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construction qu'il connaissait sans doute, puisqu'il cite son Traité de la lumière. Mais ce qui paraît encore plus inconcevable, c'est que l'exactitude de la loi de Huyghens ait été méconnue pendant plus de cent ans, quoiqu'elle fût appuyée des vérifications expérimentales de ce grand homme, aussi remarquable peut-être par sa bonne foi et sa modestie, que par sa sagacité. Si nous osions hasarder une explication de ce trait singulier de l'histoire de la science, nous dirions que les considérations puisées dans la théorie des ondes qui avaient guidé Huyghens, ont fait supposer peut-être aux partisans du système de l'émission, qu'il n'avait pu arriver à la vérité par une hypothèse erronée, et les ont empêchés de lire son Traité de la lumière avec l'attention qu'il méritait (1). »

En 1664, Grimaldi étudia le phénomène de la diffraction, qui fut ensuite développé avec soin par Newton, ainsi que celui des interférences observé par Hooke. Pour mieux fixer les idées, j'emploie l'expression d'interférences, quoique de création plus récente.

Descartes a conçu la lumière d'une manière qui, se confirmant chaque jour, semble être la véritable. Rappelons-nous que, de son premier élément ou matière en poudre, il forme le soleil, que l'in

(1) Academ. des Sciences, t. VII, p. 45, an. 1827.

tervalle entre le soleil et les planètes, il le remplit par le second élément ou matière à parties rondes, et que la lumière est l'effort continuel de ces boules qui tendent à s'éloigner du centre du tourbillon du soleil. Ainsi l'agitation de la matière qui compose cet astre presse les boules du second élément; cette pression, se communiquant sur-le-champ aux boules qui nous environnent, cause sur la rétine la sensation qu'on appelle lumière. Elle n'est point, selon Descartes, un mouvement, mais une inclination à se mouvoir (1). Exercée par le soleil dans tous les sens, elle suit pour chaque point la direction droite d'un rayon du tourbillon, et, pour tous à la fois, elle prend la forme sphérique et ressemble aux ondes qui naissent dans l'eau, lorsqu'elle reçoit un ébranlement en quelque endroit. De là le système des ondes.

Descartes le laisse avec deux graves défauts, corrigés par Huyghens, la propagation instantanée et la dureté parfaite du milieu : défauts qui dépendent l'un de l'autre. Il veut que la lumière se transmette sans délai, parce qu'il suppose les boules du second élément entièrement dures et serrées, et il compare cette transmission à celle d'un bâton qui fait immédiatement sentir à la main la pression qu'il éprouve d'un obs

(1) CEuv., t. V. p. 10.

tacle par le bout opposé. En effet, la longueur n'y faisant rien, que le bâton s'allonge jusqu'au soleil, qu'il ait trente-cinq millions de lieues, la pression n'en sera pas moins subite. De même, si la pression est subite, il faut qu'elle passe comme par un bâton, ou que les boules du second élément soient complétement dures et serrées, c'est-à-dire que cet élément n'ait aucune élasticité. Les efforts pour étayer l'erreur ont souvent mis au jour d'importantes vérités. Une considération astronomique à laquelle Descartes, dans une discussion avec un de ses amis, eut recours pour montrer que la lumière se propage dans le même moment, conduisit peut-être Roemer à découvrir, en 1676, qu'elle est successive.

<<< S'il fallait un temps quelconque, dit Descartes (1), une heure, par exemple, à la lumière pour venir du soleil ou de la lune jusqu'à nos yeux, jamais nous ne verrions une éclipse à l'instant où elle arrive réellement; jamais nous ne verrions le soleil, ni la lune, ni aucun astre dans le lieu qu'il occupe, mais bien dans celui qu'il occupait à l'instant où s'est faite l'émission de sa lumière. Or, les éclipses s'accordent avec les annonces des astronomes; donc la lumière n'emploie aucun temps appréciable à venir du soleil ou des planètes jusqu'à nous. >>

(1) OEuv., t. VI, p. 264.

« La réflexion est parfaitement juste, dit Delambre, après avoir cité ce passage. Descartes est le premier qui l'ait faite. Jamais nous ne voyons un astre où il est, mais où il était quand il nous a envoyé le rayon qui vient frapper notre œil. La conséquence qu'il en déduit est cependant inexacte. Les éclipses arrivent comme elles sont annoncées, parce que les tables du soleil et de la lune sont calculées d'après les observations, et renferment. nécessairement l'effet dont parle Descartes... Il faut trois quarts d'heure environ à la lumière pour venir de Jupiter au soleil, et huit minutes du soleil à nous; mais la terre peut être en avant ou en arrière du soleil de tout le rayon de l'orbite terrestre; les éclipses des satellites de Jupiter peuvent donc être avancées ou retardées pour nous de huit minutes; l'effet total est de seize minutes; c'est ce qui a donné la mesure de ce mouvement de la lumière. Descartes n'a pas approfondi son idée, il n'en a pas suivi toutes les conséquences; la seule conclusion qu'il ait tirée pouvait se réfuter aisément. Mais qui nous dira si cette phrase, à laquelle personne n'a fait attention, n'a pas conduit Roemer à sa belle découverte, confirmée depuis par l'aberration des fixes, qui n'est qu'une suite du principe de Descartes. Personne, que je sache, n'avait encore fait cette remarque sur une ligne tracée en passant par un homme de génie, et qui, mûrement consi

dérée, aurait pu hâter une découverte qui a longtemps manqué à la perfection de l'astronomie (1). »

Newton observe fort bien que « si la lumière ne consistait que dans une pression propagée sans mouvement actuel, elle ne serait pas capable d'agiter et d'échauffer les corps qui la rompent et la réfléchissent (2). » Il aurait dû ajouter qu'elle ne produirait point la sensation qui la manifeste, et ́ qu'elle resterait invisible, ou, ce qui revient au même, qu'elle n'existerait point. Pour exciter la rétine il faut un choc quelconque, et dès lors un mouvement; il faut donc que le milieu par lequel elle se communique soit élastique. C'est ce que Huyghens soutient au commencement de son traité sur la lumière. Il est vrai qu'il croit inutile de dé– cider quelle est la cause du ressort, comme s'il pouvait résulter d'autre chose que de la force ou des forces qui unissent les parties. Malebranche, dans le dernier éclaircissement de la Recherche de la Vérité, consacré à la lumière, considère les boules du second élément comme de petits tourbillons; il s'étonne que Descartes ait pu croire leurs parties en repos.

Newton (3) suppose des particules qui émanent des corps lumineux, principalement du soleil;

(1) Hist. de l'ast. mod., t. II, p. 203.

(2) Opt:, quest. 28.

(3) Opt., questions.

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