'est en soi; mais le possible est ici ce qui l'est relativement à la CAUSE QUI peut l'actualiser. Dans ce sens, un seul Univers était possible; c'était celui qui était en rapport avec les attributs de la CAUSE pris collectivement. Et entre deux Univers parfaitement égaux en

(1) Ibid., p. 166. (2) Ibid., p. 251.

bonté, comment eût-ELLE choisi? ELLE se connaît ELLE-même, et dans l'Idée qu'ELLE a d'ELLEmême était celle de l'Univers actuel, expression de sa PUISSANCE et de sa SAGESSE. Cette idée, infiniment complexe, renfermait de toute éternité dans sa composition, toutes les modifications possibles de la Matière et des Esprits (1). »

L'obligation de choisir le meilleur semble néan moins tellement inséparable de la sagesse souveraine que le contraire a l'air d'un blasphème, et que pour prendre sur soi de la révoquer en doute, il ne faut rien moins que la vue certaine des erreurs funestes où elle conduit. Mais tout solide qu'est cet argument indirect contre l'optimisme, il satisfait peu l'esprit, qui cependant n'en possède guère d'autres dans plusieurs questions essentielles où les raisons directes échappent, soit à sa faiblesse originelle, soit aux progrès qu'il a faits jusqu'à pré

sent.

Ici l'esprit humain est plus heureux. La connaissance de l'infini lui montre clairement que l'idée de ce plus parfait monde n'existant point, elle ne peut être l'objet de l'intelligence de Dieu, ni nécessiter le choix de sa sagesse. Cela prouve combien il est important d'envisager un sujet sous toutes ses faces, d'aller au fond des choses et de ne

(1) Essai analyt, sur les facultés de l'âme, art. 159.

jamais se contenter d'un premier coup d'œil, quelque vaste et perçant qu'il soit.

Rarement une grande erreur traverse son siècle, sans voir s'élever contre elle la vérité qu'elle nie, et qui doit l'abattre. «Représentons-nous, disent Bossuet et Fénelon dans leur réfutation de Malebranche, représentons-nous, selon la belle image desaint Augustin (1), tout l'ouvrage de Dieu comme étant dans une espèce de milieu entre l'Étre suprême et le néant, qui sont comme ses deux extrémités. De quelque côté que la créature se tourne, elle aperçoit un espace infini: l'être borné, en tant que borné, est infiniment distant de l'être infini; en tant qu'être, quoique borné, il est infiniment distant du néant; la distance infinie qui est entre la créature et le néant, est en elle la marque de la perfection infinie de celui qui l'a fait passer du néant à l'être. Par là tout degré d'être est bon et digne de Dieu : par là, le moindre degré d'être porte en lui le caractère de la perfection infinie du Créateur. Il faut donc se représenter, et en cela l'imagination, bien loin de dérégler l'esprit, ne fait que le soulager, pour rendre ses opérations plus parfaites, il faut donc se représenter toutes les perfections que Dieu peut donner à son ouvrage, comme une suite de degrés d'une hauteur

(1) Contra epist. Manichæorum quam vocani fundamentum, cap. xxxшI, ,n 36 et seq.

et d'une profondeur sans bornes. Ces degrés, d'un côté montent, et, de l'autre descendent toujours à l'infini. Dieu voit tous ces degrés; mais comme ils sont infinis, il n'en voit aucun de déterminé, audessus duquel il n'en voie encore d'autres qui sont possibles; il n'en voit même aucun de déterminé qui ne soit fini et qui par conséquent n'en ait encore d'infinis au-dessous de lui (1).

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Bossuet et Fénelon concluent de là que « bien loin que Dieu ne puisse produire que le plus parfait, il ne peut jamais produire le plus parfait, puisqu'il peut toujours ajouter de nouveaux degrés de perfection à toute perfection déterminée (2) ; que le plus haut degré de perfection, comme le plus bas, étant infiniment éloignés de lui, ils lui sont également inférieurs; qu'il voit les choses les plus inégales, égalées en quelque façon, c'est-à-dire également rien, en les comparant à sa hauteur souveraine (3); que dans cette supériorité infinie, qui lui rend toutes les choses possibles également indifférentes, Dieu trouve la parfaite liberté de créer ou de ne pas créer le monde, de le créer plus tôt ou plus tard, de lui donner tel ou tel degré de perfection (4). Sans doute, disent-ils, que

(1) OEuv. de Fénelon, t. III, p. 52, édit. de Versailles.

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dans ce choix pleinement libre, où Dieu n'a d'aútres raisons de se déterminer que son bon plaisir, sa parfaite sagesse ne l'abandonne jamais. Pour ètre souverainement indépendant de l'inégalité des objets finis entre eux, il n'en est pas moins sage; il voit cette inégalité de tous les objets entre eux ; il voit leur égalité par rapport à sa perfection infinie; il voit leur éloignement infini du néant; il voit tous les rapports que chacun d'eux peut avoir à sa gloire, et toutes les raisons de le produire; il voit une raison générale et supérieure à toutes les autres, qui est celle de son indépendance et de l'imperfection de toute créature par rapport à lui; il y trouve son souverain domaine et sa pleine li– berté il l'exerce pour faire le bien, à telle mesure qu'il lui plaît. N'y a-t-il pas dans toutes les vues de Dieu, qui agit librement, une science et une sagesse infinies (1)? »

Aussi bien que Leibnitz, Bossuet et Fénelon ont donc compris cette propriété de l'infini considéré en tant que nombre, qu'il n'a point de dernier terme; de plus ils l'ont employée à résoudre la plus impartante question, et se sont élevés à l'infini absolu, degré suprême des conceptions de l'homme et de la grandeur de Dieu. Mais ils n'ont point aperçu les infinis relatifs, sur lesquels il do

(1) Ibid., p. 60.

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