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elles traversent et agitent l'éther, où elles produisent des ondulations par lesquelles elles sont à leur tour excitées. Dans la question 12, il semble dire que ces particules frappent l'oeil et donnent la lumière: « Les rayons de lumière venant à tomber sur le fond de l'œil, n'excitent-ils pas dans la rétine des vibrations qui, étant propagées le long des fibres solides des nerfs optiques jusque dans le cerveau, causent la sensation de la vue? » Dans la question 23, au contraire, il attribue cette sensa tion aux ondulations de l'éther: « La vision n'estelle pas principalement produite par les vibrations de ce milieu, excitées dans le fond de l'œil par les rayons de lumière, et propagées par les fibrilles solides, diaphanes et uniformes des nerfs optiques jusqu'au lieu des sensations? »

Euler l'attaque avec force; il lui demande (1) si le soleil ne s'épuiserait pas en jetant de tous les côtés des fleuves de matière lumineuse; si l'on peut se figurer l'énergie qu'il faudrait pour imprimer aux particules cette vitesse inconcevable avec laquelle la lumière vient du soleil jusqu'à nous en huit minutes de temps; si leur masse qui remplit l'espace, et qui est si prodigieusement agitée, ne troublerait pas la marche des planètes et n'empêcherait pas autant le mouvement des comètes

(1) Lettres à une princesse d'Allemagne, t. I, lett. 17, 18.

que les tourbillons, contre lesquels Newton argu– mentait de cet obstacle avec une si grande confiance. «Un autre inconvénient, ajoute Euler, qui ne paraît pas moins grand, est que non-seulement le soleil lance des rayons, mais que toutes les étoiles en lancent aussi; et puisqu'il y aurait partout des rayons du soleil et des étoiles qui se rencontreraient, avec quelle impétuosité devraient-ils se choquer les uns les autres! combien leur direction devrait en être changée! Cette rencontre des rayons devrait avoir lieu pour tous les corps lumineux qu'on voit à la fois; cependant chacun paraît distinctement, sans souffrir le moindre dérangement de la part des autres: preuve bien certaine que plusieurs rayons peuvent passer par le même point, sans se troubler réciproquement, ce qui semble inconciliable avec le système de l'émanation. En effet, qu'on fasse rencontrer deux jets d'eau, on verra qu'ils se troublent terriblement dans leur jeu, par conséquent on doit en conclure que le mouvement des rayons de lumière est trèsessentiellement différent de celui des jets d'eau, et en général de toutes les matières lancées. >>

Néanmoins ce système a toujours été en crédit, parce que sans doute il venait de celui qui avait le premier calculé les mouvements des astres, et aussi parce qu'il expliquait avec une apparente facilité quelques phénomènes; mais il est aujour

d'hui tombé devant le système des ondes, par lequel Young et Fresnel ont plus avancé l'optique en quelques années, que leurs prédécesseurs pendant un siècle. Pour montrer la supériorité des ondes sur l'émission, il faudrait discuter les diverses questions, c'est-à-dire composer, en quelque sorte, un ouvrage sur la lumière, ce qui n'entre point dans notre plan; mais il suffit que nous fassions parler l'opinion dominante.

« La loi de la réfraction simple, dit M. Lamé, est en défaut lorsque la lumière pénètre dans les cristaux bi-réfringents; le fait de la réflection se complique quand il s'agit de la lumière polarisée, puisqu'il existe, pour cette espèce de lumière, des circonstances où elle échappe à la réflection, et se réfracte en totalité; enfin nous citerons des phénomènes pour lesquels la lumière semble se propager en ligne courbe. Ainsi les trois principes qui servent de base à l'optique géométrique ne peuvent être adoptés d'une manière absolue. L'ancienne théorie de l'émission était totalement impuissante pour rendre compte de ces exceptions; les hypothèses subsidiaires dont il fallait étayer l'idée fondamentale étaient aussi nombreuses que les phénomènes nouveaux qu'il s'agissait d'expliquer; en sorte que ces hypothèses ne faisaient que transformer l'énoncé des faits, sans établir entre eux aucune liaison nécessaire.

Toutes ces exceptions sont, au contraire, des conséquences naturelles de l'idée primitive des ondulations, et tendent même à la simplifier. Dans la lutte récente qui s'est établie, au milieu du monde savant, entre les défenseurs des idées de Newton sur la lumière, et les partisans de la théorie des ondes, les succès obtenus par ces derniers ont été d'abord contestés. Mais quand, parmi eux, Fresnel fut parvenu à déduire d'un petit nombre de principes simples et féconds un enchaînement rigoureux de tous les faits de l'optique, et leur explication complète jusque dans leurs moindres variétés, il fallut se rendre à l'évidence, ou reconnaître au moins que l'idée des vibrations était plus heureuse que celle de l'émission (1). » Et ailleurs : « Un grand nombre de phénomènes d'optique se conçoivent facilement dans l'hypothèse de l'émission, mais un grand nombre aussi sont en contradiction manifeste avec elle et en démontrent la fausseté. La théorie des ondes lumineuses, au contraire, explique les faits connus d'une manière complète, et sans nécessité aucune de ces mille hypothèses additionnelles et contradictoires que la théorie de l'émission est forcée d'admettre; elle établit un lien naturel entre les phénomènes en apparence les plus dissemblables; enfin, comme pour fournir

(1) Cours de phys. de l'École polythecnique, t. II, part. 1, p. 299, an. 1836.

une preuve irrécusable de sa réalité, elle a devancé la physique expérimentale en lui indiquant plusieurs fois des faits qu'elle n'avait pas soupçonnés, et qui ont été complétement vérifiés (1). » M. Arago a, depuis, expliqué avec les ondes la scintillation des étoiles, et triomphé d'un problème demeuré rebelle à tant et de si puissantes mains.

Young et Fresnel ont introduit dans les ondes une amélioration capitale, la vibration perpendiculaire au rayon. Longtemps avant eux, Hooke en avait posé le principe : « Le mouvement de la lumière, dans un milieu uniforme où elle est engendrée, est propagé par des pulsations ou ondes qui sont à angles droits avec la direction que suit la lumière (2). » Cependant Fresnel montre plutôt la possibilité que la réalité des vibrations perpendiculaires (3). Nous ignorons ce que dit là-dessus Young; nous voyons seulement « qu'il concluait des propriétés optiques des cristaux à deux axes, découvertes par Brewster, que les ondulations de l'éther pourraient bien ressembler à celles d'une corde tendue d'une longueur indéfinie, et se propager de la même manière (4). » Fresnel déclare

(1) Ibid., p. 103.

(2) Hist. de la société royale de Londres, t. III, p. 12, an. 1672. Communiqué par M. Arago. Comptes-rendus de l'Acad. des Sciences,

21 nov. 1842.

(3) Annales de chimie et de phys., t. XVII, p. 182.

(4) Ibid., p. 184.

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